SINGAPOUR - Vilipendé en 2008 et 2009, quand il enchaînait les performances atones au volant d'une Renault poussive, Fernando Alonso, qui a remporté dimanche à Singapour son quatrième Grand Prix de Formule 1 de la saison, renaît chez Ferrari.

Le double champion du monde 2005 et 2006, qui a manqué le tour du chapeau pour un point en 2007 -la rivalité exacerbée avec Lewis Hamilton chez McLaren leur avait coûté à tous deux la couronne- est en passe d'effacer deux années de disette. De doute.

Deux saisons insupportables pour lui. Intolérables pour ses supporteurs. Indignes du premier pilote à avoir brisé à la régulière l'hégémonie de Michael Schumacher. Son bilan d'alors ferait presque sourire. Quatre podiums pour deux petites victoires, dont l'une fortement contestée, précisément à Singapour.

En 2008, son coéquipier Nelson Piquet Jr s'était volontairement accidenté sur le circuit de la ville-Etat, à la demande du patron de Renault F1 Flavio Briatore et du directeur de l'écurie, Pat Symonds. Premier bénéficiaire du crash, Alonso prétend n'en avoir jamais rien su.

Une version qui fait s'étrangler les neuf dixièmes du paddock. Mais que l'intéressé a toujours maintenue mordicus de peur de voir sa légende s'écailler et sa carrière se briser. À raison.

Quand le scandale a éclaté en 2009, Briatore a d'abord été suspendu à vie par la Fédération internationale de l'automobile, avant d'être absous par la justice française, puis de négocier avec la même FIA sa mise à l'écart jusqu'à 2012. Alonso, lui, est passé entre les gouttes.

Il a même bénéficié d'une promotion, en quittant durant l'intersaison Renault pour rejoindre Ferrari. Avec une substantielle revalorisation salariale -il serait payé 25 millions d'euros par an, selon la presse espagnole- à la clé. Et surtout, en réalisant le rêve de tout pilote.

Talentueux et fougueux, à l'occasion badin, l'Ibère avait a priori tout pour plaire à la Scuderia. Il s'y est de fait imposé. D'abord en se faisant apprécier par la famille Ferrari. Ensuite en mettant son coéquipier Felipe Massa sous l'éteignoir. Enfin en gagnant des courses.

"À mon meilleur niveau"

Son premier GP en rouge, en mars à Bahreïn, accouche d'une victoire. Les attentes deviennent d'emblée énormes. Mais la monoplace au cheval cabré manque de jus, quand les Red Bull hyperprotéinées et les excellentes McLaren cavalent en tête.

Les neuf courses suivantes virent au calvaire: à peine deux podiums, pour autant d'abandons, 47 points de retard sur Hamilton, alors leader, à l'aurée d'Hockenhheim. La frustration est de mise. Les tifosi commencent à douter.

Mais Alonso gagne en Allemagne. Finit 2e en Hongrie. Abandonne à Spa (Belgique), son seul accroc pour l'instant dans sa deuxième partie de saison. Puis il s'impose coup sur coup à Monza et Singapour.

À quatre courses de la fin, l'Espagnol ne compte plus que 11 points de retard sur le leader Mark Webber. Une broutille quand une victoire en vaut 25. Une peccadille quand, comme lui, on a remporté trois des cinq dernières épreuves.

Alonso ne se laisse pourtant pas griser. "Nous sommes cinq pilotes (Mark Webber et Sebastian Vettel (Red Bull), Lewis Hamilton et Jenson Button (McLaren) et lui, ndlr) à nous battre pour le titre. Chacun à environ 20% de chances d'être sacré, Mark peut-être un peu plus", observe-t-il.

Et l'Espagnol d'ajouter : "Je suis à mon meilleur niveau. Il est bon que cela arrive maintenant. Les années précédentes, il m'est parfois arrivé d'être stressé, fatigué, en septembre. Mais là, j'ai l'impression que le Championnat vient de commencer." Ses adversaires sont prévenus.