Trouver l’adversaire idéal n'est pas quelque chose fait à la légère
Boxe mercredi, 25 mai 2016. 17:21 jeudi, 12 déc. 2024. 09:06Il a les deux arcades sourcilières ouvertes. Le sang coule sur son visage depuis déjà quelques rounds, mais le médecin a jugé que le vétéran peut poursuivre le combat. Et le Mexicain de 33 ans en redemande. Il continue d’avancer vers Custio Clayton et même s’il sait qu’il se dirige vers une défaite, il sert aux spectateurs réunis au Casino de Montréal une spectaculaire leçon de courage.
Atteint solidement au tout premier round, Jose Emilio Perea aurait pu aussitôt encaisser son chèque de paye et repartir au Mexique. Mais il s’est tenu debout jusqu’au 10e round pour permettre à Custio Clayton d’acquérir une solide expérience qu’il ne pourrait pas obtenir dans un combat d’entraînement (le sparring).
Si Custio Clayton peut espérer devenir un jour champion du monde, ce sera grâce à des combats comme celui de mardi soir, où il a récolté sa 8e victoire en huit combats professionnels. Et avant sa victoire contre Perea, c’est un autre boxeur résistant et expérimenté, Hector Munoz, que Clayton a combattu. Si Clayton peut obtenir de si bons adversaires relativement tôt dans sa carrière, c’est grâce à l’investissement de son promoteur Yvon Michel. « Acquérir les services de Perea pour un combat peut nous coûter 20 000 $ », précise Yvon Michel au bout du fil en révisant ses factures. « Perea recevra 13 900 $, excluant les impôts que je dois payer. On arrive donc à une facture de 17 725 $. Je dois aussi payer son gérant, le match-maker ainsi que les frais de voyage. »
Une affaire de confiance et de crédibilité
Trouver le bon adversaire implique de nombreuses démarches. Lorsqu’Yvon Michel bâtit ses cartes de boxe, il propose certaines options à ses « match-makers », les personnes qui auront la tâche de mettre sur pied les confrontations. Pour ce faire, le promoteur se tourne vers Marc Ramsay et Stéphane Loyer, en qui il dit avoir une grande confiance. « Je passe la commande, ils me soumettent les candidats et je décide. Quand ma décision est prise, je contacte le gérant de mon boxeur en justifiant mon choix. Il arrive parfois que ce choix soit refusé, par exemple parce que le combat est prématuré. »
Dans ce sport où une défaite représente une tache presque indélébile, le choix de l’adversaire ne se fait pas à l’improviste. « On ne se contente pas de la fiche du boxeur sur Boxrec. Nous regardons les combats sur YouTube. Nous appelons les promoteurs des combats dans lesquels il a été impliqué. Avec l’investissement que ça représente, nous voulons nous assurer qu’il ne viendra pas « se coucher ».
La boxe étant ce qu’elle est, les surprises sont possibles (pour le bien du sport j’ajouterais). Ayaz Hussain en sait quelque chose, lui qui a subi sa première défaite vendredi à Sorel, ce qui n’était pas prévu. Le Russe Evgeny Pavko a été meilleur que prévu et l’a emporté par K.-O. « Les surprises se produisent, le risque est grand », concède Stéphane Loyer, responsable des affrontements du gala à Sorel. « Je ne pensais pas qu’Ayaz allait perdre. Mais lorsque je propose un adversaire à un gérant, je ne lui force pas la main, ce n’est qu’une recommandation. »
L’adversaire parfait représente un dosage équilibré de plusieurs facteurs. « Les promoteurs veulent un boxeur qui a une bonne fiche, mais qui ne coûte pas trop cher, et qui peut être mis K.-O. », confirme Stéphane Loyer, qui est match-maker depuis 2008. Depuis, celui qui était un simple fan de boxe, s’occupe des confrontations pour les galas de GYM, Eye of the Tiger Management et Interbox. « Par exemple Camille Estephan demande des défis à ses boxeurs, il veut voir ce qu’ils ont dans le ventre », précise-t-il. « Résultat : Schiller Hyppolite a été envoyé au tapis lors de ses deux derniers combats, ce n’est pas pour rien! »
Le métier est exigeant, surtout, qu’il n’est pas le travail principal de M. Loyer, qui est directeur des opérations de la publicité pour Astral. « J’ai cinq galas à organiser en trois semaines. Vendredi dernier, en raison de diverses circonstances, je devais ''booker'' trois combats en vue du gala de mardi. » C’est ainsi que le combat de Whitney Baille contre Michael Gargouri s’est ajouté et que Frank Cotroni a pu remplacer au pied levé Flavius Biea pour affronter Pablo Mungia. Ces combats ont dû être validés par la Régie québécoise des Sports de combat, qui a par ailleurs refusé l’un des duels proposés. La Régie a toutefois accepté de prolonger à 6 rounds le combat de Marie-Ève Dicaire, qui a failli, elle également, ne pas se battre en raison d’un virus. C’est fragile une carte de boxe!
