« Je ne suis pas du genre à me confier. Il y a des gens qui me connaissent et qui vont sûrement découvrir plusieurs aspects de ma vie en prenant connaissance de ce texte. »

Tel fut le commentaire initial de Jocelyn Ruest, lors de notre entretien au centre Claude-Robillard à Montréal. Catalogué comme étant la référence au Québec pour la marche compétitive, cet athlète de 39 ans impressionne par son parcours en zigzag, ce qui résulte aujourd’hui à une assise des plus confortables.

Né à Edmundston au Nouveau Brunswick, il fut sous la tutelle de sa mère à bas âge en compagnie de son frère jumeau Sylvain. Main dans la main, les deux Jocelyn Ruest #4gamins se sont serrés les coudes pour arriver à des réalisations étonnantes. Peu fortuné, il a dû se débrouiller mais également décliner de nombreuses possibilités d’avancement.

« Nous avons pratiqué plusieurs sports durant notre jeunesse et lorsque nous atteignions une compétition trop onéreuse, nous changions de discipline. » Judo, badminton, cyclisme, tennis et marche, les jumeaux obtiennent régulièrement des performances étincelantes qui les mènent aussi loin que les championnats de leur province et  ceux de l’Atlantique !

Même les échecs et le dessin s’intègrent dans leurs activités et là aussi, ils enchaînent d’excellents résultats. Vers l’âge de 14 ans, il tente sa chance en athlétisme mais termine toujours 2e. Seule la marche lui permettra de récolter les grands honneurs, ce qui constituera son initiation dans ce milieu. Il gagne mais ne s’entraîne pas vraiment sérieusement. À 16 ans, il croise Gordon Mosher, un athlète du coin qui lui confie qu’il dispose du potentiel pour atteindre les provinciaux. En l’espace d’un mois, il termine 2e à l’échelle canadienne. Il délaisse alors tous les autres sports.

Jean-François Pap lui permet de déménager à Montréal. Il étudie alors en secondaire V. Il doit travailler et avec l’aide de quelques bourses, il réussit à payer son loyer. Dans les années qui suivront, il participera à trois jeux de la Francophonie au Niger, au Liban et à Ottawa, aux jeux Pan Am chez les juniors et au championnat canadien. Il se qualifiera à deux coupes du monde mais ne pourra malheureusement s’y présenter, faute d’argent.

Jocelyn Ruest #2Découragé par cette situation, il décide de retourner aux études. Robert Huppé qui est impliqué dans la marche, lui apporte de l’aide financière. Considérant qu’il excellait à l’école, il opte pour l’actuariat. Ses notes  répondent aux exigences mais il se voit mal travailler derrière un bureau. Il modifie son orientation pour devenir enseignant en mathématiques au secondaire. Malgré plusieurs années derrière la cravate, il n’obtient pas sa permanence. En 2016, il doit abandonner les mathématiques pour se doter d’une sécurité  d’emploi mais dans une branche totalement différente, l’éthique et la culture religieuse.

Son immense bagage d’expérience en coaching se veut tout aussi impressionnant. À 14 ans, son frère et lui fondent un club de tennis et préparent plusieurs athlètes pour les provinciaux et les canadiens. À son arrivée à Montréal, il manque de temps. En 2009, il créé sa propre compagnie de coaching spécialisée en cardio vasculaire. C’est à partir de ce moment qu’il se mettra au monde. Particulièrement ce hasard, cette rencontre avec deux arbitres de soccer féminin qu’il prendra sous son aile. Marie-Josée Charbonneau et Suzanne Morissette progresseront rapidement dans leur domaine jusqu’à une participation à la finale des Jeux Olympiques de Séoul. Le nom de Jocelyn se met à circuler partout.

Dès 2017, il se concentre à la marche et prépare Denis Laflamme pour le championnat mondial chez les vétérans. Alors qu’il veut mettre sur pied sa propre compagnie, un ami lui conseille de communiquer avec Jean-Yves Cloutier des Vainqueurs. Ce dernier l’accueille les bras ouverts

« Depuis ce moment, la demande a explosé. Le besoin existait. » Par conséquent, de nombreux records québécois ont été établis par ses athlètes, particulièrement chez les masters. Puis, Marcel Jobin a décidé de se joindre aux Vainqueurs et le regroupement est devenu le plus imposant au Canada, selon les dires de Jocelyn.

Actuellement, il prépare une vingtaine de marcheurs pour le championnat mondial de 2020 à Toronto et croit que la récolte pourrait s’avérer magistrale. Jocelyn a aussi assuré sa participation sur la piste, lui qui marche environ 70km par semaine actuellement. Même la relève commence à se pointer tranquillement à l’horizon, ce qui est de bon augure.

Et Simona, cette belle roumaine dans tout cela, a-t-elle le temps de le voir ?  « J’avoue que ce n’est pas facile car je n’arrête jamais. Cependant, je peux te garantir que j’ai toujours transformé ma productivité d’athlète dans la vie de tous les jours. Je prépare à l’avance mes engagements et habituellement, je ne suis jamais pris au dépourvu. »

Lié avec les Courses Thématiques depuis peu, il envisage l’avenir de la marche sportive avec dynamisme. Celui qui jadis, a déjà réalisé 1h32 pour un 20km de Jocelyn Ruest #3marche, savait qu’il valait davantage mais n’a jamais pu exploiter son grand talent, faute d’appui financier. Aujourd’hui, avec ses nombreux atouts, on sent qu’il ne veut pas que cette histoire se répète et  il prendra les moyens pour propulser ses athlètes là où ils méritent de se retrouver.