Pascal-Bute : un rendez-vous raté
Boxe dimanche, 19 janv. 2014. 11:19 samedi, 14 déc. 2024. 19:41La seule chose qui comptait samedi soir à Orlando, où je suis débarqué en affectation, n’était pas les feux d’artifice à Magic Kingdom ou la quête d’un départ sur l’un des très nombreux et magnifiques parcours de golf dans le centre de la Floride.
La seule chose qui comptait était de savoir comment arriver à suivre le combat opposant Lucian Bute et Jean Pascal.
Même de la Floride, où on gèle en passant, il était hors de question de rater le plus grand duel de l’histoire de la boxe au Québec.
Un restaurant sportif? La télé payante? Internet?
Mes collègues de l’émission «Au 19e» et moi cherchions la meilleure solution lorsque la meilleure solution est tombée du ciel. Ou plutôt de la télé accrochée au mur de la maison que nous occuperons cette semaine dans le cadre du «Golf Show», l’équivalent du Salon de l’automobile qui bat son plein à Montréal, mais pour le monde du golf.
Après trois ou quatre coups de commande à distance, on s’est retrouvé sur HBO. Sur HBO dont les caméras étaient au Centre Bell. Sur HBO qui présentait le gala. Sur HBO qui, comme Gym et Interbox, nous parlait du combat des combats en cours en proposant, de temps en temps, les images de Jean Pascal et Lucian Bute dans leurs derniers préparatifs avant leur grand duel.
Pas besoin de sortir de la maison. Pas besoin de faire une collecte pour acheter le combat à la carte. Le combat était là. Au bout des doigts. Avec du Coke froid au frigo.
Le bonheur!
Un bonheur qui a été de très courte durée.
Car une fois devant la télé, on s’est vite rendu compte que c’était loin d’être la joie au Centre Bell.
Une semaine jour pour jour après le match de hockey du tonnerre que nous ont offert le Canadien et les Blackhawks de Chicago, le meilleur match de hockey de la saison au Centre Bell, le meilleur de l’année, le meilleur depuis très longtemps, le combat préliminaire sur lequel on est tombé avait des allures des matchs moribonds que nous réservent les Devils et les autres clubs défensifs ou anonymes de la LNH lors de leurs escales à Montréal.
Je ne me souviens pas des noms des deux gros boxeurs qui se sont croisés dans le dernier combat préliminaire avant le «Main Event». Nul besoin de me les acheminer. Le lourd silence qui flottait dans le Centre Bell pendant leur combat m’indiquait que j’étais loin d’être le seul que ce duel qui n’avait de duel que le nom laissait complètement indifférent.
Ce n’était pas grave. Du moins pas trop. Car les combats préliminaires, surtout les combats tampons dont on se passerait volontiers, sont la plupart du temps un mal nécessaire.
Et comme, dans quelques minutes, enfin, Pascal et Bute allaient s’affronter dans le cadre du plus grand combat de l’histoire de la boxe au Québec, on pouvait bien accepter de se taper un autre mauvais sandwich au jambon. Depuis le temps qu’on attendait l’affrontement tant attendu, on pouvait bien attendre encore un peu.
L’ennui, et il est de taille, c’est que ce plus grand combat de l’histoire, ce combat qu’on attendait depuis si longtemps, on l’attend encore ce matin.
Et si jamais Bute, Pascal et leurs promoteurs nous assurent que le prochain duel opposant les deux hommes saura faire oublier le premier, on aura mille et une raisons d’en douter. En fait non. On aura toutes les raisons au monde de ne pas les croire. Un point – ou poing c’est selon – c’est tout.
La promotion a été sensationnelle. Efficace. Mais on sait ce matin qu’elle a été exagérée. Grossièrement exagérée. Les entraînements publics, les grandes déclarations, le grand jeu. Tout ça était bien beau.
Mais le combat lui? Les coups envoyés? Les coups esquivés? La vitesse? La puissance? La précision? La boxe?
Est-ce que vous avez été plus chanceux que moi et les avez vus passer?
Car moi, je l’admets sans gêne, je n’ai rien vu de tout ça.
