RDS DIFFUSERA À 19 H UN DOCUMENTAIRE DE LA SÉRIE 25 ANS D'ÉMOTIONS SUR L'HISTOIRE DE GREG MOORE INTITULÉ LE DRAPEAU NOIR.

Greg Moore demeurera toujours une énigme.

Sur ce qu’il a été, sur ce qu’il serait devenu.

Lorsque le pilote de la Colombie-Britannique est apparu dans le monde du sport automobile au début des années 90, il était un OVNI. Un pilote de monoplace qui vient de l’Ouest canadien? Qui ne s’intéresse pas à la F1? Est-ce possible?

Le drapeau noir : 2e partie

Les pilotes de course canadiens, on les voyait grandir en Formule Ford puis en Formule 2000 sur les pistes du Québec : Mont-Tremblant, Trois-Rivières, Circuit Gilles-Villeneuve. Et même Granby, Sanair et Saint-Félicien. Ou en Ontario sur les pistes de Mosport ou de Shannonville.

On a évidemment vu grandir tous les pilotes québécois, mais aussi les Ontariens Paul Tracy et Scott Goodyear.

Greg Moore, on l’a vu passer dans nos parages en Formule Ford en 1991. Puis il est reparti vers l’Ouest, où il a remporté la série de Formule 2000 en 1992.

Avec le soutien financier de son paternel Ric, il passe en 1993 à l’Indy Lights, la série de soutien de la série CART. Il termine 9e du championnat.

Il poursuit la saison suivante et débute en fanfare avec une victoire lors de la course d’ouverture à Phoenix. Il devient à 18 ans le plus jeune pilote à remporter une course sanctionnée par CART. Il termine 3e au championnat.

Le drapeau noir : 3e partie

Moore a prouvé son talent et mérite l’appel qu’il reçoit de Gerry Forsythe, qui possède une écurie de course commanditée par le cigarettier canadien Player’s.

La suite est limpide : il domine la série Indy Lights en 1995, puis accède à la série CART en 1996, toujours avec Forsythe/Player’s qui aligne une Reynard à moteur Mercedes.

(Aparté : en faisant abstraction du débat sur la cigarette, qu’elle était belle l’époque où une compagnie canadienne s’impliquait dans le sport automobile. À noter à cet effet les efforts actuels en provenance du Mexique avec Telmex et du Brésil avec Banco do Brasil.)

Moore remporte sa première victoire en série CART en 1997 à Milwaukee, et devient alors le plus jeune vainqueur de la série (22 ans). Une autre victoire à Detroit l’amène à la 7e place au classement.

La saison 1998 se termine avec deux victoires et une 5e place au classement. L’écurie Forsythe/Player’s compte maintenant une deuxième voiture, pour Patrick Carpentier.

Mais la saison 1999 n’est pas terrible, malgré une victoire lors de la première course à Homestead. Le moteur Mercedes de l’écurie souffre de la comparaison avec celui de Honda et de Ford, qui monopolisent les 9 premières positions au classement final (Moore étant 10e). De plus, la fiabilité n’est pas au rendez-vous, avec sept abandons sur bris mécanique.

Greg MooreDéraisonnable

Puis arrive la dernière course de la saison, sur le super ovale de Fontana.

C’est Scott Pruett qui signe la position de tête, au volant de sa Reynard à moteur Toyota. Qui développe 950 ch.

Sa vitesse moyenne sur un tour : 378,826 km/h. Oui, vous avez bien lu : 378,826 km/h entre des murets de ciment. Déraisonnable, non?

La fin de semaine débute mal pour Moore. Il se blesse à une main dans un accident de scooter dans le paddock et rate les qualifications. Malgré une main enflée et entourée d’un bandage, pas question de rater la course.

Il prend le départ de la dernière place, gagne rapidement plusieurs positions, mais perd le contrôle de sa voiture dans un virage (probablement par manque d’appuis aérodynamiques dans le sillage de la voiture devant lui) et part dans un dérapage qui l’amène vers l’intérieur du circuit.

