Profitons du passage de la Formule 1 à Montréal pour répondre une bonne fois pour toutes à la question suivante : les pilotes de F1 sont-ils des athlètes? Après tout, ils ne font que s’asseoir au volant d’une voiture très rapide et conduire. Peut-on comparer leur forme physique à celle d’un joueur de hockey? D’un joueur de baseball? D’un joueur de soccer? D’un coureur de fond?

Eh bien oui! Et avantageusement à part ça. En fait, un pilote de F1 moderne a une bien meilleure condition physique que tous les athlètes des sports que je viens de mentionner à l’exception d’un marathonien élite. Aucun sport ne garde la fréquence cardiaque des athlètes aussi élevée et pour une aussi longue durée que la F1. La situation est identique pour la température corporelle qui atteint des niveaux record chez les pilotes de F1.

Comment cela est-il possible alors que le travail des Lance Stroll, Sebastian Vettel, Lewis Hamilton et Max Verstapen de ce monde consiste essentiellement à être... assis? Je crois qu’il est temps d’abattre un immense mur de préjugés défavorables à l’endroit des pilotes de F1.

Une forme physique exceptionnelle

Ce sont des athlètes hors-norme qui doivent endurer des vitesses folles et subir des forces allant jusqu’à 5G dans les virages, les accélérations et les freinages. Si un homme en bonne santé avait la chance de piloter une F1, il devrait arrêter son bolide après quelques tours en raison d’étourdissements, de nausées et possiblement d’un risque d’évanouissement. Un pilote - un peu bedonnant - de Nascar trouverait l’expérience périlleuse et éprouvante.

Il est vrai que la qualité de la voiture compte beaucoup pour la victoire. Inutile de le nier, c’est un fait. Mais pour terminer une course, que ce soit au volant de la meilleure ou de la pire voiture de F1, un pilote doit s’astreindre à un entraînement structuré et difficile. Tous peuvent compter sur des entraîneurs personnels qui préparent des plans visant à développer leur endurance grâce, par exemple, au vélo, à la natation, à la course à pied ou au ski de fond. Pendant toute la durée d’une épreuve, la fréquence cardiaque d’un pilote se situe à une moyenne de 80 % de sa fréquence maximale. Imaginez votre cœur à 170 battements par minute en moyenne pendant deux heures (avec des pointes à 200 bpm) alors que les ceintures et les courroies qui vous lient à votre siège sont tellement serrées qu’elles entravent votre respiration! Certains pilotes n’hésitent pas à dire qu’un tour de piste sur certains circuits de F1, c’est comme une plongée en apnée.

Lors d’un grand prix, un pilote ne peut pas prendre une petite pause pour souffler et se rafraîchir. Ou bien actionner l’air conditionné dans son cockpit. S’il veut s’hydrater, il doit puiser dans son petit litre d’eau tiède embarquée à bord. Ce n’est pas beaucoup pour éviter la déshydratation et les risques que cela implique sur la concentration en piste. Un pilote perd de trois à cinq kilos lors d’une course. C’est encore pire dans les pays où règne une température chaude et humide comme la Malaisie. Et lorsqu’il y a du poids à couper sur la voiture, la première chose à retrancher est la réserve d’eau du pilote. Parlez-en à Lewis Hamilton qui s’est fait jouer le vilain tour par Mercedes cette saison.

Les pilotes de F1 doivent s’astreindre à un entraînement éreintant visant à muscler leurs bras, leurs jambes et, surtout, leur cou. Car les forces G multiplient le poids de tout! Ainsi, le poids moyen d’un casque et du système de protection HANS (Head and Neck Support) qui y est rattaché est de 7 kilos ce qui signifie que, lors d’un freinage brusque à 5G, le pilote essaie de garder la tête droite malgré un poids de 35 kilos pour pouvoir se concentrer et négocier le virage suivant.

Les pilotes respectent également des diètes sévères et un entraînement rigoureux pour maintenir une forme physique optimale qui leur permettra, bien sûr, d’être alertes en piste. Mais c’est aussi pour se donner une meilleure chance de survie en cas d’accident majeur. Avec les voitures plus rapides de deux à quatre secondes au tour cette année, une concentration de tous les instants est primordiale.

Jenson ButtonÀ tous ceux qui remettent en cause la forme physique des pilotes de Formule Un, sachez qu’ils sont des supers athlètes. Jamais Jenson Button n’aurait pu remplacer au pied levé Fernando Alonso au Grand Prix de Monaco s’il n’avait pas été en parfaite condition physique. À force de s’entraîner à la course à pied, au vélo et à la nage pour développer son endurance de pilote, il est devenu un triathlonien élite. Un des meilleurs de la Grande-Bretagne. Il en va de même pour les pilotes du plateau actuel. Ils seraient capables de participer à un marathon sans problème.

Un pilote s’entraîne six jours par semaine, deux fois par jour, pendant la saison morte entre décembre et mars. Il lève des poids en matinée et fait des exercices de cardio en après-midi. Lorsque la saison débute, tous les pilotes sont au summum de leur forme. Leur défi est ensuite de maintenir cette forme pendant l’éprouvant calendrier qui les trimbale un peu partout sur la planète et au milieu de toutes les activités promotionnelles qu’ils doivent honorer.

Alors à tous ceux qui continuent d’avancer que les pilotes de F1 ne sont que des hommes qui tournent un volant et qui pèsent sur des pédales, sachez qu’il n’est pas trop tard pour changer d’avis. Lorsque vous conduisez des bolides à plus de 300 km/h et que vous poussez votre corps à la limite les lois de la résistance humaine pendant deux heures en brûlant plus de 1500 calories, vous avez le droit de revendiquer le titre d’athlète.

Encore sceptique? Une belle longue balade en F1 saurait certainement vous en convaincre. Mais ça, je ne vous le souhaite pas!