Quand les pilotes se font taper sur les doigts et quand les Brawn grelottent…

Au départ du Grand Prix d'Allemagne, on a clairement vu Mark Webber donner un coup de volant vers la droite pour sortir Rubens Barrichello. Pourquoi les commissaires ne lui ont-ils donné qu'une pénalité de passage aux puits ?
- Jean-François Bourbeau, St-Jean-sur-Richelieu


Le degré de sévérité des pénalités tombe sous la responsabilité des Commissaires sportifs, qui sont au nombre de trois à chaque Grand Prix. Et ce ne sont pas les mêmes à chaque Grand Prix.

Examinons ce qui a mené à la sanction de Webber, en suivant la procédure réglementaire de la FIA.

Premièrement, il y a eu un incident tel que défini par l'article 16.1 du règlement sportif de la F1:
“un incident s'entend… de toute action d'un pilote qui est rapportée aux Commissaires sportifs par le Directeur de l'épreuve et qui… a causé une collision, a fait quitter la piste à un pilote, a illégitimement gêné un autre pilote au cours d'une manœuvre de dépassement”.

Puis l'article 16.2 spécifie: “il appartiendra aux Commissaires sportifs de décider si un pilote mêlé à un incident doit être pénalisé”.

Suit enfin l'article 16.3: “les Commissaires sportifs pourront infliger une des trois pénalités suivantes à tout pilote impliqué dans un incident:
a) une pénalité de passage aux puits;
b) une pénalité en temps de 10 secondes;
c) un recul de dix places sur la grille de départ de la prochaine épreuve.”

À noter que si une des pénalités prévues aux points a) et b) doit être infligée au cours des cinq derniers tours, ou après la fin de la course, la sanction est transformée en ajout de 25 secondes au temps de course du pilote.

Comme on le constate, toute latitude est laissée aux commissaires quant à la sévérité de la sanction.

Alors, dans ce cas-ci, trop ou pas assez sévère ?

Pour bien juger, passons en revue quelques incidents récents (on ne peut trop reculer dans le temps, car il ne faut pas oublier que le règlement sportif change tout autant que le règlement technique!)

Pénalité de passage aux puits :
- Lewis Hamilton, Japon 2008, pour avoir fait quitter la piste à un pilote (il était passé tout droit dans le premier virage après le départ, emmenant avec lui d'autres pilotes dont Kimi Raikkonen)
- Felipe Massa, Japon 2008, pour avoir causé une collision (il avait heurté Hamilton qui était parti en tête-à-queue)
- Sébastien Bourdais, Japon 2008, pour avoir causé une collision (léger contact avec Massa)
- Massa, Singapour 2008, pour être reparti de son puits de manière non sécuritaire
- Heikki Kovalainen, Belgique 2008, pour avoir causé une collision (il avait envoyé Webber en tête-à-queue à la chicane)
- Hamilton, Belgique 2008, pour avoir court-circuité une chicane, obtenant ainsi un avantage indu

Recul de dix places sur la prochaine grille de départ :
- Sebastian Vettel, Australie 2009, pour avoir causé une collision et fait quitter la piste à un pilote (alors que Robert Kubica tentait de le dépasser par l'extérieur, Vettel avait glissé puis heurté son rival, causant ainsi l'abandon de la Red Bull et la BMW)
- Hamilton et Nico Rosberg, Canada 2008, pour avoir causé une collision (les deux avaient embouti et endommagé des voitures arrêtées à la sortie des puits sous le feu rouge qu'eux mêmes n'avaient pas vu)
- Kazuki Nakajima, Australie 2008, pour avoir causé une collision (il avait heurté l'arrière de la BMW de Kubica - qui avait abandonné - alors que les voitures circulaient sous la voiture de sécurité)

Pénalité en temps de 10 secondes :
Ce type de sanction n'est plus vraiment utilisé pour un incident. À mon souvenir, la dernière occasion remonte au Grand Prix du Canada 1998, alors que Michael Schumacher était sorti des puits pour se diriger immédiatement vers la trajectoire de course où arrivait à pleine vitesse Heinz-Harald Frentzen, qui avait ainsi été poussé hors piste.

