Le sort du pilote de F1 Jules Bianchi, dont le décès a été annoncé vendredi soir après un coma de plusieurs mois, est d'une très grande tristesse.

Aussi téméraires soient-ils, les pilotes sont conscients des risques inhérents à leur travail.

Les risques d'accident font peur aux pilotes, qui sont toutefois mués par l'adrénaline. Il y avait deux choses qui me faisaient peur quand j'étais en piste et qui pouvaient me donner des cauchemars. D'abord de mourir en piste dans un accident et d'être coincé dans une voiture en flammes.

À mon époque, pour me protéger j'avais contracté une police d'assurance, mais ça coûtait cher. C'était un moyen que j'avais trouvé pour protéger ma famille au cas où. Ça pouvait me coûter jusqu'à 50 000 dollars par année, mais j'avais le sentiment que s'il m'arrivait quelque chose en piste, je n'allais pas laisser tout le fardeau à ma famille. Ça me rassurait.

Se payer une telle police n'est toutefois pas à la portée de tous les pilotes. Avec un tel montant, c'est réservé à ceux qui ont la chance de toucher un bon salaire et je peux vous garantir qu'il n'y a pas beaucoup de pilotes dans les cercles du sport automobile qui peuvent se le permettre. J'ai été chanceux d'atteindre un niveau élevé de la course, qui me permettait de le faire parce qu'il faut savoir que les assurances sont la responsabilité des pilotes et non des écuries. Les écuries me faisaient signer une décharge de responsabilité rendant nulle toute possibilité de poursuite en cas d'accident.

Être pilote automobile est certes un métier dangereux, mais il est parfois plus périlleux de simplement marcher sur un trottoir. Dans les circonstances, vous avez deux choix. Soit vous restez chez vous où vous pouvez être quand même victime d'un accident ou vous faites ce que vous aimez. Vous comprendrez donc qu'il est difficile de débattre de la question.

Je ne souhaite pas que mes enfants s'orientent vers le sport automobile, car comme parent, je serais inquiet, mais d'un autre côté, si je les protège trop, il va arriver quelque chose d'autre ailleurs. C'est délicat bien sûr, mais il y a des sports extrêmes qui dépassent l'entendement à mon avis. Les risques font simplement partie de la vie.

Bianchi était sur un circuit de F1 lors de son accident et il est payé cher pour piloter à ce niveau. J'estime que le risque en vaut la chandelle et c'est d'ailleurs pour cette raison que je me suis retiré, parce que le risque ne valait plus le coup.

Michael Schumacher représente un paradoxe vraiment particulier. Lui, sept fois champion du monde de F1, subit sa blessure la plus grave en faisant du ski. Comme quoi, un accident peut arriver n'importe où.

Les gars de F1 courent des risques, mais ironiquement, ils ont les meilleures équipes médicales à leur portée. Dès qu'un accident se produit, ça ne prend que quelques secondes avant d'avoir un médecin. Dans le fond, on ne sait jamais ce qui peut se produire et qu'en fin de compte, c'est qu'une question de chance. C'est pour cette raison que je trouve difficile d'affirmer que la course automobile est dangereuse.

Les pilotes sont menés par l'adrénaline, mais il faut être intelligent en piste. Si on regarde froidement les statistiques, le nombre de morts est très très faibles en F1 par rapport au nombre de courses au fil des ans.

Il y a peu de temps, Austin Dillon en Nascar est sorti indemne d'un accident spectaculaire. Ce pilote a été béni des dieux. Si sa voiture avait frappé la clôture du côté du capot plutôt que sous le véhicule, ça aurait été catastrophique. Disons qu'il a eu un Mulligan! Parfois, des accidents bêtes et aucunement spectaculaires font des victimes.

Je me souviens d'avoir vécu la mort de mon ami Greg Moore, décédé en piste à Fontana en 1999. Comme cette course était la dernière de la saison, j'ai passé de longs mois à ruminer l'accident. Je me demandais comment je me comporterais en piste quand la saison recommencerait. J'avais connu un hiver de révolte, mais de retour en piste, les choses s'étaient bien passées.

