MONTRÉAL - Sans nécessairement être des frères ennemis, le Groupe Yvon Michel (GYM) et InterBox ont mené leurs opérations séparément au cours de la dernière décennie.

Les deux promoteurs ont même collaboré à quelques reprises au fil des ans, pour les deux combats entre Jean Pascal et Adrian Diaconu notamment, et s’apprêtent à répéter l’expérience pour le mégachoc qui opposera Pascal à Lucian Bute le 18 janvier prochain.

Mais le rapport de force a considérablement changé pendant la dernière année et demie, soit depuis la percutante défaite de Bute devant Carl Froch en mai 2012. L’avenir d’InterBox paraît même incertain, puisqu’il n’y a point de relève derrière le boxeur québécois d’origine roumaine.

À l’opposé, GYM a le vent dans les voiles, après avoir navigué en eaux troubles, grâce à l’ascension fulgurante d’Adonis Stevenson depuis sa conquête du titre des poids mi-lourds du WBC. Et alors que Stevenson semble à une ou deux victoires près de conquérir le monde, InterBox n’a pas l’intention de laisser filer entre ses doigts une certaine part du gâteau.

« Nous sommes convaincus que la participation d’InterBox va faire grossir l’ensemble des revenus et même si InterBox touche un pourcentage, ça ne nous enlèvera rien », a expliqué Yvon Michel en marge de la conférence de presse officialisant la tenue du combat entre Stevenson et son aspirant obligatoire Tony Bellew le 30 novembre prochain à Québec.

« Nous nous sommes dit que nous pourrions mobiliser nos ressources pour connaître un maximum de succès. Il faut savoir que nous ne sommes pas une grosse organisation. InterBox a déjà toute une logistique en place. Et Jean Bédard est très près des gens de Québec. »

Car au-delà d’une écurie qui donne l’impression de battre de l’aile, InterBox demeure une goutte dans l’océan du Groupe Sportscene, dont l’expertise dans l’exploitation des resto-bars est largement reconnue. C’est cette formidable machine qui a d’ailleurs su maximiser le règne de champion du monde des super-moyens de la IBF d’environ cinq ans de Bute.

« Nous avons des ressources au niveau des ventes, de la commandite et de la stratégie pour la mise en place de grands événements », a rappelé Bédard. « Ça prend des ressources complémentaires pour organiser des événements de l’envergure de celui de Québec. »

Avec plus d’une dizaine de boxeurs d’ici qui sont champions ou encore classés mondialement, l’industrie de la boxe québécoise peut légitimement ambitionner d’élargir ses cadres. Et c’est en s’alliant plutôt qu’en observant un pacte de non-agression que GYM et InterBox y parviendront.

« J’ai toujours beaucoup regardé ce qui se fait ailleurs et nous aurions avantage à nous inspirer du hockey », a suggéré Bédard. « Sur la glace, le Canadien et les Maple Leafs ne s’aiment pas, mais les propriétaires des deux équipes se parlent. C’est un modèle comme celui-là qu’Yvon et moi sommes en train de développer. Il y a énormément de potentiel. »

« Beaucoup de choses intéressantes pourraient arriver à nos boxeurs si nous travaillons en commun. Cela dit, rien n’empêchera Yvon de présenter de plus petits galas pour développer d’autres boxeurs. Pour les partisans, c’est la meilleure chose qui puisse arriver. »

« Nous sommes en train de nous installer comme des joueurs majeurs sur la scène internationale », a continué Michel. « Avec Stevenson, Pascal, Bute, Eleider Alvarez et David Lemieux, ça commence à faire beaucoup de boxeurs intéressants. Les autres nous regardent et se disent : "wow". C’est évident que ça a une énorme influence sur tout le monde. »

Évidemment, les idées de grandeur de Michel et Bédard sont tributaires des victoires de Stevenson. Mais qui dit qu’il ne sera pas un parmi tant d’autres d’ici quelques années.

Un combat contre Froch?

Stevenson l’a encore dit en conférence de presse, il est prêt à affronter n’importe qui et souhaite plus que jamais marquer l’histoire de la boxe. Malheureusement pour ses partisans de la première heure, ils devront se résoudre à le laisser à d’autres dans un avenir rapproché.

« Les dirigeants de HBO sont en train de préparer un contrat multicombats jamais vu et il inclut un incitatif à se battre aux États-Unis », a révélé Michel. « Adonis est en train de gagner en popularité, mais pour être reconnu par les Américains, il doit aller se battre là-bas. »

« Et le plus beau dans tout ça, c’est que HBO comblera notre manque à gagner, parce qu’Adonis attire de plus en plus de gens ici. Il y avait 2000 personnes pour (Darnell) Boone, 5000 pour (Chad) Dawson et 9000 pour (Tavoris) Cloud et ce sera encore plus gros à Québec! »

Stevenson ne connaît évidemment pas encore l’identité de son prochain adversaire, sauf qu’il semble de moins en moins probable que ce soit Bernard Hopkins. Même si ce dernier et son promoteur sont prêts à se lancer, ce n’est apparemment pas le cas de HBO.

Et à moins d’un revirement de situation majeure, ce ne sera pas non plus le nouveau champion des mi-lourds de la WBO Sergey Kolalev, alors que le réseau américain donne pourtant l’impression de mousser une rencontre au sommet entre les deux durs cogneurs.

« C’est une question de notoriété et de revenus potentiels », a justifié Michel. « Pour le moment, HBO n’est pas prêt à nous donner des droits d’acquisition similaires à ceux qu’ils donneraient pour un combat de l’importance de celui contre Hopkins. Si HBO change d’idée, c’est sûr que nous faisons le combat contre Kovalev. Nous voulons l’adversaire le plus payant. »

C’est précisément pour cette raison que Michel a demandé à HBO de sonder le terrain du côté du champion unifié des super-moyens Carl Froch, dont la présentation n’est plus à faire tant au Québec qu’aux États-Unis. Il s’agit seulement de savoir si le principal intéressé le veut bien.