J’ai vu deux boxeurs qui ont joué la trappe au premier round. J’ai vu un Bute tellement craintif de tomber dès la première combinaison encaissée qu’il n’a pas boxé. Ou si peu. On repassera pour la destruction garantie par Bute avant ce combat qu’il qualifiait du plus important de sa carrière.
J’ai vu un Pascal qui n’a pas été à la hauteur des paroles qu’il sème à tout vent depuis le temps qu’il attend ce combat pour sortir de l’ombre de Lucian Bute. Mais on peut difficilement lancer la pierre à Pascal. Bute a été tellement passif que Pascal n’a pas vraiment eu à sortir sa puissance pour gagner. Il n’a eu qu’à placer un coup ici, un autre là et les juges n’avaient d’autre choix que lui donner le round. Presque par défaut.
En remportant la décision unanime qu’il a clairement remportée, Pascal peut donc lancer qu’il est le meilleur boxeur en ville. Quoique j’en doute. Beaucoup. Le meilleur boxeur en ville, je crois sincèrement qu’il s’appelle Adonis Stevenson.
Parce qu’il a gagné, on accordera à Pascal le privilège de se lancer des fleurs et d’assurer qu’il s’est enfin détaché de l’ombre de Lucian Bute comme il souhaitait tant le faire.
Mais on le rappellera vite à l’ordre.
Car s’il est vrai que Jean Pascal est sorti de l’ombre du bon et gentil Lucian Bute en le battant hier, les deux boxeurs sont maintenant conjointement prisonniers de l’ombre qu’ils ont créé en se livrant un combat aussi ridiculement décevant. À des lieux de ce qu’on était en droit de s’attendre. À des années-lumière de ce que la promotion nous faisait miroiter.
J’accorde rarement beaucoup d’importance aux envolées oratoires orchestrées par Jean Pascal. Je les trouve trop calculées. Trop préparées.
Mais quand il a admis avoir ouvert les flancs un brin ou deux à Bute lors des 11e et 12e rounds simplement pour mousser l’intérêt en vue d’un éventuel combat revanche. Je l’ai cru.
Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les deux hommes et leurs promoteurs.
Car cette déclaration a confirmé que le semblant de fin de combat enlevant, le semblant de remontée de dernière minute pour nous donner l’impression que Bute aurait peut-être pu rivaliser avec Pascal s’il avait été dans de meilleures dispositions n’avait pas plus de valeur que tous les éclats promotionnels des dernières semaines. Des derniers mois.
Le meilleur moment du gala Bute-Pascal – exception faite ici des louables efforts de Michael Buffer de parler en français – s’est produit lorsque nous sommes tombés sur HBO en jouant avec la télécommande.
De cette façon, on n’a pas eu à payer le fort prix pour acheter le combat à la carte. Car si j’avais dépensé ne serait-ce que 12 dollars pour ces 12 rounds de semblant de combat de boxe, je ne serais pas simplement déçu du spectacle que Bute et Pascal nous ont offert hier.
Je me sentirais floué.
Un sentiment que doivent partager tous ceux et celles qui ont acheté le combat en croyant qu’il les assurerait d’une belle soirée à la maison. Ou pis encore, un sentiment que doivent partager tous ceux et celles qui ont puisé dans leurs économies pour s’offrir une grande et dispendieuse virée au Centre Bell afin d’avoir la chance de proclamer un jour qu’ils étaient sur place lors du plus grand combat de l’histoire de la boxe au Québec.
Ils devront se payer une autre soirée s’ils veulent pouvoir prétendre avoir assisté au plus grand combat de l’histoire de la boxe au Québec.
Car s’il passe à l’histoire, l’affrontement Bute-Pascal d’hier le fera à titre de l’un des rendez-vous les plus ratés de l’histoire de la boxe au Québec.
Un rendez-vous tellement raté que, ce matin, je suis loin de croire qu’il vaille la peine de se préoccuper du prochain. Et je ne crois pas que je changerai d’idée demain, la semaine prochaine, ou lors de la prochaine campagne conjointe de promotion orchestrée par Interbox et Gym.
Dommage !