Le veston du marathon de Boston restera sur la table durant toute l’entrevue.

Souriante, Karine Martin, 36 ans, vient de traverser le pire.

Originaire de Saguenay, elle suivra Éric, celui avec qui elle partage sa vie depuis 16 ans, jusqu’à Saskatoon pour son travail comme ingénieur en mécanique. Une opportunité qui lui permet de parfaire son anglais. Infirmière, elle constate que les gens ne marchent pas là-bas, ils courent. Elle emboîte le pas. « Je me retrouvais souvent seule. Courir me faisait sortir de la maison », explique celle qui excellait au primaire dans le cross-country.

Karine Martin 2Tranquillement, l’idée d’un marathon germe dans son esprit. En juin 2014, elle brise la glace. Elle participe en solitaire au marathon de Saguenay, sa ville natale. Une personne l’avise que ça faisait 13 ans qu’une femme l’avait couru! Elle termine 3e  au classement général avec 3 h 41.

Quelques mois plus tard, elle récidive à Montréal. On lui parle alors de Boston. Elle dispose du potentiel pour obtenir sa qualification. Or, en décembre, elle apprend qu’elle donnera naissance à Thomas, qui suit Jérémy, 5 ans.

En 2016, elle rebondit avec Ottawa, 3 h 34 et Montréal, 3 h 29. Elle ira à Boston grâce à ce dernier score. Sous l’égide de Karl Hébert, elle vise 3 h 15-20 sauf que…..

Le 1er avril, au retour d’une visite à la cabane à sucre, le couple est victime d’un carambolage. La voiture est une perte totale. Karine souffre de contusions thoraciques et d’une entorse cervicale. Elle va courir Boston mais avec un sac de glace dans le cou, tellement elle ressent de la douleur. À mi-parcours, elle éteint sa montre et termine pour le plaisir en 3 h 57.

Elle s’est présentée à Boston sans aucun traitement de physiothérapie.

Quelques jours plus tard, elle éprouve des ennuis à avaler du pain. Elle croit qu’il s’agit d’une conséquence de l’accident. Dans l’attente d’un médecin de famille depuis quatre ans, elle en obtient un en juillet. Immédiatement, elle prend rendez-vous. Les examens révèlent un ulcère et une sténose. Au retour d’un périple dans son patelin, elle ne cesse de vomir.

Elle passera une semaine à l’hôpital pour sortir uniquement lors de l’anniversaire de son petit bonhomme! Le 6 septembre, elle reçoit un appel de l’hôpital. On veut la voir. Le lendemain, elle dépose ses enfants à la garderie et avec Éric, elle se rend chez le médecin pour apprendre qu’elle souffre d’un cancer de l’œsophage. Le choc est terrible.

En quittant le bureau, elle entend l’infirmière dire à une autre : « Regarde, c’est une marathonienne », car elle portait sa veste du marathon de Montréal.

« Vais-je mourir », se questionne-t-elle. Une vie sans malbouffe, ni boisson, trop jeune, un sentiment de révolte l’englobe. Même si son moral est éprouvé, elle part au combat. Avec un cancer de stade 3, elle reçoit un premier traitement de chimiothérapie le 27 septembre et se retrouve sur un protocole de recherche de ce cancer opérable à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Oui, car dans la majorité de ces cancers, il n’y a rien à faire. Elle devra affronter 3 traitements de chimiothérapie, 25 de radiothérapie et une chirurgie qui s’échelonnera sur neuf heures. La Dr Denise Ouellette lui retire la moitié de l’estomac et 10 cm de l’œsophage.

Elle admet avoir couru durant ses traitements, histoire de canaliser ses peurs, ses craintes. Éric lui a même acheté un tapis roulant. Elle a repris le collier le 1er juin dernier.

Karine Martin 3« Je veux retourner à Boston pour 2020. Je vais y parvenir. J’ai toujours été optimiste à travers cette maladie. Quand j’ai su que je souffrais d’un cancer, j’en ai parlé à mon père car je savais qu’il pouvait l’encaisser. Je suis comme lui. »

Karine n’a jamais fait garder ses enfants pour courir. Quand elle court, elle les embarque dans une poussette et vole la galère!

« Si le cancer doit revenir, il réapparaîtra d’ici trois ans. Sinon, je serai complètement guérie. Je ne dois pas y penser, le moins souvent. » Et c’est à ce moment que les larmes ont surgi.

Elle fait parfois des cauchemars. Son cancer revient. « Mes enfants me font oublier la maladie. J’estime que je suis à 75 % de ma condition physique. Mon ancien corps me manque », elle qui pouvait courir jusqu’à 115 km par semaine!

Elle a participé au Relais pour la vie et ce geste s’intègrera dans la coutume au cours des prochaines années. Ébranlée, secouée, elle garde la tête hors de l’eau et n’a pas l’intention de capituler.

Elle vaincra. Elle a promis de courir à nouveau Boston!

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