Karl Hébert dort trois heures par jour!
En forme mardi, 2 juil. 2019. 15:15 vendredi, 15 nov. 2024. 07:59Il déplace de l’air. Un rendez-vous pris au téléphone me dictait déjà la première recommandation à lui faire au début de l’entrevue.
Dès mon entrée dans ses appartements, je lui ai conseillé de me parler lentement afin que je puisse prendre correctement mes notes. Après ses deux premières phrases, il revenait à son rythme accéléré, enchaînant des rafales de mots sans prendre le temps de respirer. Je vous le confirme, Karl Hébert détient un excellent cardio ! Heureusement, il se connaît bien.
D’entrée de jeu, il m’informe qu’il sait que des gens tentent de salir sa réputation. Il ne comprend pas car il dit vouloir les aider et n’accepte aucunement ceux qui détruisent les faibles. « J’adore les gens et je suis généreux de mon temps. Les jaloux, ils ne me connaissent pas. Je ne patauge pas dans ce milieu pour détruire les autres » me précise ce verbomoteur.
Il gesticulait sans cesse. À maintes reprises, il se levait de sa chaise pour m’expliquer les étapes de sa vie, pour mettre de l’emphase sur les sujets importants. « Je comprends que ma façon de faire ne peut plaire à tous et que ce ne sont pas tous les coureurs qui peuvent y adhérer. Toutefois, jamais je vais abaisser les autres car je considère que l’entraide doit primer dans la philosophie de faire ».
Karl Hébert, c’est Team Hébert et le fameux Yesssssir !
Je voulais découvrir le personnage. Né à Montréal le 24 février 1966, il a une sœur, Anouk. Son père Richard, 75 ans fut un homme d’affaires qui a même fait de la politique contre René Lévesque ! À 15 ans, Benoit Leduc, son professeur en éducation physique, remarque son talent et lui propose de faire davantage de l'athlétisme. Sauf que Karl ne sent pas son père derrière lui. « Il ne m’encourageait pas de sorte que je n'ai jamais accepté la proposition de Benoit. »
À 21 ans, il prend la direction de la Californie pour apprendre l’anglais. L’ami de sa tante qu’il considère pratiquement comme un 2e père, l’inspire. Celui-ci croit que Karl pourrait même faire une carrière aux États-Unis ! Après deux mois, Karl rentre au Québec.
Complexé à cause de sa petite taille, il amorce un entraînement de culturisme à 24 ans. Cette étape durera jusqu’à 46 ans. Il abandonne, écœuré de cette façon de s’entraîner.
Il faut savoir qu’il souffre d’un TDAH, de sorte qu’il ne dort que trois heures par nuit ! « Moi, je vais mourir à 105 ans ! Aujourd’hui, c’est comme si j’avais vécu 85 ans, tellement que je suis toujours éveillé. Durant ma jeunesse, je tentais de réveiller mes amis la nuit afin qu’ils m’accompagnent ! Mon cerveau tourne continuellement et ça n’arrête jamais. Honnêtement, j’en étourdis plusieurs. »
À 47 ans, Johanne, la femme de sa vie, remarque qu’il mange énormément de la crème glacée et que s’il continue à ce rythme, on ne le reconnaîtra plus d’ici peu ! Déjà, il présentait un surplus de poids, lui qui n’a jamais été tellement gras. Il se lève d’un bond de sa chaise pour me montrer une photo de son ventre en me disant : « Regarde le sumo ! » Il décide alors de courir et en peu de temps, il parvient à obtenir d’excellents chronos.
Johanne, enseignante, partage la vie de Karl depuis huit ans. Pour approfondir le sujet, Karl prend le temps de respirer, de s’appuyer le dos sur sa chaise, tout en regardant vers le plafond. « Johanne a changé ma vie. Elle constitue tout le contraire de moi. Elle voulait une personne différente, un gars coloré ». Disons qu’elle est admirablement bien servie !
