SINGAPOUR - Nico Rosberg, armé d'une Mercedes imbattable et encore victorieux dimanche soir à Singapour, semble bien lancé dans sa conquête du Graal : un titre mondial qui lui permettrait de rejoindre au palmarès son père Keke, un moustachu finlandais sacré en 1982.

Quoi qu'il arrive fin novembre à Abou Dhabi, Nico a déjà fait beaucoup mieux que Keke, vainqueur d'un seul GP l'année de son sacre, au volant d'une Williams : 22 victoires pour le fiston aux cheveux blonds depuis 2012, toutes dans des Flèches d'Argent, dont huit en 2016 et même trois d'affilée en cette fin d'été, sur des circuits qui ne lui avaient jamais souri (Spa-Francorchamps, Monza et Singapour).

Sur cette piste bosselée, piégeuse, où il n'avait jamais connu la joie du podium (4e en 2015), où il faut frôler les rails de sécurité comme à Monaco, son pays d'adoption, Rosberg a fait une démonstration saluée par tous les observateurs, y compris son Team Principal Toto Wolff et son coéquipier Lewis Hamilton.

« J'ai vu le meilleur Nico depuis 2013 », a dit Toto Wolff, tout en précisant que ses deux pilotes avaient les mêmes spécifications de freins. « Nico a réussi à les refroidir, c'était plus facile pour lui (car il était devant, ndlr). Il était incroyablement rapide. C'était un méga Nico week-end », a souri le patron de Mercedes-AMG. La marque à l'étoile cueillera bientôt, en Malaisie ou au Japon, son troisième titre mondial des constructeurs.

Tout a commencé aux essais libres, en douceur: Rosberg bien devant, sans forcer, lors de deux séances sur trois. Le festival a continué en qualifications, avec à la clé une pole position énorme samedi soir: une demi-seconde d'avance sur Daniel Ricciardo (Red Bull) et même sept dixièmes d'avance sur Hamilton.

Hamilton jamais aussi loin

Un tel écart, à armes égales, en faveur de Rosberg, ce n'était jamais arrivé au phénomène anglais, en quatre saisons. « C'était l'un des trois meilleurs tours de ma carrière », a résumé Nico. Comme à Monaco en 2013, quand il avait devancé Hamilton de quelques centièmes. Un autre tour de rêve, alors que l'Anglais était encore en rodage chez Mercedes.

C'était son 200e GP de F1, alors Rosberg a fait la fête, mais pas sur la piste de danse ou au défilé de mode de l'Amber Lounge au bord du circuit. Il s'est fait plaisir tout le week-end, a fait tout ce qu'il fallait pour gagner, a communiqué avec son équipe, choisi la bonne stratégie avec ses ingénieurs, et tout s'est bien terminé, malgré la remontée express de Daniel Ricciardo (Red Bull).

La fin heureuse de ce scénario parfait, sauf pour Hamilton, a eu lieu devant un autre moustachu, Chase Carey, ancien d'Hollywood et futur patron de la F1. Dans un décor de rêve, à la hauteur des ambitions mondiales de Rosberg et de Liberty Media, le futur actionnaire principal: le circuit de Marina Bay, une grande roue en arrière-plan, et surtout une course en nocturne, à la lueur des projecteurs, dans laquelle Rosberg a brillé de mille feux.

L'année Rosberg?

Il ne reste plus que six manches à courir dans cette saison-marathon (21 GP au calendrier) et Rosberg a peut-être fait le plus dur, depuis fin août, dans le combat mental avec son rival préféré: faire comprendre à Hamilton que c'est son année et qu'il ne lui permettra pas de briser son rêve de titre mondial. Il mène 8 victoires à 6, en 2016, et il le devance de huit points au championnat.

« C'était un week-end un peu délicat pour moi, mais j'ai pu finir sur le podium - son 99e en F1 - et j'ai pris des points pour l'équipe. J'ai déjà eu 43 points de retard (sur Rosberg), en début de saison, donc huit points ce n'est pas si grave », a résumé Hamilton, même pas déçu. Et élogieux pour son coéquipier, ce qui n'est pas dans son habitude.

« Nico a piloté de manière fantastique. Il mérite sa victoire », a dit Hamilton. Il venait de poser pour un « selfie » avec Rosberg et Ricciardo, en souriant. Il a ensuite dansé en rond avec Nico devant tous les mécanos et ingénieurs, dans les stands, pour la photo officielle prise après chaque victoire... et envoyée aussitôt sur les réseaux sociaux.

C'était un peu comme si Hamilton commençait à accepter la nouvelle carrure de Rosberg. Comme s'il redevenait un pilote quasi-normal au sein d'une équipe exceptionnelle, qui va devoir rester soudée pour résister aux Red Bull, en plein renouveau, et aux Ferrari. Une nouvelle ère va s'ouvrir en F1 et avec Rosberg comme champion du monde, le casting serait parfait. N'est-ce pas, Mr Carey?