Leurs noms reviennent parfois dans l’actualité, mais jamais pour les bonnes raisons. Leur travail est scruté à la loupe, mais fondamentalement mal compris. Bienvenue dans le monde des juges de boxe professionnelle.

La quasi-totalité des amateurs et journalistes jugent les combats qu’ils regardent et gagnent rapidement en confiance en quelques fois seulement. Pourtant, ils ignorent probablement la qualité la plus importante requise pour rendre la meilleure décision possible.

« Il faut être concentré en tout temps. Il ne faut absolument pas se laisser déranger par ce qui se passe autour du ring », a expliqué le juge Benoît Roussel en entrevue téléphonique avec le RDS.ca. « Au Québec, nous sommes là pour juger, pas pour donner un 10-10 à la fin. »

Si quatre grands principes - la clarté des coups portés, l’agressivité, la stratégie et la défense - régissent la façon de juger un round, M. Roussel focalise surtout sur le premier.

« Je m’attarde surtout sur la force d’impact et les dommages causés par les coups », ajoute l’homme originaire de l’Outaouais. « Si un round est vraiment serré, les 10 dernières secondes s’avèrent très importantes. »

Le métier n’a pas nécessairement évolué depuis que M. Roussel a effectué ses débuts au commencement des années 2000, mais des moyens concrets existent pour que les juges s’améliorent. Les promoteurs sont d’ailleurs tenus par la Régie des alcools, des courses et des jeux de remettre les bandes vidéos des galas qu’ils présentent en sol québécois.

« Je regarde la plupart des combats que j’ai jugés, surtout si je sens que j’aurais pu échapper quelque chose », avoue-t-il. « Un organisme de sanction comme la IBF nous demande même de juger des combats pour nous évaluer pendant les conventions. »

Malgré toute leur bonne volonté, les juges sont automatiquement pointés du doigt lorsqu’une décision impopulaire est rendue. Dire qu’ils travaillent déjà sous pression, puisqu’ils ont déjà pratiquement le droit de vie ou de mort de la carrière des boxeurs entre leurs mains.

« Les amateurs sont trop souvent influencés par ce que disent les descripteurs à la télévision », analyse M. Roussel. « Et quand ils sont sur place, ils ont souvent le regard détourné et finissent par ne pas regarder le round au complet et manquer plusieurs actions importantes. »

Étonnamment, les critiques acerbes finissent par déranger ces individus qui gravitent pour la plupart dans le milieu de la boxe depuis plusieurs décennies. M. Roussel a notamment disputé 21 combats dans les rangs amateurs avant de mener une carrière dans les forces armées. Et dire qu’il avait opté pour le métier de juge, car celui d’arbitre est encore plus assujetti aux reproches!

« Je me souviens encore très bien d’un combat entre Joan Guzman et Ali Funeka présenté en demi-finale du deuxième duel entre Lucian Bute et Librado Andrade à Québec », raconte-t-il. « Guzman avait gagné six rounds chaudement disputés, tandis que Funeka en avait également gagné six, mais extrêmement facilement. »

« Le juge torontois Alan Davis avait vu le combat exactement comme moi et les spectateurs nous avaient bruyamment hués à l’annonce du verdict. Funeka avait dominé, mais seulement la moitié du combat. »

Il s’agit là de l’unique « controverse » dans laquelle M. Roussel a été impliqué depuis le début de sa carrière. Dans une étude menée par le site Boxing.com en début d’année et mise à jour en mai, il a été élu meilleur juge au monde, devant notamment la célèbre Julie Lederman.