MELBOURNE - Son solide coup de volant a permis à Lewis Hamilton de transformer un coup d'audace en coup de force: le premier pilote noir de F1 sera dimanche au départ du GP d'Australie à bord d'une McLaren-Mercedes aux côtés du double champion du monde Fernando Alonso.

Vendredi, après sa première journée officielle de pilote de F1, Hamilton ne boudait pas sa joie. "C'est un jour fantastique... C'était génial de sortir du garage, puis de la ligne des stands... Un jour de rêve", raconte-t-il des étoiles dans les yeux. Des étoiles qui ne l'ont pas ébloui puisqu'il a été crédité du 3e temps des deux séance cumulées, à près d'une demi-seconde du meilleur chrono du jour signé par Felipe Massa (Ferrari), mais 2/10 de seconde devant le champion en titre, son coéquipier Alonso.

S'il débute en F1 à 21 ans dans l'une des deux plus prestigieuses écuries du plateau, ce n'est pas par hasard: ce moment où il s'élancera pour son premier GP au volant d'une Flèche d'argent, il l'a provoqué lorsqu'il n'avait que 10 ans !

Culot

Alors qu'il participait à un dîner de gala organisé par un magazine spécialisé et récompensant les meilleurs pilotes de l'année 1995, il prit son culot à deux mains, alla voir le patron de McLaren, Ron Dennis, et lui déclara sa flamme pour son écurie.

C'est qu'il avait vu son idole Ayrton Senna s'illustrer au volant d'une McLaren. "Je devais avoir six ans et j'ai regardé un Grand Prix de Formule 1 avec mon père. Senna était en fond de grille et il a tout remonté. Je me suis alors dit: +C'est ça que je veux faire+". Il arbore d'ailleurs un casque jaune orné de bandes bleu marine et verte rappelant celui du légendaire Brésilien.

Quant à Ron Dennis, il ne devait plus lâcher des yeux ce diamant brut pour le voir se façonner rapidement une taille de joyau.

Champion 2005 de F3 Euroseries, Hamilton gravit une marche l'année suivante pour participer au Championnat GP2 qu'il remporta brillamment en ponctuant la saison de plusieurs manoeuvres d'anthologie.

Résultat des courses: en plus du titre, Hamilton se fit une place au soleil.

Mais ce soleil, en la personne de Fernando Alonso, pourrait bien lui brûler les ailes. Car l'Espagnol, qui n'a jamais que trois ans et demi de plus que lui, a déjà deux titres mondiaux, l'expérience du vieux briscard et la férocité d'un lion.

"Détruire sa confiance"

"La première personne à qui vous vous comparez, c'est votre équipier, souligne David Coulthard, lui-même ancien pilote McLaren. Si Lewis a du mal, par rapport à Alonso, cela pourrait détruire sa confiance."

"Je pense qu'Hamilton sera rapide. Il voudra gagner des courses et concourir pour le titre mondial. Mais cela va être assez difficile", a encore prévenu son compatriote Jenson Button, qui est arrivé en F1 comme Hamilton avec ce statut d'espoir du sport auto britannique, mais qui a dû attendre son 113e GP avant d'en remporter un.

La pression sur les épaules d'Hamilton est d'autant plus grande que, contrairement à tous les jeunes pilotes il n'est pas passé par la case "pilote d'essai", se retrouvant immédiatement projeté en GP au volant d'un bolide frappé du numéro 2.

"Je comprends que Lewis ait une envie immense de concourir, mais il aurait été mieux armé pour résister à la pression si on lui avait offert le bénéfice de l'expérience", estime Coulthard.

Hamilton, que l'on a vu traverser le paddock en grande discussion avec Massa, mesure le pas de géant qu'il vient d'accomplir en entrant dans le tout petit monde de la F1. "Par rapport au GP2, la F1 est plus intense physiquement et mentalement, souligne-t-il. Techniquement, il y a tellement à apprendre ! J'ai 20 boutons sur le volant dont il faut se rappeler la fonction, il faut apprendre à utiliser l'antipatinage."