Avec 16 marathons à son actif, son meilleur temps est de 2h49 réalisé à Boston à 49 ans. « Je n’aime pas parler de mes résultats. Je ne suis pas à l’aise avec cette facette. J’ai fait des efforts et j’ai obtenu de bonnes performances. »
Karl a travaillé pendant dix ans pour une compagnie dans l’entretien ménager. Il constatait que les dirigeants n’aidaient pas les employés, particulièrement les petites madames qui l’entouraient.
Lors de sa participation au marathon de Montréal en 2015, il est victime d’un ACV. Il rencontre un neurologue et un cardiologue. Ce dernier lui conseille de prendre une pause de la course à pied. Karl lui indique que d’ici quelques semaines, il va courir au marathon de Toronto. Tout se déroule admirablement bien. Convaincu que la nervosité s’avère le grand responsable de cet incident, il consulte à nouveau son neurologue qui lui dira qu’il a bien fait de courir à Toronto !
En arrêt de travail, il en profite pour délaisser son boulot, incapable de vivre l’injustice qui se déroule devant ses yeux. Invité sur le blog de Mat Run, il impressionne par son aisance et parvient à convaincre des coureurs de se joindre à lui. Team Hébert va naître officiellement en octobre 2016.
Écoeuré de l'entraînement sur piste, il adhère au tapis roulant où lui vient l'idée de lancer son groupe. Son grand ami Jean l’Espérance sera l'un des premiers à l'appuyer et à joindre son projet. Aujourd’hui, Team Hébert rassemble 70 membres. L’esprit de camaraderie règne parmi eux. « J’organise le party de Noël dans mon 5 et demie avec une quarantaine d’invités ! Je suis disponible 24 heures sur 24. Les seuls moments où je ne répondrai pas rapidement à un message c’est lorsque je cours ou que je me retrouve au cinéma avec Johanne. Même dans la nuit, je vais répondre ».
Hébert est au service de ses coureurs comme il aimerait que son coach le soit s’il en avait un.
Au 19e kilomètre du demi de Montréal en 2017, il subit une fracture et une déchirure. Après deux interventions chirurgicales, il n’a pas le choix d’arrêter de courir. « J’entendais les gens murmurer que je ne reviendrais pas, que je retrouverais mon embonpoint d’antan. J’ai alors dit à Johanne : Surveille-moi bien, je vais leur démontrer tout le contraire ! »
Ainsi, 2019 marque son retour. « Je me devais de prêcher par l’exemple car dans mon club, je veux des coureurs qui veulent s’améliorer. Si tu as l’intention de faire Boston et que je considère que tu disposes du potentiel, je vais t’y amener. » En 2020, 17 coureurs de Team Hébert prendront part à ce mythique moment.
« Je sais que je suis en mesure d’entrer dans l’esprit des gens, de leur donner la confiance qu’ils doivent bénéficier pour arriver à concrétiser leur rêve. Oui j’ai du caractère et oui, je prends de la place mais je sais où je m’en vais. Comme me souligne souvent Alex Castonguay : Le Team Hébert, c’est la familia !
Karl défend ses opinions. « Je ne suis pas hypocrite. Je suis une personne qui veut gagner sa vie en aidant les gens à la course à pied. Je fais ma petite affaire et ma petite vie avec Johanne. Je suis fier de mes réalisations. Maintenant, parle de moi en bien ou en mal, ça ne me dérange plus. Je regarde vers l’avant, »
Le sosie de l’acteur hollywoodien Jason Statham se prépare à abaisser son record personnel au marathon de Toronto à l’automne prochain. La nutritionniste Mélanie Mantha et son massothérapeute Martin Brissette feront en sorte de bien le préparer.
Comme dernière question, je lui ai demandé s’il lui arrivait d’être fatigué ? « Jamais mais parfois, je m’endors au cinéma avec Johanne ! »