MONTRÉAL – Plutôt que de continuer à attendre un changement qui ne se produirait peut-être jamais, Valérie Létourneau a décidé de prendre le taureau par les cornes. Pour son retour à compétition, la combattante québécoise a entrepris une cure minceur.

L’entreprise n’a rien d’esthétique. Létourneau, qui combat à l’UFC depuis maintenant près d’un an, n’a aucune difficulté à maintenir son poids santé. Mais comme plusieurs l’ont fait avant elle, elle a réalisé qu’elle devrait mettre les bouchées doubles dans sa préparation – et en prendre un peu moins à table – pour tenter d’obtenir un avantage compétitif. 

Habituellement inscrite chez les poids coqs, où les compétitrices doivent faire osciller le pèse-personne à 135 livres avant la compétition, Létourneau a décidé de retrancher une vingtaine de livres à sa charpente pour être admissible chez les poids paille. Tant qu’une division médiane ne serait pas créée pour éliminer son dilemme, c’est la seule solution qui se présentait à elle pour maximiser ses chances de succès.

« C’est une énorme coupe de poids pour moi, je n’ai jamais fait ça de ma vie. Je devais avoir 12 ans la dernière fois que j’ai pesé 115 livres! », rigolait la femme de 31 ans, son visage émacié éclairé par un sourire radieux, mercredi.

La coutume est répandue dans le monde des arts martiaux mixtes, où les athlètes emploient des mesures draconiennes, allant souvent jusqu’à la déshydratation extrême, pour se faufiler dans une catégorie de poids qui ne correspond pas à leur profil naturel. Ils profitent ensuite des 24 heures séparant la pesée officielle de la compétition pour reprendre les kilos perdus et espérer afficher une forme optimale contre un adversaire qui n’aura peut-être pas fait les mêmes sacrifices.

L’exercice est désagréable et toujours exécuté à contrecœur. Mais Létourneau sentait qu’elle n’avait plus le choix.

« C’était vraiment devenu un désavantage pour moi. Avant, les filles coupaient moins de poids, mais là je regardais ça et je me disais "OK, il y a encore une couple de filles que je peux prendre, mais à un moment donné ça va jouer contre moi…" Pour mon dernier combat, je n’ai pas coupé une seule livre. Mon adversaire était plus imposante que moi, c’est sûr. »

« Ça ne sera pas le fun, mais je suis préparée mentalement, poursuit-elle. J’ai déjà fait un combat à 125 livres et je l’avais accepté à la dernière minute, donc le poids que j’avais eu à couper était pas mal équivalent à ce que qui m’attend. »

Même si elle est bien conseillée, Létourneau nage dans l’inconnu. Avec un plan bien établi, les diètes choc dans le genre mènent généralement à l’objectif recherché sans trop de problème, mais la réponse qu’offre ensuite le corps au moment de la récupération est variable. Oui, l’athlète est plus gros dans l’octogone, mais ses réserves d’énergie risquent grandement d’avoir été affectées dans l’opération.

« Je sais que je ne serai pas à 100% comparativement à d’habitude, réalise la membre d’American Top Team, en Floride. C’est impossible avec la coupe que je fais. Je sais que je vais offrir une bonne performance, je fais confiance à mon nutritionniste, mais ça demeure un test. Je ne l’ai jamais fait et je ne sais pas comment je vais me sentir. Présentement, j’ai simplement hâte d’être rendue là. Je suis fatiguée de juste penser à ça. »

Une adversaire à la fiche trompeuse

Pour son retour dans l’octogone, Létourneau (6-3) sera confrontée à Jessica Rakoczy, une Ontarienne de 38 ans qui a connu une longue carrière en boxe professionnelle avant de tenter sa chance en arts martiaux mixtes.

Jessica RakoczyRakoczy n’a remporté qu’un seul de ses cinq combats officiels dans sa nouvelle carrière, mais sa fiche ne dit qu’une partie de l’histoire. Létourneau n’entend pas se laisser endormir par ce que suggèrent les chiffres.

« À cause de sa carrière en boxe, elle a dû se frotter à des adversaires qui avaient déjà de l’expérience en MMA et c’est sûr que ça a joué contre elle. Mais elle s’est battue contre des filles que je respecte énormément dans le sport, alors ses défaites, je n’y accorde pas d’attention. »

« Je crois que ma fiche peut jouer à mon avantage, croit néanmoins Rakoczy. Si les gens pensent qu’elle ne fera qu’une bouchée de moi, tant mieux! Je suis habituée d’être la négligée et je ne ressens aucune pression. »

Létourneau a fait la connaissance de sa prochaine adversaire lors des auditions qui visaient à trouver des concurrentes pour l’émission de téléréalité The Ultimate Fighter en 2013. L’expérience avait été de courte durée pour la Québécoise, qui avait été éliminée avant même de pouvoir participer à l’aventure. Rakoczy avait quant à elle causé une certaine surprise, atteignant la grande finale avec des victoires contre des compétitrices établies, dont sa toute première par soumission.

Les deux femmes ont aussi un adversaire commun, Roxanne Modafferi, que seule Rakoczy est parvenue à battre.

« J’ai l’impression que j’ai vraiment plus d’outils qu’elle, croit néanmoins Létourneau. J’aime ça rester debout, ça va peut-être être une guerre de coups de poings, mais j’ai autre chose à offrir! »

Valérie Létourneau et sa filleUne première pour sa fille

Mère de famille dévouée, Létourneau pourra compter sur le support de sa fille Gabrielle, 12 ans, dans les gradins du Centre Bell.

« C’est la première fois qu’elle va assister à un événement sur place! Elle me l’avait demandé quand je me suis battue contre Julie Malenfant (en 2011), mais je ne me sentais pas prête. Mais aujourd’hui, avec les réactions qu’elle a après mes combats, c’est correct... »

Létourneau a sacrifié une partie de sa vie familiale en s’exilant pour poursuivre sa carrière aux États-Unis, où elle attend impatiemment que sa fille puisse la rejoindre à temps plein.

« Elle comprend ce que je fais parce qu’elle a vraiment grandi dans les gyms, raconte Létourneau. Quand je m’entraînais au Tristar, elle avait son propre casier avec ses jouets. Elle a vu des gars saigner, elle a vu des coupures. Mes entraîneurs s’assoyaient même avec elle et lui disaient "Il faut que ta mère lève ses mains, ça n’a pas d’allure!". Elle est vraiment bonne... meilleure que ma mère en tout cas! »