Au même endroit où Richie Hearn avait tapé quelques tours plus tôt. Hearn avait glissé sur le gazon avant de frapper le muret de ciment sur le côté de sa voiture. Et s’en était sorti indemne.

Moore a eu moins de chance. Sa voiture a décollé sur une voie d’accès traversant le gazon et s’est mise de côté, ce qui a fait que l’habitacle a frappé le mur de ciment. Le pilote n’a pu survivre à la violence du choc.

Évidemment, c’est par la suite que la partie intérieure du circuit a été asphaltée. Une évidence car la friction des pneus en glissade sur une telle surface ralentit la voiture, tout en faisant disparaître tout risque de tonneau.

Et c’est en 2002 que vont apparaître les barrières absorbantes SAFER.

L’avenir nous l’aurait dit

J’ai parlé plus tôt des difficultés du moteur Mercedes, qui avait fait les beaux jours de l’écurie Penske dans les années 90.

Mais on connaît le dicton : « si vous ne pouvez les battre, joignez-vous à eux ».

Pour la saison 2000, la formidable écurie Penske allait passer au moteur Honda.

Avec comme pilote… Greg Moore. Arrivé en fin de contrat chez Forsythe, il avait naturellement envie de disposer enfin d’une bonne voiture. D’où sa signature avec Penske à l’été 1999.

Que serait-il advenu?

On peut légitimement penser que Moore, qui n’avait alors que 24 ans, aurait eu l’occasion d’accumuler victoires et titres, en se basant sur les résultats des pilotes Penske au début des années 2000.

Gil de Ferran a été couronné champion en 2000 et 2001, avant de remporter les 500 Milles d’Indianapolis en 2003. Helio Castroneves (qui a hérité du volant de Moore) a remporté à trois reprises les 500 Milles d’Indianapolis (2001, 2002, 2009).

Moore aurait fait au moins aussi bien dans un tel environnement.

L’avis éclairé de Dario Franchitti, quadruple champion IndyCar et trois fois vainqueur à Indianapolis : « Nous savons tous à quel point il était bon sur les ovales; il n’y avait personne de meilleur. J’ai affronté beaucoup de pilotes sur beaucoup d’ovales et je n’ai jamais vu quelqu’un qui pouvait accomplir ce qu’il faisait. Dans une classe à part. Il était dominant. Et il était aussi un très bon pilote sur circuit routier ».

Le drapeau noir : 4e partie

En Formule Un?

L’aurait-on vu un jour en Formule Un? Je ne me souviens pas de l’avoir entendu mentionner un quelconque intérêt envers cette discipline. Même si par la suite ont circulé quelques rumeurs (McLaren via Mercedes, ou BAR via Player’s).

Je pense qu’il se projetait plutôt vers une deuxième carrière en NASCAR.

Élan coupé

Seulement cinq victoires en quatre saisons malgré son immense talent, fauché à l’aube d’une nouvelle étape de sa carrière qui s’annonçait fructueuse, Greg Moore nous rappelle que le sport automobile s’est montré cruel envers les pilotes canadiens.

Le drapeau noir : 5e partie

Gilles Villeneuve méritait un meilleur palmarès que six victoires en quatre saisons et quelques courses. D’ailleurs l’année 1982 aurait dû être celle de son (premier) titre, car il disposait alors d’une Ferrari très performante.

Sur un plan local, comment oublier le Sherbrookois Bertrand Fabi, qui allait disputer en 1986 une saison de Formule 3 en Grande-Bretagne au sein de West Surrey Racing, l’écurie qui avait fait triompher Ayrton Senna en 1983. Il est décédé lors d’une séance d’essais présaison, à l’âge de 24 ans, alors que tous lui prédisaient un brillant avenir.

Et ces disparitions sont d’autant plus tristes que tous les trois étaient de chics types.