À l'issue de son derner combat disputé au Centre Paul-Sauvé le 13 octobre 1986, Maurice "Mad Dog" Vachon avait déclaré: "J'ai tout fait en 40 ans de carrière pour me faire haïr. Je constate ce soir que j'ai échoué lamentablement, à la suite du vibrant hommage que m'ont rendu les quelque 4 000 spectateurs présents." Maurice répétera les mêmes paroles lors de son intronisation au Temple de la renommée des sports du Québec cette semaine devant une salle comble au Casino de Montréal.

Maurice a peut-être livré son dernier combat dans le ring, mais il lutte toujours pour gagner son match le plus ultime, soit celui de sa survie. Car "Mad Dog" ne l'a pas eu facile depuis le terrible accident survenu il y a 22 ans, soit à l'automne de 1987 à DesMoines en Iowa."

"Mad Dog" prenait sa marche de santé quotidienne, quand il fut happé par un chauffard ivre", de raconter Michel Longtin, agent, gérant, conseiller et ami de longue date de l'ancien lutteur. "Il fut hospitalisé et opéré souffrant de fractures aux deux jambes. Puis le 16 octobre, les médecins procédèrent à l'amputation de sa jambe droite. Maurice ne s'en est jamais remis. Il se déplace en fauteuil roulant et à 80 ans, il lutte maintenant pour éviter l'amputation de sa jambe gauche paralysée. On a bien raison de dire que l'avenir est à ceux qui luttent, mais pas nécessairement dans l'arène", de poursuivre Michel.

De bons souvenirs

"Mad Dog" a un bon moral malgré tout, mais ses admirateurs ont été en mesure de constater, lors de son passage chez Menick, le barbier des Sportifs, qu'il n'était plus l'homme qui a fait frémir ses adversaires pendant des lunes à ses meilleurs jours. C'est malgré tout avec la satisfaction du devoir accompli que Maurice parle de son illustre carrière. "Lors de mon dernier combat au Centre Paul-Sauvé, je luttais en équipe avec Jos Leduc, aujourd'hui décédé, contre "Man Mountain" Moore et Gilles "The Fish" Poisson. Wladek Kowalski était l'arbitre. Après le match, j'ai décidé que le temps était venu d'accrocher. J'ai livré 13 000 combats. J'ai gagné une médaille d'or aux Jeux de l'Empire en 1950 en Angleterre et fini septième aux Jeux olympiques. J'avais alors battu le champion de l'Inde, son nom m'échappe, en 22 secondes."

" Même si j'ai été choyé au Québec, le fait reste que j'ai dû m'expatrier pour me faire un nom. C'est en effet à Portland ,en Oregon, en 1962 que ma carrière a vraiment pris son envol, quand le promoteur Don Owens m'a baptisé "Mad Dog". C'est à compter de ce jour que j'ai commencé à faire de l'argent. Kowalski est le lutteur le plus rude que j'ai affronté. Un vrai chien enragé. En une occasion, il a tenté de m'arracher une oreille, comme il l'avait fait à Yukon Eric au Forum, lors d'un match historique. Don Leo Jonathan était le plus fort. Dommage aujourd'hui que Jonathan se déplace en fauteuil roulant, après avoir été blessé au dos par feu le Géant Ferré. C'est bien triste", de se rappeler Maurice.

Un retour royal au Québec

"Mad Dog" est revenu au Québec le 21 novembre 1987 pour y subir d'autres traitements. Il a été reçu comme un roi. "J'étais heureux comme un roi de revenir au bercail" dit-il. Il fut accueilli à sa descente de l'avion par le ministre de l'Énergie du temps, Marcel Masse, le vice-président de Pétro Canada, Gaston Beauregard et le député Vincent Della Noce. Du bon monde. Le ministre Masse avait d'ailleurs expliqué que c'est à sa demande que Pétro-Canada avait fait transporter le célèbre malade par vol nolisé spécial à Montréal, dans un geste humanitaire et par reconnaissance pour cet ex-médaillé d'or aux Jeux de l'Empire en 1950. Lors de cette visite au Québec, Vachon dit avoir recu 40 000 lettres ou cartes d'encouragement. À un tel point qu'il aurait pu tapisser les murs de son appartement.

Le premier ministre Mulroney lui avait également téléphoné pour lui transmettre ses voeux de prompt rétablissement. Du bon monde. Maurice a ensuite fait un séjour au Centre Lucie-Bruneau, où il a appris à marcher avec sa nouvelle prothèse. C'est d'ailleurs à ce centre que Vachon a passé la présente semaine.

Maurice a intenté une poursuite judiciaire contre l'hôpital et les médecins qui n'avaient pu déceler à temps l'infection qui le rongeait, ce qui devait nécessiter l'amputation. Un bon matin, l'agence de presse américaine, Associated Press, confirmait dans une dépêche provenant d'Iowa City, que l'ancien lutteur Maurice "Mad Dog" Vachon intentait une poursuite contre l'État de l'Iowa, accusant les médecins et responsables, qui l'avaient soigné à l'hôpital de l'Université de l'Iowa, de grossière négligence et d'erreur médicale Le montant de la poursuite n'a pas été dévoilé, mais l'ancien p'tit gars de Ville Emard, affirme ne pas avoir obtenu gain de cause. "Je n'ai jamais touché une "cenne" de cette poursuite. Les médecins et les autres personnes concernées dans cette histoire, ont raconté des "menteries" et ont fait front commun pour se protéger. Je n'avais aucune chance" dit-il.

Du "Show business" aujourd'hui

Pour revenir au sport du matelas, "Mad Dog" reconnait que les temps ont changé et regrette que la lutte soit disparue, ou presque, au Québec. "Les lutteurs d'aujourd'hui sont deux fois plus gros et plus agiles que les anciens. Les gens veulent de l'action. La finesse et les prises scientifriques comme la clef japonaise, les clefs de bras, la prise du sommeil, etc...etc... sont chose du passé. Plus que jamais, c'est du "show-business", du spectacle. Si Hulk Hogan estdevenu aussi populaire et la coqueluche des amateurs, surtout des jeunes, c'est qu'il a su bénéficier d'un marketing extraordinaire et d'une organisation fantastique comme la WWF dans son temps" d'expliquer "Mad Dog". Les moins jeunes se souviendront que Hogan avait fait ses débuts au stade Exchange, angle Iberville et Mont-Royal au temps où l'abattoir de Montréal occupait le site ou l'on retrouve aujourd'hui le "Journal de Montréal".

C'est un honneur bien mérité qu'à reçu Maurice "Mad Dog" Vachon cette semaine.

Mieux vaut tard que jamais, mais dans son cas, il était temps.