Jean Pascal est peut-être un moulin à paroles. Peut-être est-il imbu de lui-même. Peut-être est-il arrogant, mais il faut bien l’admettre : Jean Pascal livre la marchandise.

En tout cas, samedi soir, au Centre Bell devant plus de 20 000 personnes, il s’est carrément moqué de son rival Lucian Bute. C’est comme si Pascal faisait partie des ligues majeures et Bute des mineures.

Ce n’est pas tellement que Bute a mal boxé… Oh non, c’est Jean Pascal qui a été tout simplement parfait dans sa stratégie. Par moment, il a même laissé l’ex-champion des super-moyens le frapper à volonté alors qu’il se réfugiait dans les coins. Puis, soudainement comme un félin, Pascal ripostait avec une rapidité que Bute n’a jamais été en mesure de contrer tout au long du combat. Et Bute peut se compter chanceux que l’arbitre Michael Griffin ne lui ait pas collé un compte de huit à la huitième reprise pour une chute au tapis. Griffin a plutôt prétendu qu’il s’agissait d’une glissade, mais…

Résultat : Pascal a facilement remporté la décision unanime des trois juges alors que les fans du Roumain, pourtant en bien plus grand nombre que ceux de Pascal, tentaient de l’encourager par leurs cris.

Aujourd’hui, on constate ce que le gagnant a toujours proclamé depuis des lunes. « Je vais battre Lucian Bute… Il n’est pas dans la même classe que moi… C’est moi, le shérif en ville… »

PAS DE REVANCHE

Naturellement, certains diront que c’est Adonis Stevenson qui est le shérif au Québec. Mais à la suite de la performance de Pascal samedi soir, je ne suis pas certain que Superman pourrait venir à bout de celui qui ne jure plus que par Roy Jones fils.

Au cours de la semaine, l’ex-meilleur boxeur au monde livre pour livre a suivi Pascal comme son ombre, lui prodiguant de sages conseils tout en lui disant qu’un jour, lui aussi pourrait être le meilleur boxeur au monde.

Pendant le combat, Pascal s’est même payé le luxe d’imiter une vieille tactique de Jones contre Bute. Alors que ses yeux regardaient ailleurs, il frappait son rival pratiquement à volonté.

PAS DE RETRAITE

Bute a de nouveau déclaré après sa défaite qu’il ne songeait pas à la retraite. Il a même parlé d’un combat revanche, ce à quoi le président de GYM, Yvon Michel, a rétorqué : « Certainement pas dans le moment. Peut-être à l’avenir, après que Bute aura remporté quelques victoires sur des adversaires de classe. »

Il faut toutefois se poser la question : Où en est rendu Bute dans sa carrière? Il a prétendu après la défaite qu’il n’était pas en mesure de laisser aller ses mains. Ce qui est totalement vrai. Durant les douze rounds du combat, le Roumain n’a pas laissé partir aucune de ses combinaisons de la gauche, se contentant de quelques jabs qui fonctionnaient très bien.

Or, si on regarde le combat sur vidéo, on constate que ce n’est pas Bute qui ne pouvait pas laisser aller ses mains, mais que c’est plutôt Pascal qui l’en empêchait chaque fois qu’il tentait de le faire. C’est comme si l’ex-champion des super-moyens avait eu une peur bleue d’y aller coup pour coup en corps à corps avec Pascal, ce qui indique peut-être qu’il conserve encore des séquelles de sa cuisante défaite contre Carl Froch. Par contre, comme il le faisait remarquer lui-même, il a prouvé que son menton n’était pas aussi fragile que certains le croyaient car il a pris tous les coups du vainqueur.

Un fait demeure et je le répète : ce n’est pas Bute qui a connu une mauvaise soirée, mais Jean Pascal qui a été tout simplement sensationnel. Sans lui, il n’y aurait pas eu de combat. Il a été le propriétaire du ring du commencement à la fin, même si au douzième engagement, il a laissé Bute en faire à sa guise, voulant qu’il se fatigue.

REFAIRE SA CONFIANCE

Alors que Jean Pascal peut envisager un combat de championnat à assez brève échéance, Bute devra se contenter de refaire sa renommée en affrontant des adversaires de classe, sans toutefois les retrouver chez les élites. Car n’ayons pas peur des mots. Il ne fait plus partie de la classe élite. Disons qu’il est peu probable qu’on le revoit en finale majeure à Montréal à brève échéance.

Pourtant, la foule lui était complètement favorable. Et c’est justement contre cette foule qui ne cessait d’encourager le Roumain que Pascal a dû combattre sans jamais se laisser influencer.

Une chose est certaine, en tout cas pour moi. Samedi soir au Centre Bell, Pascal s’est battu en champion. Jamais auparavant l’avais-je vu être aussi en forme et en plein contrôle de son talent. Enfin, son rêve se réalisait. Celui d’affronter son grand rival du clan opposé, Lucian Bute, et de lui clouer le bec.

NOUVEAU CONTRAT

Donc on oublie le combat revanche et on parle maintenant de contrat. Car il faut se souvenir que Pascal a terminé son entente actuelle avec GYM.

Comment cela va se passer?

« Comme d’habitude, de rétorquer Bernard Barré, le vice-président chez GYM. C’est toujours difficile de négocier avec Pascal. Mais on y arrivera. »

Et les prochains adversaires? Ce n’est pas le choix qui manque pour le Lavallois. D’ailleurs, on sait qu’il ne recule devant personne. Que ce soit André Ward, Bernard Hopkins, Chad Dawson et qui d’autres.

Attendez-vous d’ailleurs de revoir le nom du Britannique Carl Froch revenir assez souvent sur le tapis. Pascal en a déjà parlé. Il aimerait bien effacer cette défaite qu’il a déjà subie contre lui il y a maintenant quelques années.

UN DE CES JOURS

Mais il faut garder dans notre petite tête qu’un jour, peut-être pas en 2014, mais l’an prochain, si Jean Pascal continue à accumuler les victoires et qu’Adonis Stevenson conserve son titre, un affrontement

entre les deux hommes du même clan pourrait devenir réalité au grand plaisir des nombreux amateurs de boxe du Québec. Et qui sait… Peut-être qu’à ce moment, cela pourrait être deux champions qui tenteraient d’unir leur titre de monarque des mi-lourds?

Il reste qu’encore une fois, le réseau de télévision HBO a frappé dans le mille en revenant à Montréal.

Je sais que déjà, Yvon Michel a des plans pour deux ou trois combats d’Adonis Stevenson sur HBO en 2014. Or, il ne serait pas impossible qu’une telle offre soit aussi faite à Pascal quand viendra le temps de parler d’affaires.

En tout cas, mes félicitations au shérif-adjoint pour sa superbe performance de samedi soir, et maintenant quand il parlera de son grand talent, on devra l’écouter un peu plus religieusement car il est capable de passer des paroles aux actes. Et à Lucian Bute de se regarder sérieusement dans le miroir et se dire que s’il ne peut faire mieux que samedi soir dernier au Centre Bell, aussi bien laisser tomber la boxe avant d’être blessé sérieusement.

Bonne boxe.