MONTRÉAL - Le mauve autour de ses yeux offrant un douloureux contraste avec le teint rouge foncé qui métamorphosait son crâne rasé, Georges St-Pierre était mal en point lorsqu'il s'est pointé en retard à la conférence de presse où il était attendu après sa victoire contre Carlos Condit.

« Avant que je mette de la glace, ma tête avait l'air d'un ballon de football », a bafouillé le champion, rieur mais fatigué.

Les questions concernant son avenir, qu'il avait évitées avec une impatience grandissante dans les jours précédents, refaisaient naturellement surface maintenant qu'il avait disposé du plus récent aspirant placé sur son chemin. Vingt minutes après que le dernier spectateur ait quitté l'amphithéâtre, Condit était déjà de l'histoire ancienne et le nom d'Anderson Silva redevenait le sujet de l'heure. St-Pierre ne pouvait plus le contourner, que ça lui plaise ou non.

« J'ai besoin de me retrouver seul un peu, de réfléchir. Je viens de prendre plusieurs coups sur la tête, j'ai besoin de répit », a-t-il tenté de faire comprendre aux premiers curieux.

Son patron, au moins, démontrait un peu de compassion. Beaucoup moins catégorique que la veille, alors qu'il avait ouvertement discuté d'une date et de trois endroits possibles pour la tenue éventuelle d'un méga-combat GSP-Silva, Dana White a jugé que le moment n'était pas approprié pour décider de l'agenda de celui qui venait de mettre quelque trois millions de dollars supplémentaires dans ses coffres en amenant plus de 17 000 personnes au Centre Bell.

« Il a été absent pendant 19 mois et vient d'être impliqué dans une guerre. Je suis sûr qu'il voudrait en profiter un peu, alors je ne lui en parlerai pas pour au moins les deux prochaines semaines, a promis White. Mais Silva était encore sur mon dos il y a 15 minutes et demandait ce combat. »

Quelques heures plus tôt, Silva, dont l'annonce de sa présence à Montréal avait été hautement médiatisée en début de semaine, avait rempli la salle de presse habituellement réservée à l'entraîneur du Canadien pour une rencontre décousue et plus souvent qu'autrement impertinente avec les journalistes. En jonglant avec un anglais approximatif et un sens de l'humour difficile à saisir, le champion de la division des poids moyens du UFC a au moins réussi à faire comprendre une chose : il veut effectivement plus que toute autre chose un combat contre St-Pierre.

« Il veut le combat contre GSP, a réitéré White, mais s'il ne l'a pas, il combattra contre quelqu'un d'autre. Il n'a pas de problème avec ça. »

Une question de poids

St-Pierre s'est finalement laissé cuisiner lorsqu'on lui a demandé à quel poids devrait être fixé un éventuel combat contre Silva pour qu'il se laisse convaincre de signer le contrat.

Le Québécois est champion de la division des 170 livres alors que Silva règne sur celle des 185 livres. Il s'agit toutefois du poids que les deux athlètes doivent respecter la veille du combat et non celui qu'ils traînent dans la cage une trentaine d'heures plus tard.

« C'est une très bonne question, a félicité St-Pierre après un bref instant de réflexion. Je sais qu'Anderson, à la fin de la vingtaine, s'est battu au Japon à un poids de 168 livres… »

La déclaration n'a pas été faite au hasard. St-Pierre n'est clairement pas fermé à l'idée de relever l'immense défi que représenterait un choc avec son confrère brésilien, mais il n'est pas non plus enchanté par l'option d'y participer à un poids compromis.

« Certains gars peuvent jouer avec leur poids plus que je peux le faire, a-t-il développé. Si on s'entend pour faire la pesée à 177 livres, je ne serai quand même qu'à 185 livres au moment du combat alors que lui pourrait avoir monté jusqu'à 205, 210 livres. C'est un gars très imposant. »

Pendant que White admettait que des heures de négociations séparaient le projet de sa concrétisation, St-Pierre a saisi une autre occasion de faire comprendre son point de vue.

« Je le répète, il n'y a pas si longtemps, il est descendu jusqu'à 168 livres. On ne sait jamais, peut-être que le UFC peut faire de la magie », a-t-il rigolé avant de rapidement reprendre son sérieux.

« À 170 livres, je suis prêt à affronter n'importe qui. »