J'étais en train de crever !
Plus vendredi, 31 août 2018. 19:47 jeudi, 12 déc. 2024. 16:33Elle n’avait dit mot que déjà, je la trouvais courageuse.
Une histoire à glacer le sang. Tout sourire, Anaïs Gauthier est apparue au centre commercial Place Laurier à Québec en provenance de Saint-Georges-de-Beauce, là où elle est née, là où elle vit.
Elle vient tout juste de sonner ses 23 ans (le 19 juillet). Sa mésaventure débute alors qu’elle a 17 ans. Elle connaissait des gens qui couraient. Alors, pourquoi ne pas embarquer dans ce sport dans l’espoir de compenser dans la nourriture ?
Elle ignorait tout de sa personnalité. Envahie graduellement par le goût de maigrir, le plaisir n’aura jamais vraiment eu la chance de se pointer le bout du nez.
« J’essayais un sport pour la première fois dans ma vie. J’adorais me retrouver avec moi-même mais sournoisement, je développais une maladie sans m’en apercevoir », raconte celle qui a réussi récemment à faire son mea culpa sur les réseaux sociaux, pour mieux chasser les démons, on imagine.
« Je courais entre 40 et 50km par semaine et je ne mangeais pas assez. Je ne compensais pas. Dès que j’abusais dans la nourriture, je partais courir. Non, voilà une étape de ma vie qu’il me faudra définitivement oublier. »
Pourtant, elle reconnaît qu’elle a goûté aux plaisirs et sensations que procure cette discipline, qu’elle s’est liée d’amitié avec des gens de cœur, pour reprendre ses mots. Elle se dit fière de ses réalisations telles ces trois demis marathons. Les membres de son cercle de coureurs se taisaient mais ils devaient voir que ça n’allait pas chez Anaïs.
« Je n’ai jamais pu atteindre mon poids santé », affirme celle qui mesure 5’8. Avant d’amorcer la course à pied, elle pesait 120lb et quand elle a atteint le fond du baril, elle avait maigri de 22lbs ! « Je ne me voyais pas comme ça. Je ne retirais que du positif à courir. Cela me permettait d’oublier certaines choses. J’allais même m’intégrer dans un programme pour vivre un marathon ! »
Or, en octobre 2017, tout a basculé. Elle parle du décès de sa grand-mère et du diagnostic rendu par les médecins qui confirment ses problèmes de santé. Troubles anxieux reliés à l’anorexie, la voilà coincée. « Je me détruisais à petit feu. Mes parents me le disaient mais je me choquais. Ma dose d’endorphine m’aidait à traverser ma zone d’inconfort mais je m’enfonçais vers une baisse fatale de mon taux de glycémie. »
Cette technicienne en laboratoire a dû prendre une pause. Cela lui a permis de suivre une thérapie, le programme PITCA, ce qui à son avis, lui a sauvé la vie ! « Je ne peux pas tenir la course à pied comme responsable de ce qui m’est arrivée. Elle n’a fait qu’amplifier la situation car je souffrais bien avant. La course est devenue un moyen compensatoire. J’ai dû faire mon deuil de ce sport car il m’est impossible d’y revenir. »
Pour le moment, elle marche et roule en vélo. « Je dois toujours me raisonner, me parler pour éviter de sombrer dans l’excès. Je dois rester aux aguets et prudente. »
Froidement, elle parle rapidement de problèmes survenus durant son enfance pour expliquer son anorexie et change de sujet. « Si je ne me ressaisissais pas, je me dirigeais tout droit vers la mort car avant d’entreprendre ma thérapie, je devenais essoufflée après seulement dix minutes de marche. J’étais réellement en train de crever. »
Elle voit maintenant l’avenir avec confiance. À l’écouter parler, jamais on ne pourrait croire qu’elle a frôlé la mort. Déterminée, elle sait qu’elle doit toujours être encadrée, un aspect vital pour son bien-être. Elle souligne la confiance qu’elle a obtenue de la part de son père et de son copain, Kevin Loignon qui ont toujours eu de l’espoir.
« Lorsque j’ai dévoilé publiquement ma maladie, je ne croyais pas que mes amis coureurs allaient ressentir plein d’empathie. J’ai reçu beaucoup d’encouragement et de beaux témoignages car je ne t’apprendrai rien en te disant que l’on parle d’une maladie taboue »
Au moment de notre rencontre, Anaïs avait engraissé de 20lbs et il lui en fallait encore entre 10 et 15lbs pour obtenir son poids idéal.
Au terme de notre entretien, elle tenait à lancer ce message : « La nourriture constitue le carburant de notre corps et sans un apport normal, les problèmes physiques et psychologiques apparaîtront. Je sais qu’il existe présentement des gens comme moi car ce n’est pas écrit sur leur front. Si ce témoignage peut aider une seule personne, je serai tellement heureuse. »
Quand nous lui avons demandé si elle avait l’intention d’avoir des enfants, elle a répondu avec le sourire : « Je vais commencer par bien me nourrir avant de songer à nourrir un enfant. »
D’ici dix, quinze ou vingt ans, il se pourrait qu’elle revienne à la course à pied mais cette fois-ci, uniquement le plaisir sera au rendez-vous !