SPA - Disciple d'Ayrton Senna, porteur d'eau de Michael Schumacher, grand espoir de la discipline puis "looser" pestiféré, Rubens Barrichello, qui court son 300e Grand Prix dimanche à Spa, a tout connu en Formule 1, dont il est la mémoire récente.

Son visage fait désormais partie du décor, 18 saisons au plus haut niveau ont à peine affecté ses traits. À 38 ans, le Brésilien, qui à chaque course bat ses propres records de longévité, reste à l'image du gamin de Sao Paulo qu'il était.

Grandi à proximité du circuit d'Interlagos dans un famille imprégnée de mécanique -l'un de ses oncles possède une écurie de F3 sud-américaine-, Rubinho reçoit son premier karting à 6 ans à peine. Il y montre très vite des facilités impressionnantes.

Imbattable au Brésil, il se fait remarquer par Ayrton Senna, qui lui finance sa participation au Championnat du monde de kart. Barrichello écume ensuite les compétitions de monoplaces, qu'il gagne toutes ou presque.

Il débute en F1 chez Jordan en 1993. Et termine 5e au Japon, une course remportée par... Senna. Le parallèle avec l'idole ne s'arrête pas là. En 1994, juste après son premier podium (3e) au GP du Pacifique, Barrichello ressort inconscient d'un effroyable accident à San Marin.

"Personne n'avait pu rentrer dans le dispensaire, pourtant Ayrton était à mon chevet", se souvient-il. Deux jours plus tard, le triple champion du monde se tue en piste. "Cela a été la plus grande perte de ma vie. Senna était mon guide, ma joie de courir", raconte-t-il.

Le Brésilien se remet pourtant en selle. Signe sa première pole position à Spa. Et termine 6e du Championnat, s'imposant en successeur de son maître. Mais il plonge les cinq saisons suivantes, malgré quelques podiums pour Stewart, où il passe trois années (1997-1999).

Plaisir

Il rentre dans la cour des grands en 2000, en signant chez Ferrari. Fond en larme pour sa première victoire au GP d'Allemagne cette même année. "Je dédie ce succès à Senna. Il m'entend là-haut. Cette victoire est le meilleur moyen de le remercier pour tout ce qu'il a fait pour moi."

A l'opposé de son coéquipier Michael Schumacher, froid et calculateur, +Rubinho+, son surnom au Brésil, est émotif, chaleureux, profondément humain. Aimé dans le paddock, il doit pourtant avaler toutes sortes de couleuvres à la Scuderia.

Luca di Montezemolo, le président de Ferrari le prévient dès le lendemain de sa victoire à Hockenheim: "Les priorités de l'équipe sont inchangées". 'Schumi' reste le numéro 1. Deux saisons plus tard, Barrichello se voit forcé de lui laisser la victoire en Autriche.

Le Brésil, qui voyait en lui un successeur de Senna, ne lui pardonne pas. L'image de perdant, de porteur d'eau, ne le quittera plus, malgré 9 victoires et 46 autres podiums pour la Scuderia. Fin 2005 il rejoint Honda, où il vit trois saisons catastrophiques, au volant d'une voiture lamentable.

On le croit alors au crépuscule de sa carrière. Mais Ross Brawn, qui a racheté Honda F1, lui maintient sa confiance. Et le vétéran Barrichello effectue une saison 2009 exceptionnelle, terminant 3e du classement, quand son coéquipier chez Brawn GP, Jenson Button, est sacré champion.

Le Brésilien s'en va néanmoins chez Williams où il continue à impressionner, malgré une voiture en retrait. Après douze courses cette saison, il compte 30 points, et se montre régulièrement à son avantage. Jusqu'à fêter sa 300e course par une victoire à Spa?

"Un jour, je vais m'asseoir, je regarderai tous ces chiffres et ils auront de l'importance. Mais pour l'instant, j'ai le plaisir de piloter la voiture et d'être compétitif après 300 courses. Pour moi c'est le plus important." Du 'Rubinho' dans le texte.