Le doublé Brawn à Melbourne : un miracle?

Beaucoup se sont posé la question : comment une (presque) nouvelle (presque) petite écurie a-t-elle pu dominer la première étape du Championnat du monde.

Il n'y a pas de miracle en Formule Un.

Sinon, c'est Force India qui aurait signé un doublé en fin de semaine!

Il ne faut pas oublier que l'écurie Brawn était, jusqu'à tout récemment, l'équipe Honda. Donc on ne peut parler d'une petite écurie, d'un underdog comme le veut l'expression anglaise.

Beaucoup de gens ont oublié que Honda avait terminé à la quatrième place du championnat des constructeurs en 2006.

Mais, un an plus tard, tout allait mal. Les dirigeants japonais avaient commis une énorme gaffe en se débarrassant de l'ingénieur Geoff Willis (ex Williams) et la RA107, conçue "en comité", était particulièrement mauvaise (la pire voiture que j'ai eu à piloter, affirme Rubens Barrichello).

Il fallait réagir. Honda pose alors LE bon geste en embauchant, en novembre 2007, Ross Brawn. L'ex-directeur technique de Benetton et, surtout, de Ferrari, sortait d'une année sabbatique et cherchait un défi à relever.

Il arrive évidemment trop tard pour influencer la conception de la RA108, qui est aussi ratée que la précédente monoplace de l'écurie.

Brawn prend alors une décision d'envergure : faire l'impasse sur la saison 2008. Les ingénieurs de l'écurie n'allaient pas perdre de temps à tenter de développer la RA108, mais plutôt mettre tous leurs efforts sur 2009. Il y avait un bon coup à jouer, puisqu'une refonte presque complète du règlement technique allait obliger toutes les écuries à partir d'une feuille blanche pour concevoir leur monoplace 2009.

Entre-temps, Brawn avait posé ses conditions avant d'accepter l'offre de Honda : à savoir disposer des outils nécessaires pour faire le travail.

Dès janvier 2008, c'est donc une écurie disposant de 700 employés (évidemment pas tous des ingénieurs) qui se met au travail pour l'année suivante. 700 employés pour une entité châssis seulement, cela faisait de Honda l'une des plus grandes équipes de la F1.

Ajoutez deux souffleries. Plus un important département de modélisation par ordinateur.

Vous mélangez tout cela pendant 15 mois de travail sous la supervision d'un chef cuisinier comme Ross Brawn, cela risque de donner des résultats.

L'approche s'avère payante, puisque la monoplace 2009 est performante, notamment en raison d'une grande finesse aérodynamique.

Les ingénieurs se sont montrés créatifs sur le plan aérodynamique, en dessinant un extracteur super efficace exploitant une zone grise du règlement. Rappelons que cette interprétation a été acceptée par les commissaires sportifs présents à Melbourne (décision néanmoins portée en appel, qui sera entendu le 14 avril).

Cela dit, cette pièce seule n'explique pas tout. Les écuries Toyota et Williams ont aussi librement interprété le règlement pour leur extracteur, sans pour autant construire des fusées.

Mais tout se gâte le 5 décembre 2008, lorsque Honda annonce son retrait de la F1. Heureusement l'entreprise japonaise agit dignement: Honda va fournir les fonds nécessaires à la bonne marche de l'écurie jusqu'au moment de sa vente.

Les rumeurs partent aussitôt : David Richards (ex patron de BAR), Carlos Slim (la 3e fortune du monde selon Forbes), Richard Branson et sa compagnie Virgin seraient intéressés.
Finalement, le 6 mars dernier, on assiste à un rachat de l'entreprise par ses cadres, Ross Brawn en tête.

Le même jour, la BGP 001 fait son entrée en piste et se montre d'emblée très rapide.

Donc, pour résumer : une pleine équipe a pleinement travaillé jusqu'au 6 mars pour peaufiner sa monoplace 2009.

En fait la seule surprise de Melbourne fut l'incroyable fiabilité des deux voitures de l'écurie, compte tenu qu'elle a fait très peu d'essais privés par rapport à la concurrence (la Ferrari a fait ses débuts le 12 janvier, la McLaren le 17, Toyota le 18, Renault et Williams le 19).

La performance de Melbourne ne relève donc pas du miracle.
Mais si l'écurie Brawn conserve cet avantage tout au long de la saison, malgré un budget moindre (Honda ne subventionne plus) et un personnel réduit (il y aura bientôt 270 mises à pied), on évoquera le miracle.