Il fut un temps où la boxe fut qualifiée de barbare. Il fut une époque où, même aux États-Unis, toute personne participant à un combat de boxe risquait la prison. « Gentleman » Jim Corbett, pour n'en nommer qu'un, passa quelques nuits en tôle car il s'était livré au « manly art of self-defense ». Il n'y avait pas de problème, les boxeurs sortaient finalement de prison puis on recommençait.

Alors, afin d'éviter de désagréables séjours à l'ombre en cette ère primitive, les « promoteurs » décidèrent d'organiser les grandes réunions sur des bateaux accostés aux quais afin d'échapper à la loi, ladite loi ne s'appliquant que sur la terre ferme des états américains.

Il était coutume de laisser les belligérants se frapper jusqu'à épuisement total. Un nez fracturé, une hémorragie incontrôlable, un visage méconnaissable ne constituaient pas de critères raisonnables afin d'arrêter un combat. Jess Willard fut poussé dans le ring par ses hommes de coin après sept lourdes chutes au plancher, deux côtes et un nez fracturés. Quelle boucherie mais… il n'y avait pas de problème, c'était seulement Jack Dempsey qui frappait Jess.

En ces temps reculés, personne ou presque ne pouvait se battre pour un titre mondial. Premièrement, il n'y avait que huit catégories de poids et deuxièmement, qu'un seul titre par catégorie, d'où l'effet de rareté. Les Noirs, par exemple, étaient volontairement écartés de toute opportunité. Il n'y avait pas de problèmes puisque même lorsqu'un Noir parvenait à remporter un titre, il ne le défendait que contre des Blancs…

Comble de barbarie, plusieurs combats n'étaient pas limités par un nombre de rounds prédéterminé. John L. Sullivan et Jake Kilrain, par exemple, se bagarrèrent à poings nus durant 75 rounds avant de faire un maître. 225 minutes à se frapper dessus à mains nues laissent des dommages permanents. Mais, il n'y avait pas de problème, le perdant, le plus amoché des deux, on en avait plus besoin.

Pire encore, plusieurs boxeurs s'entendaient avant les combats qu'aucune décision ne soit rendue si les deux participants se rendaient à la limite, lorsqu'elle était prescrite. C'était épouvantable… on enlevait aux gens le plaisir d'entendre un verdict rendu par des juges qualifiés.

LES TEMPS ONT CHANGÉ!

Heureusement, la boxe a évolué. Aujourd'hui, nous vivons une ère de rigueur! Tout est réglementé, tout est surveillé. Imaginez, à l'ère de pierre, aucune organisation mondiale ne régissait la boxe! Quel malheur! De nos jours, pas moins de quatre regroupements alphabètes veillent au maintien de l'ordre! Ils voient par exemple à émettre des listes d'aspirants différentes, donnant ainsi la chance a à peu près n'importe qui de se battre pour une ceinture en plastique.

Quelle chance vous avez, le mardi matin en sortant vos ordures, de croiser deux ou trois champions du monde de boxe si vous êtes au bon endroit! À cet effet, si vous habitez l'Allemagne, il y a deux gars qui sont des champions du monde formellement reconnus dans la même et unique catégorie de poids. On ne compte plus les « champions du monde » issus de Los Angeles qui se battent dans la même division! N'est-ce pas merveilleux?

Mieux encore, les actes illégaux sont maintenant choses du passé car ces prestigieux organismes alphabétiques ont les meilleurs intérêts des boxeurs à cœur. À preuve, malgré quelques insignifiantes allégations, plus personnes ne va en prison!

Parmi les grandes réalisations de ces fantastiques organisations, qui n'a pas vécu le bonheur d'être dans l'attente d'un verdict rendu par des juges dûment formés et recommandés par les regroupements alphabètes. Ces juges futés ne tombent pas dans le piège du hockey, où l'équipe qui marque le plus de but l'emporte, sans égard des profonds liens d'amitié ou d'affaires qu'entretiennent certains propriétaires d'équipes.

Bref, n'écoutez pas ceux qui prétendent que la boxe est malade, que dans un monde normal, il n'y aurait qu'un seul champion par division, qu'une seule et unique liste d'aspirants, dite liste basée sur les habilitées des boxeurs. Ignorez ceux qui vous influencent à penser que le système de pointage est désuet et que certains juges qui sont supposés l'appliquer sont corrompus.

N'ayez crainte, dormez sur vos deux oreilles. Je vous le dis, tant et aussi longtemps que ceux qui profitent de l'état des choses vont continuer de contrôler ce beau sport, «y en aura pas de problème».