Montréal vit au rythme de la Formule Un cette semaine et en tant que pilote automobile, je dois dire que cette série m'allume lorsque les courses sont bonnes. Je suis moins intéressé toutefois quand les écarts de temps en piste sont énormes.

Mais cette année, la Formule Un m'accroche avec ce qui se passe au sein de l'écurie Mercedes entre Nico Rosberg et son coéquipier Lewis Hamilton. On les laisse se battre pour la victoire. C'est qui me permet de garder un intérêt pour les courses. Il n'y a pas de stratégie d'équipe et tout le monde est gagnant en fin de compte.

Dans le fond, la seule stratégie est de ne pas sortir son coéquipier en l'envoyant dans le décor. Je suis impressionné de voir que l'équipe les laisse faire. J'ai hâte de voir Rosberg et Hamilton sur le circuit Gilles-Villeneuve en fin de semaine. Montréal pourrait donner lieu à un spectacle de haut niveau. Plus tôt dans la saison, on a assisté à une course incroyable au Bahreïn entre quatre ou cinq équipes. C'était vraiment de belles bagarres et ç’a été l'une des plus belles courses que j'ai vues depuis des années. Montréal pourrait nous offrir le même type de spectacle.

Je suis heureux de constater que l'on devrait annoncer bientôt le renouvellement du contrat pour le retour de la F1 à Montréal. Cette course est vraiment une immense vitrine pour la ville et pour tout le Québec. C'est la seule épreuve de F1 au Canada. Montréal est en vitrine sur toute la planète pendant quelques heures et ça vaut beaucoup. Avec les images de la ville, on peut mettre Montréal en valeur partout sur la terre et au plan touristique, ça ne peut qu'être bénéfique. Dans ce sens, je pense qu'il est difficile de quantifier les retombées économiques.

Je sais que les gouvernements mettent la main à la poche pour assurer l'avenir de l'événement et je ne pense pas que ce soit trop cher payé pour jouer au niveau du tourisme mondial. De toute façon, il n'y a pas d'autre événement à Montréal qui a une aussi grande visibilité.

Les connaisseurs de la course automobile apprécient beaucoup Montréal, qui année après année offre un grand spectacle. Je trouve que Montréal donne une belle image à la F1.

Les voitures de la série Indycar que j'ai pilotées ressemblaient aux bolides qui vont faire du bruit sur l'île Notre-Dame en fin de semaine. Au plan physique, les voitures Indycar étaient plus difficiles à piloter. Quand je conduisais, on avait une force de moteur d'environ 950, ce qui était hyper puissant. Je pense que c'est à ce moment-là que le Indycar s'est rapproché le plus près de la F1 en terme de performance. Aujourd'hui toutefois, je dirais que la F1 est plus avancée que le Indycar au niveau technologique.

Il faut avouer qu'il n'y a aucune série qui a des budgets comparables à ceux de la F1. D'ailleurs, je crains que ces budgets énormes fassent mal à la F1 éventuellement. Un jour, la disparité entre les écuries sera trop grande et le spectacle va en souffrir. Dans la série Nascar par exemple, on arrive à équilibrer les budgets des équipes, ce qui assure une meilleure chance de victoire chez plusieurs pilotes.

Ça ne faisait pas partie de mes rêves

Contrairement à plusieurs coureurs automobiles, je n'ai jamais caressé le rêve de devenir pilote de F1. J'ai déjà rêvé de faire des essais dans ces bolides, mais pas d'être de toutes les courses. J'ai toujours préféré courir en Amérique du Nord. L'Europe ne faisait pas partie de mes ambitions. Je sais que c'est plutôt rare de voir un pilote ne pas rêver à la F1, mais j'étais bien chez moi et c'est ici que je voulais courir.

Le monde de la course automobile contemporain n'est pas un monde accessible à tous. Les élus sont rares. De plus, il est difficile pour les pilotes canadiens de sortir du lot et obtenir une chance dans les grandes séries. Depuis l'instauration de la loi contre le tabac, la donne a changé. Il faut des millions en investissements pour qu'un jeune parvienne à gravir les échelons qui vont le mener à un palier supérieur.

Les coûts de développement sont faramineux et avant qu'un pilote ne devienne connu, il est difficile de décrocher des commandites. Ça demande donc quelqu'un qui a beaucoup d'argent à investir pour faire monter un pilote. Les considérations financières font en sorte que de très bons pilotes n'arriveront jamais au sommet contrairement à d'autres qui viennent de familles riches. Je dirais toutefois qu'un pilote de grand talent peut arriver à sortir du lot pour obtenir sa chance. En Nascar, le pilote Kyle Larson ne vient pas d'une famille fortunée et il a gravi les marches de la course automobile très rapidement, et ce, sans commandite.

Des gars comme Kyle Larson qui partent de rien sont plus rares. De nos jours, pour monter, il faut avoir une fortune ou un nom déjà bien ancré dans le monde de la course. Aux États-Unis par exemple, porter le nom d'Andretti risque d'ouvrir des portes plus facilement que pour d'autres. Chez nous, Jacques Villeneuve a été aidé parce que son père lui a ouvert la porte. Il est bien conscient de cet héritage paternel, quoique Jacques a un très grand talent.

Dover comme les rues de Montréal

L'épreuve de la série Sprint de Dover en Nascar a été interrompue en fin de semaine en raison d'un nid de poule sur la piste. Fort heureusement, ce n'est pas le genre d'incident qui se produit souvent. C'était arrivé à Martinsville il y a plusieurs années. Généralement les circuits sont en très bon état. Jamie McMurray a joué de malchance lors de la dernière course. En situation de course, un nid de poule est excessivement dangereux. Si McMurray avait frappé le morceau de béton, les dégâts auraient pu être immenses.

Deux fois dans ma carrière en Indycar, les pilotes ont refusé de participer à une course en raison du degré de dangerosité de la piste. La première fois à Milwaukee parce que les organisateurs avaient voulu remplacer un muret de béton qui venait de se faire détruire par une plaque d'acier. Les pilotes avaient jugé que si un gars frappait le mur avant la plaque, il risquait de voir sa voiture être coupée en deux par la plaque.

L'autre fois, c'est arrivé sur un ovale au Texas. Les vitesses étaient folles et les pilotes après quelques tours, risquaient de perdre conscience en raison de la force centrifuge dans les virages. Après une dizaine de tours, on tirait 7,6 G, ce qui était énorme. Tony Kanaan avait failli avoir un accident. C'est ce qui avait sonné l'alarme. L'événement avait finalement été annulé.

*propos recueillis par Robert Latendresse