MONTRÉAL - Lorsque Groupe Yvon Michel a annoncé la mise sous contrat d’Artur Beterbiev, les dirigeants de l’entreprise se félicitaient d’avoir mis le grappin sur un boxeur de sa trempe au nez et à la barbe de géants comme Golden Boy Promotions et Top Rank.

Plus de 16 mois et seulement cinq combats plus tard, Beterbiev aura la chance d’affronter un premier adversaire de renom, alors qu’il se mesurera à l’ancien champion des poids mi-lourds de la IBF Tavoris Cloud samedi soir au Centre Bell. Rien d’anecdotique pour ses partenaires.

Il faut dire que Beterbiev avait lancé un message clair à ses débuts professionnels en l’emportant par knock-out technique dès le deuxième round contre Christian Cruz, un vétéran qui avait résisté beaucoup plus longtemps devant Lucian Bute, Renan St-Juste et Jean Pascal dans le passé.

Beterbiev s’est ensuite débarrassé de Rayco Saunders en moins de trois rounds, lui qui n’a été arrêté qu’une seule autre fois avant la limite en maintenant 24 défaites depuis le commencement de sa carrière. Plus aucun autre boxeur aguerri ne voudra ensuite croiser le fer avec lui, à moins bien évidemment de recevoir une offre impossible à refuser.

« Aussi étonnant que cela puisse paraître, les choses ne sont pas allées aussi rapidement que prévu », avoue le promoteur Yvon Michel. « Lorsque nous l’avons mis sous contrat, je ne me rappelais pas le règlement québécois qui limite les boxeurs à des combats de quatre ou six rounds à leurs quatre premiers combats. Dès ses débuts, il aurait pu faire un huit rounds. »

« Généralement, je préfère attendre que mes boxeurs soient vraiment prêts, mais tout le monde autour de moi dit qu’Artur l’est », ajoute son entraîneur Marc Ramsay. « Mon gymnase est un laboratoire où il se tente beaucoup de choses. Alors lorsque nous sommes persuadés de quelque chose, j’ai la conviction que nous n’avons tout simplement plus le choix de foncer. »

« C’est bien normal que les gens se posent des questions, mais ils découvriront samedi que les points forts d’Artur sont son menton, son endurance et sa force musculaire. S’il perd, ce ne sera pas plus grave qu’il ne le faut, mais cette option n’est jamais venue à notre esprit. »

Un dépaysement total

Si Beterbiev a décidé de lancer sa carrière au Québec, c’est un peu beaucoup en raison de sa gérante Anna Reva, qui ne pouvait pas s’imaginer meilleure terre d’accueil pour son protégé.

Artur Beterbiev« Je suis installée au Québec depuis 13 ans maintenant et je m’y sens comme à la maison. Quand Artur se cherchait un promoteur, c’est ici et nulle part ailleurs que je voulais qu’il vienne », explique Reva. « Nous n’avons absolument rien à envier aux États-Unis. Je voulais également prouver qu’un boxeur du calibre d’Artur était capable de réussir en s’installant ici. »

Évidemment, la décision de quitter le Daghestan pour immigrer dans la Belle Province ne s’est pas prise sans heurts. La gérante concède que le dépaysement est total pour ses compatriotes.

« Tout est différent : la mentalité, la langue, la culture, la nourriture et la façon de vivre », énumère Reva. « Mais le Québec demeure un endroit formidable. Artur s’est très bien adapté. »

L’arrivée de Beterbiev était également appréhendée par son futur entraîneur Ramsay, qui même s’il reconnaissait le talent de l’athlète, ne savait absolument rien de l’individu. Il avait mené de main de maître l’intégration des deux Colombiens Eleider Alvarez et Oscar Rivas quelques années plus tôt, mais se demandait bien comment il parviendrait à communiquer avec un Russe.

« Ç’a été une belle découverte », se réjouit Ramsay. « Avec un gars aussi discipliné que lui, nous n’avons pas perdu de temps, nous sommes entrés dans le vif du sujet! Nous lui avons fait goûter à toutes sortes de choses pour connaître ses forces et faiblesses et il a prouvé son haut niveau. »

Beaucoup à gagner, peu à perdre

Après un camp d’entraînement à la hauteur des ambitions de tout un chacun, toutes les parties sont gonflées à bloc et ne doutent pas un instant de la victoire. Si un imprévu devait toutefois survenir, il n’est pas question de profiter de l’occasion pour douter du talent de Beterbiev.

« Je ne serai jamais surprise par son succès, parce qu’il est déterminé », affirme Reva. « Il n’y a que deux choses qui comptent pour lui dans la vie : sa famille et la boxe. Il a fait ce qu’il fallait. »

Artur Beterbiev« Les défaites ne sont jamais aussi dramatiques qu’elles en ont l’air, tout dépend de la façon dont le boxeur prend ça », poursuit Ramsay. Cloud sait cependant qu’une défaite le relègue dans une autre ligue avec des bourses moins intéressantes. Il aura donc beaucoup plus de pression sur les épaules et c’est pourquoi nous n’avons pas le choix d’être prêts. »

« C’est un risque calculé. De toute façon, je n’ai jamais mis personne dehors après une défaite », conclut Michel. « Nous avons toujours eu confiance en son talent et sa détermination. Et s’il s’accrochait les pieds samedi, ce ne serait vraiment pas grave. Ce sont des choses qui arrivent. »

Avec une victoire samedi, Beterbiev deviendrait instantanément l’un des jeunes boxeurs les plus en vue de la division des mi-lourds dans laquelle Alvarez, Lucian Bute, Jean Pascal et Adonis Stevenson évoluent déjà. Un scénario de rêve pour n’importe quel promoteur.