À la lumière des verdicts rendus depuis une dizaine d'années en boxe professionnelle, les amateurs s'entendent pour affirmer que le système doit être réformé ou amélioré. Il y a 24 mois, j'avais proposé le " on-line " scoring, système qui permettrait aux amateurs qui sont les témoins d'un combat au petit écran de noter chaque round via internet.

Par exemple, les réseaux de télé à péage Showtime et HBO permettent à leurs abonnés de rendre leurs propres décisions lors de combats d'envergure depuis quelques temps déjà. Les résultats sont étonnants. Si la boxe s'en était remise à cette nouvelle procédure, certaines décisions outrageuses auraient été évitées.

Toutefois je conviens que, pour toutes sortes de raisons, un changement aussi radical est loin de faire l'unanimité.

Il faut savoir que les problèmes avec le résultat des combats ont commencé dès que ceux-ci ont été remis entre les mains de juges. Dans le but de se soustraire à l'humeur des officiels, il était fréquent dans la période allant de 1870 jusqu'aux environs des années 1920 de ne pas rendre de décisions lorsque deux combattants se mesuraient l'un à l'autre (on parlait alors de " no-decision ").

Ceux-ci en convenaient avant le duel. À la suite des combats, un compte-rendu était publié dans les journaux. Les reporters affichaient leurs préférences et accordaient une victoire sur papier (newspaper decision) qui n'avait aucun caractère officiel. La victoire officielle n'était possible que par mise hors de combat.

D'autres rencontres, prévues pour des limites de rounds extrêmes (plusieurs combats de championnat du monde se disputaient en 25, 45 ou même 75 reprises), de par leurs natures soulageaient les juges d'un lourd fardeau! Plusieurs boxeurs s'effondraient littéralement d'épuisement avant le son de cloche final…

Revenons au présent, en quoi le système actuel est-il si mauvais? Pourquoi tant de verdicts sont-ils impopulaires? Premièrement, avouons que certains juges sont carrément incompétents. Mais également, le système de pointage sur 10 points (10 points must system) est très mal exploité.

Dans les faits, un boxeur qui remporte un round de manière serré se voit accorder un avantage de 10-9, soit le même pointage qu'un boxeur qui domine largement un rival, sans lui faire visiter le plancher. Ne serait-il pas logique de récompenser plus honnêtement un athlète qui affiche un rendement largement supérieur à l'intérieur d'un round?

Pourquoi ne pas utiliser les points de manière plus efficace, de manière à ce que le système reflète avec le plus de précision possible ce qui se déroule à l'intérieur des câbles?

Examinons le cas le plus récent, la défaite aux points d'Éric Lucas face à Markus Beyer. J'ai moi-même noté le combat 7-4-1 (116-113) en faveur d'Éric Lucas. Comme plusieurs d'entre vous, j'ai constaté que les rounds qu'Éric a remportés ont été dominés de manière convaincante. Par contre, les reprises que l'Allemand s'est adjugées ont été plus serrées…

Si les juges avaient eu l'initiative ou la latitude d'exploiter les 10 points dont ils disposaient de manière plus large, Éric aurait sans doute bénéficié de quelques rounds notés 10-8. Trois ou quatre rounds accordés à Éric Lucas par la marge de 10-8 et nous avons une toute autre décision, une décision qui reflète de manière plus juste ce que les amateurs ont perçu du combat.

À mon avis, une note de 10-9 devrait être accordée lorsqu'un round est très serré. Un boxeur qui, sans équivoque, domine un adversaire (par exemple en atteignant son rival de quelques coups de puissance) devrait bénéficier d'un 10-8. Une chute au plancher imposée à un rival devrait occasionner un avantage de 10-7 sur la carte des juges. Un boxeur qui a peine à terminer un round sur ses deux jambes ne se verrait pas octroyer mieux qu'un 10-6.

Questionné sur la pertinence d'une exploitation nouvelle des 10 points, Stéphan Larouche juge que le système actuel n'est pas en cause, " Il s'agit d'avoir des juges compétents ". À son avis, c'est plutôt la " game politique " qui se joue en boxe professionnelle qui provoque les verdicts insensés que l'on connaît.

Guy Jutras, responsable du comité des officiels pour la WBA, n'est pas d'accord. M. Jutras, qui a oeuvré lors de 61 combats de championnat du monde, mentionne qu'il n'a jamais été approché par un promoteur. De plus, jamais n'a-t-il été témoin de " faute de malhonnêteté " au cours de sa carrière.

M. Jutras croit la boxe en constante évolution, et c'est pourquoi il appuierait sans réserve un système de 10 points à horizon large. M. Jutras nous apporte l'exemple suivant.

" Un boxeur " A " remporte les six premiers rounds d'un combat de douze par une marge très mince, mais est complètement dominé par le boxeur " B " lors des 6 dernières reprises, sans toutefois subir de chute au plancher. Dans la formule actuelle, il s'en sortirait avec un match nul, ce qui est à mon avis un non-sens. "

Il prend le temps d'ajouter : " Autre exemple, avec un système de pointage à horizon large, aucun doute dans mon esprit, Lennox Lewis aurait vaincu Evander Holyfield lors du premier combat. "

Certaines tentatives de réforme ont déjà été proposées, sans succès. Larry Hazzard, directeur de la Commission athlétique du New Jersey et, durant de longues années, arbitre et juge de boxe, essaya d'implanter un modèle qui s'apparente au système de points à horizon large. L'essai fut abandonné car les modalités d'applications furent jugées trop complexe à l'époque.

La NABA (organisme associé à la WBA) par l'entremise de son président George Martinez soumet une variante intéressante au " 10 points must " actuel. Dans le but de donner un sens véritable aux " rounds de championnat " George Martinez croit que l'on devrait donner une prime d'un demi-point au vainqueur des 3 derniers rounds.

Un boxeur qui par exemple remporte le dixième round d'un combat prévu en 12 se verrait octroyer un score de 10-8.5 pour ce round. Avec un tel système, le verdict du combat opposant Oscar de la Hoya à Felix Trinidad s'avale moins de travers…

En conclusion, l'industrie de la boxe et ses intervenants doivent trouver une solution à la situation actuelle qui éloigne de plus en plus d'amateurs, une situation chaotique qui mine l'essence même de la boxe. Un " 10 points must system " à horizon large, qui exploite de manière optimale les points qui sont disponibles mais jusqu'à présent ignorés, permettrait sans l'ombre d'un doute de fournir un portrait plus juste et réaliste d'un combat qui oppose deux boxeurs.

Cependant, le mot de la fin revient à Stéphan Larouche qui nous explique sagement que, peu importe le système, " il s'agit d'avoir des juges compétents "