Le monde du sport ne cessera jamais de nous étonner, mes amis. La semaine dernière, avec les responsables du site RDS, nous avions planifié que notre première chronique de la saison se ferait jeudi de cette semaine, deux jours après la fin de la Coupe de Monde et surtout, quelques heures après le déclenchement de l'arrêt des activités dans la Ligue nationale.

Mais voilà que notre Jacques Villeneuve national vient de bousculer les choses et finalement, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve donc une journée plus tôt que prévu, dans un contexte qui, avouons-le, apporte une bouffée d'air frais sur le monde de la F1.

Cela dit, posons d'abord la question qui reviendra sans cesse au cours des prochaines heures: pourquoi faire un retour en F1 chez une écurie en apparence aussi modeste quand on a déjà été champion du monde? Et dans la même veine, pourquoi Sauber s'offre-t-elle les services d'un Jacques Villeneuve alors qu'elle semble plutôt taillée sur mesure pour les jeunes espoirs?

Regardons tout d'abord du point de vue du pilote. Il est certain, au départ, que le temps était devenu un facteur qui jouait contre Villeneuve. La situation de Button ne sera pas résolue avant au moins le mois d'octobre et il n'y avait rien de moins sûr qu'il puisse trouver une niche chez BAR ou chez Williams. De toute façon, dans les deux cas, c'eut été par défaut, un contexte pas idéal pour lui. S'il voulait garantir son retour en F1, avec un minimum de sérieux et de crédibilité, il n'avait pas vraiment le choix de sauter sur la seule offre ferme qui était sur la table.

Mais pourquoi alors ne pas rester sagement à la maison, à profiter de la vie et d'une richesse considérable plutôt que de rouler en milieu de peloton? La volonté de courir, quasiment à tout prix, voilà pourquoi! Villeneuve a été on ne peut plus clair sur le sérieux de sa démarche au cours de son année "sabbatique". Il a répété, à chaque fois qu'il en avait l'occasion, qu'il maintenait une forme rigoureuse dans le seul but d'effectuer un retour à temps complet en F1. Peter Sauber lui a offert d'atteindre son but; Villeneuve ne pouvait tout simplement pas dire non.

Bon, dans quelle galère notre ami Jacques s'embarque-t-il, demanderez-vous? Reverrons-nous les mêmes résultats ténébreux que l'an passé chez BAR? Honnêtement, je crois bien que non.

L'équipe Sauber, loin d'être risible dans le passé, semble prête à progresser davantage. En ayant annoncé cette semaine la reconduction de son accord de fourniture de moteur avec Ferrari (Villeneuve attendait certainement celle-ci avant d'apposer son nom au bas du contrat), elle s'assure d'une continuité fort importante à un aspect clé de la F1.

Mais c'est surtout grâce à sa toute nouvelle soufflerie qu'elle compte se rapprocher des BAR, Williams, Renault et McLaren et s'éloigner davantage du fond de grille. En service depuis quelques mois, cette soufflerie a déjà permis aux ingénieurs de Sauber de faire évoluer la voiture sur le plan aérodynamique et les résultats sont clairs et nets. Giancarlo Fisichella a marqué des points au cours de 4 des 5 derniers Grands Prix alors que son jeune coéquipier Felipe Massa terminait 4e en Belgique.

En regardant le portrait encore plus loin, il est indéniable que la plate-forme Sauber est plus que convenable pour montrer ce dont on est capable. Giancarlo Fisichella a pleinement profité de la vitrine offerte par l'écurie suisse pour faire monter sa valeur et obtenir, en bout de ligne, une offre alléchante de Renault. Même si Villeneuve est un peu plus âgé, rien ne l'empêche de profiter de la même chance.

Enfin, et ne nous leurrons pas, entrer chez Sauber c'est aussi entrer dans le grand jardin de Ferrari! Quoi qu'en disent les principaux intéressés, le canal de communication est parfaitement ouvert entre les deux écuries et je suis convaincu que Ferrari a au moins un oeil intéressé sur la venue de Villeneuve chez Sauber.

Et pour l'écurie suisse?

Du point de vue de Peter Sauber, il y avait finalement deux options diamétralement opposée. Il y avait celle de Villeneuve, bien sûr, ou celle de la jeunesse via Vitantonio Liuzzi, champion dominant de F3000 cette saison et porte-couleur émérite de la filière Red Bull, l'un des commanditaires majeurs de Sauber. Pourquoi donc Peter Sauber a-t-il choisi Villeneuve plutôt que le jeune italien?

Probablement pour deux raisons. Premièrement, il y a Felipe Massa, qui est encore sous contrat pour l'an prochain. Ce dernier est encore tout jeune à 23 ans à peine. Plein de potentiel mais brouillon à ses heures, surtout incapable de ramener des points quand ils sont sur la table, Massa n'a pas ce qu'il faut pour mener l'équipe avec un coéquipier encore moins expérimenté que lui. Or, Sauber peut prétendre marquer des points sur une base régulière avec le système plus généreux que l'on connaît. Et ces points, comme vous le savez, sont très payants!

Un peu plus flou, dans l'échiquier, il y a le spectre de Ferrari. Avec le fait que Raïkkonen, Montoya, Fisichella, Alonso, Webber et Button soient tous casés à moyen terme, la "Scuderia" n'a-t-elle pas en Villeneuve une ressource rassurante si Michael Schumacher décidait qu'il en avait assez?

Quoi qu'il en soit, le retour de Villeneuve se veut, globalement, une excellente nouvelle. Qu'on le veuille ou non, il a drôlement manqué au monde de la F1 cette saison. Sa présence lors des trois dernières courses de la saison va sortir la F1 d'une torpeur inévitable et elle va créé un intérêt médiatique indéniable au plan mondial.

Et sa présence assurée au moins pour les deux prochaines années, va rebâtir ce lien privilégié entre le Québec et la F1, lien que plusieurs ne croyaient pas si fort, jusqu'à ce que Villeneuve s'absente pour un an. En tout cas, nous serons un peu plus nombreux à veiller jusqu'à deux heures du matin, dans une dizaine de jours...