BARCELONE (AFP) - L'engouement fiévreux de l'Espagne pour Fernando Alonso n'a d'égal que la dévotion des tiffosi italiens pour Ferrari et lors du Grand Prix d'Espagne de Formule 1, dimanche à Barcelone, Michael Schumacher goûtera à la déferlante de l'"Alonsomania".

Alors que généralement l'affluence sur les circuits a tendance à baisser, il n'y avait déjà plus aucune place à vendre dans les tribunes du circuit de Catalunya trois semaines avant la course.

"Depuis les débuts de la F1 dans notre pays en 1951, jamais cela ne s'était produit et encore moins avec un chiffre d'affluence prévu à plus de 115.000 personnes le dimanche", selon les organisateurs.

Plus jeune auteur d'une pole position (Malaisie 2003), plus jeune vainqueur de Grand Prix (Hongrie 2003), Alonso se présente, en plus, cette année devant son public en leader du Championnat du monde.

Non seulement il est le premier Espagnol à dominer, à 23 ans, le classement des pilotes de F1, mais il arrive à Barcelone fort de trois victoires consécutives et surtout d'un duel remporté lors du Grand Prix de Saint-Marin à Imola face au kaiser en personne, le septuple champion du monde Michael Schumacher (Ferrari).

Déjà, l'Espagne se prend à rêver: et si Alonso entrait dans l'Histoire de la F1 comme le pilote qui aura détrôné Schumacher ? Qui l'aura battu sur la piste ?

Roi

"Seul le titre mondial pourrait être plus fort émotionnellement que la victoire à Montmelo, devant ma famille et mes amis", affirme Alonso. Parmi ses principaux supporteurs, il compte le roi d'Espagne Juan Carlos qui lui téléphone pour le féliciter après ses victoires.

Quand le petit Fernando, âgé de trois ans, s'assit pour la première fois dans un kart, dont il n'atteignait pas les pédales, Jose Luis Alonso, un fanatique de sport automobile qui avait construit l'engin pour sa fille aînée Lorena, n'imaginait certainement pas que vingt ans plus tard son fils serait au sommet de la pyramide mondiale des pilotes, déchaînant les passions dans son pays.

C'est que le recordman des victoires en rallye (26) Carlos Sainz ayant pris sa retraite en fin de saison dernière, Fernando Alonso arrive à point nommé pour concentrer, en sport automobile, tous les espoirs d'un peuple qui se découvre une passion pour la F1.

Les derniers GP ont été suivis à la télévision par six millions de téléspectateurs espagnols - un score inimaginable jusque-là - et à Oviedo où Alonso est né, les courses sont diffusées sur grand écran dans les salles de cinéma.

En quelques semaines, le pilote a remplacé dans le coeur de ses compatriotes le joueur de basket-ball Pau Gasol, qui évolue dans le championnat nord-américain (NBA).

Taureau

Dépassés, même, les Galactiques du Real Madrid: le football passe désormais après la F1 dans les journaux sportifs du lundi.
Vivant en Angleterre - où Renault a une partie de sa logistique de F1 - Alonso utilise des subterfuges pour échapper à l'hystérie de certains de ses compatriotes lorsqu'il va se reposer en Espagne, pour faire croire qu'il est ailleurs, pour passer inaperçu.

Mais sur la piste, il se bat comme un taureau. "J'ai toujours aimé lutter... mais je n'aime pas perdre", affirme-t-il.

Avec ce tempérament, ajouté au succès et à la pluie de contrats publicitaires, le jeune homme au regard ombrageux mais timide qui avait débarqué en 2003 dans le paddock, semblant ne pas y croire, est devenu un véritable "pro", conscient de sa valeur sportive et financière.

Réponses calibrées en conférences de presse, pas un mot qui dépasse, il peut se montrer hautain, voire désagréable, si l'entretien est moins officiel.

Avec environ 12 millions d'euros annuels, il est le deuxième sportif espagnol le mieux payé, derrière Gasol. Mais deuxième n'est pas un mot qui entre dans le vocabulaire d'Alonso.