Récemment, on a vu ces pénalités de 10 secondes décernées aux pilotes qui ravitaillaient alors que la ligne des puits était officiellement fermée durant une période de neutralisation sous la voiture de sécurité. Ou encore pour un départ anticipé, comme ce fut le cas pour Jenson Button au Grand Prix de Hongrie 2001. Ou un excès de vitesse dans la ligne des puits en course comme David Coulthard au Grand Prix de France 2001. Ou un dépassement en court-circuitant un virage comme David Coulthard en France 1999.

Donc, en analysant ces décisions, on peut déduire que toutes les collisions sont sanctionnées d'un passage aux puits, qu'il s'agisse d'un simple contact ou d'une manœuvre entraînant l'autre voiture dans un tête-à-queue. Par contre, lorsque la collision se termine par un abandon de la victime, c'est alors qu'est imposée la pénalité de recul de 10 places.

En conclusion, la pénalité accordée à Webber s'inscrit dans la logique des récentes décisions des Commissaires sportifs.

En repensant à tous ces incidents, il y a un cas qui me paraît bizarre. Monaco 2008, alors que Kimi Raikkonen commet une erreur au freinage et sa Ferrari vient percuter l'arrière de la Force India d'Adrian Sutil, qui roule en 4e place à huit tours de la fin. Aucune sanction…

À noter que la pire des pénalités, soit la disqualification, n'est utilisée que pour les pilotes qui sortent des puits sous le feu rouge (Montoya au Canada en 2005, Barrichello en Australie l'an passé.)

Pourquoi la Brawn est-elle moins performante lorsque les températures sont basses ?
- Mathieu Rompré, Montréal


Il s'agit, comme le dit si bien le grand patron Ross Brawn, d'une question d'ADN !

Brawn veut simplement dire que le conception globale d'une voiture entraîne des caractéristiques inéluctables. Ainsi la Brawn se veut très douce avec ses pneus. Question de répartition de poids entre autres.

Rappelez-vous la saison 2007, alors que la Ferrari, elle aussi très douce avec ses pneus, avait certains ennuis en qualifs sur un tour lancé, mais allait mieux en course en malmenant moins ses pneus que la McLaren.

Ainsi la Brawn de Jenson Button, à Monaco, a pu effectuer sans aucun problème les 17 premiers tours de course avec les pneus à gomme extra tendre. À l'opposé, ce jour-là, Sebastian Vettel a détruit les pneus de sa Red Bull en quatre tours et a dû devancer son premier arrêt aux puits.

Sous des températures froides, la Brawn si douce avec ses pneus éprouve de la difficulté à bien les faire monter en température, donc à les amener dans leur plage d'exploitation optimale.

En Chine, sous la pluie, le problème a été exacerbé par l'aileron avant. Lorsque cet élément a été ajusté pour offrir plus d'appuis aérodynamiques pour les conditions de pluie, il en a résulté une perte disproportionnée des appuis aérodynamiques. Un problème résolu depuis avec un aileron avant modifié.

En Grande-Bretagne, en qualification (air ambiant à 16 degrés, piste à 25 degrés), les Brawn amenaient leurs pneus à 50-60 degrés centigrade, alors qu'ils doivent être au moins à 70-80 degrés pour bien fonctionner. Button, qui a un style de pilotage plus coulé que celui de son coéquipier Rubens Barrichello, a souffert d'un manque d'adhérence chronique, se qualifiant sixième pour terminer à la même position.

Vous avez mentionné que c'était la première pole de Mark Webber en Allemagne. Il me semble pourtant qu'il a déjà eu une pole avec… Jaguar ? ?
- Carl Sisi, Longueuil


Presque ! Une très belle première ligne avec Jaguar au Grand Prix de Malaisie 2004. Le lendemain ? Une course épouvantable : un ennui technique avec le moteur au départ qui le relègue en 10e place à la fin du premier tour, une voiture endommagée au 5e tour lorsque heurtée à l'arrière par Ralf Schumacher, puis une sortie de piste au 24e tour…

Webber s'est aussi qualifié en première ligne en Espagne 2005 et Monaco 2006 chez Williams, puis en Grande-Bretagne l'an passé avec Red Bull.