AUSTIN (États-Unis) - En faisant gagner une Lotus au Grand Prix d'Abou Dhabi de Formule 1, début novembre, Kimi Räikkönen a replacé au sommet un nom prestigieux entre tous, l'un de ceux qui ont permis d'écrire la légende de la F1 depuis les années 50, comme Ferrari, McLaren et Williams.

Bien sûr, fidèle à sa propre légende, « Iceman » le Finlandais a fait comme si cela ne lui faisait ni chaud ni froid : « Pour moi, franchement, le nom Lotus ne fait aucune différence. Je suis surtout heureux pour tous les gars de l'équipe, qui n'étaient sûrement pas là en 1987 ».

En 1987, un jeune Brésilien doué, Ayrton Senna da Silva, avait été le dernier à faire triompher une Lotus. C'était à Detroit, aux États-Unis, dans une Lotus jaune canari équipée d'un moteur Honda. Alors qu'en 1985 et 1986, pour les deux premières saisons chez Lotus du futur triple champion du monde, le moteur était un Renault et les couleurs, noir et or, celles de la grande époque.

Tous les amateurs de F1 se souviennent des Lotus aux couleurs d'une marque de cigarettes, John Player Special, qui ont permis au Brésilien Emerson Fittipaldi, en 1972 et 1974, puis à l'Américain Mario Andretti, en 1978, d'être sacrés champions du monde de F1. C'était alors l'apogée de Colin Chapman, ingénieur génial puis fondateur, en 1958, d'une marque qui a toujours fasciné les fans.

Avant Fittipaldi et Andretti, l'incomparable Jim Clark (1963, 1965), puis Graham Hill (1968) et Jochen Rindt (1970) sont devenus champions du monde dans une Lotus. Après le décès de Chapman, en 1982, puis les six victoires de Senna, entre 1985 et 1987, le déclin a duré jusqu'en 1994 puis la flamme s'est éteinte... jusqu'en 2010.

Fernandes remet le feu

Comme Lotus était une marque majeure, un homme d'affaires malaisien, Tony Fernandes, fondateur d'Air Asia, s'est dit que la replacer au pinacle du sport automobile serait valorisant pour ses multiples activités. Il l'a fait, avec un groupe de son pays, Proton, qui avait racheté le nom et l'activité voitures de sport de Lotus aux héritiers de Chapman.

Une écurie « Lotus F1 Racing » a été inscrite au championnat 2010, avec comme pilotes le Finlandais Heikki Kovalainen et l'Italien Jarno Trulli. En 2011, elle est devenue « Team Lotus », pendant qu'une autre écurie, Renault F1 (ex-Benetton), intéressée elle aussi par ce nom prestigieux, se rebaptisait « Lotus-Renault ».

Une longue bagarre devant les tribunaux a suivi, perdue par Fernandes qui a aussitôt rebondi en rebaptisant son équipe Caterham, une autre marque de petits coupés sportifs britanniques. Renault lui fournit désormais des moteurs de F1 et va relancer, en partenariat avec Caterham, une autre marque fameuse, Alpine.

En 2012, il n'y a plus qu'un seul Lotus F1 Team, avec Räikkönen et le Français Romain Grosjean dans des Lotus E20 conçues à Enstone. Pour l'instant, les résultats dépassent les espoirs : la 4e place au championnat constructeurs était un objectif, alors que la 3e place du Finlandais au classement pilotes, à deux manches de la fin, est une sacrée surprise.

« Si on regarde l'histoire de Lotus et de cette écurie d'Enstone (ex-Toleman, Benetton, Renault F1) qui n'avait plus gagné en F1 depuis le Japon en 2008, ça veut dire que deux sociétés, deux noms prestigieux, se sont associés pour gagner. C'est une vraie victoire », résume sobrement Eric Boulllier, le patron français du Lotus F1 Team.