SAO PAULO (AFP) - Fernando Alonso est devenu dimanche au Brésil le plus jeune double champion du monde de Formule 1, au terme d'une saison durant laquelle il a fait preuve d'une férocité toute maîtrisée pour venir à bout du plus coriace et valeureux des rivaux, Michael Schumacher.

A 25 ans, 2 mois et 23 jours, l'Espagnol détient quatre des rares records significatifs qui manquent à Schumacher: plus jeune auteur de pole position (Malaisie-2003 à 22 ans 7 mois et 23 jours), plus jeune vainqueur de GP (Hongrie-2003 à 23 ans et 26 jours), plus jeune champion du monde (à 24 ans, 1 mois et 27 jours en 2005) et plus jeune double champion du monde.

Pour supplanter un Michael Schumacher d'autant plus motivé qu'il aurait aimé se retirer en emmenant avec lui le numéro 1 du Champion du monde, Alonso a dû sortir toutes ses griffes.

Cette attitude, il la tient certainement de sa jeunesse lorsque, quittant sa ville natale d'Oviedo avec son père en voiture pour aller courir en karting en Italie, il savait que seul un bon résultat lui permettrait de revenir le week-end suivant.

Sa famille ne pouvait se permettre financièrement de satisfaire une passion qui n'aurait pas d'avenir, et les éventuels parraineurs ne pouvaient être intéressés que par un jeune ayant des résultats.

Opportunité

De même lorsqu'il a eu son premier essai à bord d'une F1, chez Minardi fin 2001 sous une pluie battante, et qu'il a bravé les instructions d'extrême prudence. Il fallait prouver immédiatement qu'il méritait un volant, de peur de ne pas avoir de seconde opportunité.

Alors cette année, Alonso a griffé, mordu, dès le premier des 18 GP en s'imposant à Bahreïn. Mais il a dû ronger son frein jusqu'à l'ultime épreuve au Brésil pour être sacré.
Confirmant en piste sa combativité et son immense talent, Alonso a aussi pris de l'aplomb cette année, une assurance liée à son statut de champion du monde.

"L'an dernier, nous avons disputé une saison fantastique. Chaque victoire était une surprise. Cette saison, c'est différent. Dès le départ, j'ai commencé à penser à conserver mon titre", explique-t-il dans un entretien accordé en fin de saison à la presse belge.

Après son sacre en 2005, il n'a pas hésité à négocier seul, en cachette de son écurie et de son puissant agent et patron Flavio Briatore, son transfert chez McLaren-Mercedes en 2007.

Et durant la saison, le champion régulièrement accompagné par sa petite amie Raquel, vedette de la chanson pop espagnole, a lancé quelques vérités comme: "Michael (Schumacher) possède tous les records: les titres, les victoires, les poles, les meilleurs tours, mais aussi les pénalités..."


"Fâchés"

Il a aussi exprimé sa colère après la manoeuvre de l'Allemand en qualifications à Monaco, considérée comme une tricherie. "Nous étions tous fâchés ce jour-là ! Michael roule en F1 depuis 16 ans et je m'étais déjà fait une opinion sur son comportement en piste bien avant. Cela n'a rien changé", n'hésite plus a déclarer Alonso.

Mais l'Espagnol a également osé critiquer la Fédération internationale de l'automobile (FIA). Estimant avoir été victime de plusieurs décisions -interdiction soudaine des mass dampers, pénalités en Hongrie et à Monza-, il a fini par déclarer que "la F1 n'était plus un sport" à cause de prises de position trop politiques ou trop influencées par l'argent et le spectacle.

Et en fin de saison, même son écurie en a pris pour son grade, lorsque, après le Grand Prix de Chine, il a affirmé se sentir "parfois seul".

Mais là encore, si les mots sont forts, le ton est parfaitement posé et écarte l'éventualité d'une déclaration à l'emporte pièce.

Et finalement, s'il se réjouit forcément de cette seconde couronne mondiale, il a tendance à dénigrer le Championnat 2006, car "le combat n'a pas été honnête".

Quoi qu'il en soit, contrairement à Schumacher qui a pris dimanche sa retraite après 16 saisons en F1, Alonso ne se voit pas faire une aussi longue carrière.

"La F1 bouffe votre vie. Cela va quelques années, mais pas vingt. J'ai commencé à 19 ans et je ne vais pas faire cela toute mon existence. J'ai aussi envie de profiter un peu de la vie." La croquer férocement à pleine dents.