Pas terrible le Vettel?

On le voyait couronné avant même le début de la saison. Sebastian Vettel est-il en train de saboter sa dernière chance de devenir le plus jeune champion de l'histoire de la F1 ?

Le jeune Allemand a commis quelques erreurs qui risquent de coûter cher lorsque l'on fera le décompte des points en fin de saison.

Turquie:

Vettel roule derrière Webber. Le contexte demeure un peu nébuleux. Le clan Webber indique à son pilote qu'il doit réduire sa consommation d'essence. Ce que Vettel n'aura pas à faire avant deux tours et qu'il interprète comme une invitation à passer devant son coéquipier. Vettel attaque Webber en plongeant à l'intérieur au bout de la longue ligne droite arrière, dans le but de passer devant au freinage de la courbe qui suit. Webber ne bronche pas : il garde une trajectoire bien droite et ne lève pas le pied; autrement dit, il ne donne pas la place à Vettel qui devra la mériter. Celui-ci croit/espère le contraire et, constatant qu'il ne vas pas réussir à freiner à temps pour le virage (il arrive trop rapidement sur une partie poussiéreuse et bosselée de la piste), donne un coup de volant vers sa droite pour se diriger vers la trajectoire normale de course. Webber est encore là, c'est l'accrochage et l'abandon pour Vettel. (- 18 points)

Hongrie:

Vettel est deuxième derrière Webber qui est l'un des rares à ne pas s'être arrêté lors d'une neutralisation. Pas de problème, il repassera devant lorsque son coéquipier effectuera son arrêt pneus plus tard en course.

Malheureusement, dans la lune, Vettel oublie le règlement qui l'oblige à respecter une distance inférieure à dix longueurs de voiture derrière la Voiture de sécurité. Il va écoper d'une pénalité de passage aux puits et terminera 3e (- 10 points)

Belgique:

Vettel est troisième derrière Button. Il s'impatiente. À l'approche de la chicane, il se pointe vers la droite de Button, où il n'y a aucun espace. Que se passe-t-il suite ? Button plus tôt que prévu sur une surface encore détrempée ? (affirmation de Red Bull niée par McLaren) Vettel sait-il que sa tentative de dépassement ne peut aboutir ? Ce qui est sûr, c'est qu'il donne un coup de volant brusque pour revenir sur sa gauche, perd le contrôle de sa voiture (sur une bosse?) et percute ensuite Button. Après d'autres péripéties, il va terminer hors des points (il perd au moins une 5e place : - 10 points)

(J'ouvre une parenthèse. Je dénonce la pénalité imposée à Vettel pour avoir causé un accident. Il s'agit d'une ERREUR de pilotage, et non d'un geste anti-sportif répréhensible. Pour moi, une pénalité s'impose, par exemple, lorsqu'un pilote sort de piste puis revient sur le circuit sans se soucier des autres pilotes et cause une collision. Il y aura toujours un élément de danger dans une manœuvre de dépassement. Alors qu'on veut les favoriser, pourquoi faire peur aux pilotes en brandissant le spectre d'une pénalité?)

Avec les 38 points perdus en Turquie, Hongrie et Belgique, Vettel serait en tête du classement.

On peut aussi parler des manœuvres de Vettel à la suite de ses départs laborieux en Grande-Bretagne et en Allemagne, alors qu'il partait de la position de tête.

À Silverstone, il tente de coincer Webber sur sa droite, ce qui ne fonctionne pas. Au lieu de se ranger derrière, il repart vers l'extérieur. C'est Hamilton qui va se ranger derrière Webber et, en roulant roue contre roue avec Vettel, lui crever un pneu arrière.

À Hockenheim, Vettel tente cette fois de coincer Alonso. Finalement c'est Alonso ET Massa qui passent devant lui. Encore des points perdus…

Déjà en 2009

Vettel a un historique de pilotage parfois brouillon. Effectuons un retour sur sa saison 2009, alors qu'il en était à sa première année complète chez Red Bull.

Australie:

Vettel roule en deuxième place en fin de course, mais ses pneus sont très usés et il ne peut tenir la cadence. Il est rapidement rejoint par Robert Kubica qui tente de le dépasser. La BMW fait l'extérieur à la Red Bull, mais Vettel insiste : au point de corde, sa voiture part en glissade et vient toucher celle de Kubica : contact et abandon pour les deux (- 6 points).

