MONTRÉAL – « Aujourd’hui, ce que tu fais, ce n’est pas de la boxe. Ce qu’on fait aujourd’hui, c’est qu’on paie le prix d’entrée de tes enfants au Canada. »

Marc Ramsay s’était pourtant juré de ne pas aller là. Mais devant l’importance du moment, l’entraîneur a senti qu’il n’avait pas le choix d’appuyer sur les bons boutons afin de permettre à Oscar Rivas de devenir le premier champion de l’histoire des poids super-lourds-légers du WBC.

La tactique a visiblement porté ses fruits, car le Montréalais d’origine colombienne a battu Ryan Rozicki par décision unanime des juges (116-111, 115-112 et 115-112), au terme d’une véritable guerre de tranchées en finale d’un gala de Groupe Yvon Michel tenu vendredi soir à L’Olympia.

« C’était un combat plein d’émotions. J’avais promis avant le combat que je ne crierais pas après Oscar pour une première fois, que j’allais rester technique, mais ç’a tenu pendant trois rounds, a avoué Ramsay en conférence de presse. C’est vite devenu une guerre de tranchées et c’est devenu émotif dans le coin. Mais on savait très bien dans quel genre de combat on s’en allait.

« On passait de [Bryant] Jennings, un gars très, très technique, mais dont la faiblesse était peut-être la grande force de Rozicki : sa volonté. Il fallait payer le prix au chapitre de la souffrance et de l’effort et c’est quelque chose qu’on a essayé de rappeler à Oscar pendant tout le combat. [Ce soir], Oscar a montré qu’il était prêt à payer la facture pour devenir champion du monde. »

Rivas avait pourtant largement dominé les deux premiers rounds grâce à son arme de prédilection, le jab, mais il est soudainement devenu beaucoup plus passif lors des troisième et quatrième rounds, ce qui a permis à son adversaire de combler l’écart sur les cartes des juges.

« Oui, on voulait contrôler [le combat] d’un point de vue technique, car on savait qu’Oscar était meilleur techniquement, mais il n’y a pas seulement ce qu’on veut, il y a aussi ce que l’adversaire t’impose à un moment donné, a expliqué Ramsay. De simplement vouloir jabber et se déplacer, on aurait perdu le respect de notre adversaire... et on sentait le combat tourner.

« Utiliser un peu moins le jab et se concentrer sur le corps-à-corps faisaient en sorte que Rozicki était sur les talons et qu’il déployait ainsi moins de puissance que lorsqu’on laissait plus d’espace. C’était une sorte de quitte ou double sur ce qu’il nous a imposé comme rythme. Il lançait beaucoup de coups de poing et couvrait rapidement la distance entre ceux d’Oscar. »

Malgré sa vaste expérience amateur (il a participé aux Jeux olympiques de Pékin en 2008) et professionnelle (il a battu Jennings et combattu contre Dillian Whyte), Ramsay juge que Rivas a franchi une nouvelle étape dans sa carrière. Il le voit maintenant comme un vétéran aguerri.

« Il n’a pas juste évolué d’un point de vue technique, mais également émotionnel, a précisé Ramsay. Oscar n’a pas fait un combat de douze rounds, mais douze petits combats d’un round. Et il a fait ça comme un vétéran. Quand il perdait un round, ce n’était pas la panique ou encore la catastrophe dans le coin. On corrigeait le tir pendant la pause et on était prêt à continuer.

« Je l’ai senti très concentré sur tout ce que je lui demandais d’un point de vue technique ou émotionnel. Il réagissait très, très fort dans le coin et reprenait le combat avec beaucoup de caractère, même si ç’avait été moins bien le round d’avant. Il a beaucoup grandi [vendredi]. »

Une première défense contre Romanov?

Rivas venait à peine de se remettre de ses émotions que son promoteur s’afférait à planifier la suite des choses. S’il n’est pas trop incommodé par les douleurs aux deux mains qu’il ressentait à la suite de son choc contre Rozicki, le champion devrait effectuer la première défense de son titre face à son aspirant obligatoire Evgeny Romanov dans un avenir plus ou moins rapproché.

« Celui qui remportait le combat [de vendredi soir] devait s’engager à se battre contre Romanov, a confirmé Yvon Michel. On va quand même regarder toutes les options. On avait reçu une offre intéressante (un duel face à Joe Joyce en Angleterre) avant le combat de [vendredi soir] contre Rozicki, mais on va vraiment y aller pour ce qu’il y a de mieux pour la suite de la carrière d’Oscar.

« Tout indique que le prochain combat d’Oscar sera contre Romanov et on va tout faire afin de le présenter au Québec, mais si on recevait une offre pour se battre contre [le nouveau champion unifié des poids lourds] Oleksandr Usyk, c’est certain qu’on y réfléchirait (rires)! Chose certaine, je ne pense pas que le WBC nous autoriserait à nous battre sans que le titre remporté [vendredi] soir soit à l’enjeu. Quand on gagne une ceinture vacante, il faut ensuite la défendre. »

Romanov, qui a déjà battu Deontay Wilder dans les rangs amateurs, est invaincu en 16 combats depuis le début de sa carrière professionnelle. Il compte des victoires face à Dillon Carman ou encore l’ancien champion des lourds de la WBO Siarhei Liakhovic pour ne nommer que ceux-là.