MONTREAL - Des diodes, un écran à cristaux liquides, des boutons, des palettes et des molettes multicolores qu'il faut surveiller, lire, presser ou actionner en plein virage: pour faire tourner une Formule 1 dans les meilleures conditions, tourner simplement le volant est loin d'être suffisant.

"Quand tu es à 330 km/h entre deux murs, à Monaco, et que tu arrives dans un freinage où tu ne vois pas...", lâcher d'une main le volant ergonomique pour affiner le comportement de la voiture devient toute une affaire, explique Nico Rosberg, le pilote Williams, en enfilant comme des perles les difficultés pour forcer le trait et, en riant, exagérer à ses yeux l'exploit.

Car pour les pilotes de F1, ces gestes sont naturels et, loin de les gêner, le fait de tourner le volant d'une seule main en trafiquant les systèmes électroniques de l'autre les aide au contraire à virer plus vite.
"En fait, tu changes les réglages au volant dans les lignes droites... ou au milieu des virages mais pas dans les freinages car c'est la partie la plus difficile", reconnaît Rosberg.


"Des mois" d'adaptation

N'empêche ! Le volant des F1 modernes permet tellement d'adaptations que le seul apprentissage de ces fonctions demande "des mois", selon le pilote allemand.

Limiteur pour régler la vitesse dans les stands, antipatinage, différentiel pour l'entrée et pour la sortie des virages, mais également pour les virages à basse et les courbes à haute vitesse, régime moteur, fermeté de l'embrayage ("c'est le stand qui te dit comment le régler par radio"), configuration pour chausser les pneus pluie, gestion du frein moteur, radio, écran avec "données dynamiques" pour que le pilote sache en permanence et sur n'importe quel secteur du circuit s'il passe plus vite ou plus lentement que lors de son tour le plus rapide, palettes derrière le volant à droite pour monter les vitesses, à gauche pour les descendre ainsi que l'embrayage pour le départ seulement...

"Tu croyais que c'était facile de piloter une F1 ?", interroge Rosberg amusé devant l'incrédulité de son interlocuteur.

Des diodes indiquant le régime moteur aux deux molettes -l'une pour les virages lents, l'autre pour les courbes rapides- permettant de jouer sur le différentiel -"plus tu ouvres le différentiel plus la voiture tourne"-, le volant réclame de la part du pilote réflexion et instinct, le tout en plein effort physique sous des charges d'accélération ou de décélération à couper le souffle.

"Il faut très longtemps pour s'habituer et beaucoup, beaucoup de tests...", précise Rosberg.

Et du coup, cette pièce de carbone bardée d'électronique et d'un poids défiant les lois de la pesanteur est dessinée en fonction des besoins et des volontés propres des pilotes.
"C'est le pilote qui doit gérer donc c'est sa construction", explique Rosberg.


Le prix d'une Porsche

Mais au prix de l'instrument amovible -"ça coûte une Porsche", estime-t-on chez Williams-, et parce qu'il en existe deux par voiture, les volants ne sont pas changés systématiquement à l'arrivée d'un nouveau pilote dans l'écurie. Et les deux coéquipiers doivent se mettre d'accord sur un modèle unique.

De la même façon que le pilote dispose de deux molettes pour le différentiel, il a au volant deux molettes pour l'antipatinage (Traction Control, ou TC dans le langage des élus de la F1). "A droite, tu as le TC pour la fin de sortie de virage et à gauche pour le début de sortie de virage, lorsque la voiture est en appui", commente Rosberg.

A bord de son bolide, le pilote peut donc modifier les réglages en fonction de l'évolution de sa voiture en course ainsi que des conditions de piste. Mais il peut aussi modifier ces réglages "pour un virage particulier qui pose problème, sans changer le réglage général".

"Mais c'est compliqué et nous ne l'utilisons pas trop souvent", reconnaît Rosberg.

Les F1 de Nico sont décidément bien loin d'un point de vue technologique, de celles de son père champion du monde, Keke. Mais la Williams de Nico n'est pas forcément plus facile à piloter que celle de Keke, estime le fils: "les gens pensent que l'électronique a trop d'importance, mais ce n'est pas le cas, car même le TC il faut le gérer !"