Monaco:

Vettel roule en quatrième place lorsqu'il tape le mur dès le 16e tour. Abandon (- 5 points)

Voilà 11 points perdus. Il a terminé deuxième dans la course au titre à 11 points de Button.

Seulement 23 ans

Vettel est parfois trop fougueux, trop impétueux; il manque de réflexion dans l'action: tous des attributs d'un jeune pilote !

On le voit d'ailleurs à ses réactions ! Le geste de l'index qui tourne sur la tempe (signifiant : zinzin ce Webber) en sortant de sa voiture en Turquie, ses gesticulations en passant dans les puits pour sa pénalité en Hongrie.

Mais il n'a que 23 ans. Pensez-y : 23 ans et toute la pression d'une deuxième course au titre en autant d'années.

Cela dit, je vous rappelle ce vieil adage du sport automobile : il est plus facile d'assagir un pilote rapide que de rendre rapide un pilote sage !

On peut établir une comparaison intéressante avec un autre jeune pilote. Lewis Hamilton a été couronné champion à 23 ans, en 2008. Et lui aussi avait commis quelques gaffes:

Canada:

Rappelez-vous l'incident de la sortie des puits à Montréal. Hamilton mène la course après être parti de la position de tête. Il entre aux puits sous une neutralisation mais, puisque son écurie a décidé de mettre une bonne quantité d'essence à bord de sa voiture, il repart derrière Kimi Raikkonen (Ferrari) et Robert Kubica (BMW). À la sortie des puits, ces derniers s'arrêtent à un feu rouge que ne voit pas Hamilton, qui vient alors percuter l'arrière de la Ferrari. Abandon et pénalité (recul de 10 places sur la grille du prochain Grand Prix, en France).

France:

Hamilton se qualifie troisième et part 13e en raison de sa pénalité. Dans le premier tour, il court-circuite une chicane pour dépasser un adversaire. Il va recevoir une pénalité de passage aux puits. Une probable cinquième place perdue.

Japon:

Parti de la position de tête mais aussitôt dépassé par Raikkonen, Hamilton arrive trop rapidement dans le premier virage et, roues bloquées au freinage, passe tout droit, emmenant avec lui la Ferrari. Il sera pénalisé d'un passage aux puits.

Ajoutez quelques autres broutilles. À Bahreïn, il commet une erreur dans sa procédure de départ sur le volant et passe de la troisième place sur la grille à la 10e au virage 1, avant de s'accrocher avec une autre voiture au deuxième tour pour éventuellement terminer hors des points. En Belgique, au deuxième tour, il commet un tête-à-queue au virage no 1 (La Source) alors qu'il roule seul en tête.

N'importe laquelle de ces incartades aurait pu lui coûter cher, compte tenu qu'il a remporté le titre par un seul point !

Manque de fiabilité chez Red Bull

Cela dit, Vettel serait aussi confortablement en tête du classement 2010 si la Red Bull RB6 s'était montrée plus fiable.

Dès la première course à Bahreïn, il part de la position de tête et mène la course jusqu'à des ennuis de bougie d'allumage. Il doit ralentir la cadence et termine quatrième. (- 13 points)

Deux semaines plus tard, en Australie, il part de la position de tête et mène la course jusqu'à des ennuis avec la roue avant droite qui causent sa sortie de piste. (- 25 points)

En Espagne, un bris de disque de freins qui l'oblige à ralentir, ce qui le fait passer de la deuxième à la troisième place. (- 3 points)

Et revenons à l'épisode de la Turquie. Si une barre anti-roulis ne brise pas sur sa voiture en qualifications, qui dit que Vettel n'aurait pas signé le meilleur chrono à la place de Webber ? Et aurait roulé en tête de la course du début à la fin, évitant ainsi toute embrouille avec son coéquipier ?

L'une des raisons de sa fébrilité provient sûrement de tous ces points perdus, ce qui le pousse à vouloir en faire trop au volant.

Avec 31 points de retard sur Hamilton et 28 sur Webber, tout n'est pas perdu, y compris le talent inné de Vettel.