« Tout repose sur la confiance. Quand tu te fais avoir par quelqu’un, c’est fini. Quand les gens font affaire avec moi, je veux qu’ils sachent que Stéphane Loyer est un homme honnête, qu’il n’est pas un charlatan, puisque les gens se parlent entre eux. Je me fais un honneur d’être fiable. »
La route vers Rio
C’est confirmé, il n’y aura que deux Canadiennes dans le tournoi de boxe olympique féminin à Rio, à la suite de l’élimination de Caroline Veyre en huitièmes de finale aux championnats du monde, qui sont actuellement en cours.
Il reste maintenant la dernière phase de qualification pour les hommes. Le tournoi est différent des dames, car les athlètes qualifiés pour Rio n’y seront pas. Actuellement, Artur Biyarslavov est le seul Canadien assuré de sa place dans le tournoi olympique masculin chez les 64 kg. Chez les Canadiens, comme pour tous les autres compétiteurs, on y va le tout pour le tout. Même Samir El-Mais y va d’un grand effort en changeant de catégorie, où il pourrait être plus « facile » d’obtenir son billet pour Rio. Plutôt que de se battre chez les 91 kg, il baisse de 10 kilos pour se joindre aux 81 kg. Une perte de plus de 20 livres, c’est presque surhumain!
Quatre autres Canadiens participeront au tournoi de qualification olympique dès la mi-juin en Azerbaïdjan, soit Thomas Blumenfeld (52 Kg), David Gauthier (60 Kg), Mohammed El Abdouli (69 Kg) et Clovis Drolet (75 Kg).
Une dernière chance
Âgé de 33 ans, ce tournoi est celui de la dernière chance pour David Gauthier, qui a commencé la boxe « sur le tard » à l’âge de 19 ans.
Depuis janvier, il consacre tout son temps à la boxe. Grâce à la collaboration de son employeur, Héroux-Devtek, de Longueuil, il a pu obtenir un congé sans solde dans l’espoir de représenter son pays au Brésil au mois d’août.
La qualification olympique était à sa portée au mois de mars. Gauthier n’était qu’à une victoire de se qualifier pour Rio, mais il n’a pas été en mesure de disputer son match de demi-finale en raison d’une blessure à l’épaule.
« J’essaie de voir le côté positif dans cette histoire. Au départ, la gravité de la blessure laissait croire que ma carrière était terminée. Mais je suis guéri et j’ai pu reprendre là où j’avais laissé avant la blessure », explique David Gauthier. « Avec mon entraîneur Jean-François Bergeron (qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques de 1996), nous capitalisons sur nos forces. Je suis confiant! »
Père de famille de deux enfants, David Gauthier espère un soutien financier en vue de ce tournoi en Azerbaïdjan. On peut l’encourager en achetant un chandail sur sa page Facebook. Le boxeur obtient de plus le soutien de sa communauté. ProBoxe St-Jean organise samedi une levée de fond. Il y aura un gala de boxe au Centre Sportif St-Noël-Chabanel suivi d’un concert rock.
On ne verra pas David boxer, mais on en aura presque l’impression puisque son frère jumeau Marc-André effectuera un retour dans le ring après une absence de deux ans, dans le but d’aider son frère.