Si Greg n'était pas mort en piste, je ne sais pas si j'aurais éventuellement laissé tomber l'IRL en 2005. J'avais des enfants, j'avais perdu un ami et j'en suis venu à la conclusion que c'en était assez pour moi.

Après le décès de Greg, je me suis remis en question et je me suis demandé si ça valait la peine de continuer. On touchait un salaire exorbitant à l'époque et tu reviens à la raison en te disant que c'est ton travail et que tu dois continuer. Ma femme Anick ne m'a jamais demandé d'arrêter. Elle m'appuyait parce qu'elle savait que j'aimais la course et la même chose quand j'ai décidé de cesser parce qu'elle a compris que je commençais à être tanné.

Les amateurs de courses se souviennent du duel entre René Arnoux et Gilles Villeneuve dans les derniers tours du Grand Prix de France en 1979. Villeneuve prenait tellement de risques qu'il en a payé de sa vie. Il y a d'autres circonstances où des pilotes auraient pu se blesser et où ce n'est pas arrivé. Je me dis fatalement que si ton heure est venue, il n'y a pas grand-chose à faire qu'importe ce que vous faites dans la vie. C'est le destin. Pour Bianchi, on aurait dit que tous les ingrédients étaient réunis pour que ça arrive. La remorque était là pour dégager une voiture quand il a fallu qu'il fasse une sortie de piste précisément au même moment.

Kyle Busch remonte au classement

Kyle Busch a signé une deuxième victoire cette saison depuis son retour d'une fracture à une jambe qui l'a empêché de commencer la saison comme les autres. Il a deux victoires en sept départs et je ne suis pas convaincu qu'il aurait eu du succès s'il avait été en piste depuis le début parce que l'écurie Joe Gibbs avait des ennuis lors des premières épreuves.

Ce n'est que depuis les dernières courses que Joe Gibbs est compétitif. Je pense que la motivation est plus grande en ce moment. La seule chose qui m'agace chez Kyle Busch, c'est son manque de constance et selon ses moyennes de l'an dernier, il ne ferait pas la Chase malgré ses victoires si la saison prenait fin aujourd'hui.

Je pense que son accident l'a rendu plus mature, ce qui devrait lui permettre de se tailler une place pour la Chase. On le sent nettement plus calme et je le sens plus agressif. On le voit qu'il se bat en piste et ça donne de bonnes courses.

Il a beau avoir des victoires à son palmarès, il doit terminer dans le top-30 pour aller en Chase. Actuellement, il y a 87 points qui le séparent de la 30e place.

Outre la règle de la victoire, Nascar exige que le pilote soit parmi les 30 premiers pour aller en Chase et Busch a eu un traitement de faveur en raison de sa fracture parce qu'une absence de quelques courses vous exclut d'une participation aux éliminatoires. La règle des 30 premiers est pour empêcher qu'une équipe arrive en fin de saison et se qualifie avec une seule victoire sans avoir participé à un nombre minimal de courses.

Busch a sa victoire en poche, mais il doit grimper au moins jusqu'en 30e place, ce qui devrait se produire s'il continue à engranger des points comme il le fait depuis son retour.

Le cirque du Nascar pose ses pénates au New Hampshire en fin de semaine. J'ai le feeling que Kyle Larson pourrait causer la surprise. Chip Ganassi Racing a eu des ennuis cette saison, mais Loudon pourrait lui sourire.

Nascar tente de trouver les bons règlements pour améliorer le spectacle. C'est pour cette raison qu'on modifie les règles concernant l'aérodynamisme. D'ailleurs, le week-end dernier on a assisté à un nombre record de dépassements.

Nascar ne peut pas se permettre de voter un règlement et de vivre avec toute une saison s'il n'est pas bon. La direction préfère donc effectuer des tests pendant les courses et s'ajuster en cours de route pour trouver ce qu'il y a de mieux pour le spectacle.

*propos recueillis par Robert Latendresse