Joan Roch est très certainement l’ultramarathonien le plus connu du Québec. Son périple à la course entre Percé et le sommet du Mont Royal en août dernier a marqué l’imaginaire avec plus de 1 100 kilomètres au compteur en une quinzaine de jours seulement.

 

Le 24 mars dernier, Roch a publié son second bouquin, Ultra-ordinaire 2 : Odyssée d’un coureur, la suite directe de Journal d’un coureur. S’il y a des livres qui nous enseignent à courir, celui-ci est d’avantage un voyage dans le cœur et l’âme de cet être à l’âme sauvage qui ne craint rien de plus que la routine et l’ennui.Joan Roch 1 Doté d’une plume à la fois belle et inspirante, le coureur de longue distance n’hésite pas à nous partager ses pensées et réflexions au détour des récits de certaines de ses plus belles courses et rencontres personnelles et amoureuses. Un incontournable pour quiconque aime la course à pied et souhaite plonger dans la tête d’un de nos plus grands coureurs.

 

J’ai eu le grand plaisir de m’entretenir avec Joan Roch.

 

Joan, parle-moi d’abord de ce livre, Ultra-ordinaire 2 : Odyssée d’un coureur. Bien des gens pensent qu’il ne s’agit que du récit de ton périple de l’été dernier entre Percé à Montréal. Mais c’est loin d’être le cas. Tu te livres beaucoup et n’hésite pas à aborder des sujets personnels, comme ton amour pour Anne Genest, une passionnée de la course. Un amour qui s’est formé autour de la course à pied!

 

Je trouvais cela essentiel car si je ne faisais que parler de mon périple ça aurait été un peu réducteur. Je voulais plutôt raconter tout le parcours que j’ai vécu, principalement l’arrêt de la course, entre mon premier et mon second livre. C’était le point de départ de l’idée d’un deuxième livre. Car dans mon premier j’expliquais que je courais comme ce n’était pas possible et là voilà que j’arrêtais de courir, ce qui est tout de même ironique. Alors lorsque j’ai fini par comprendre comment parler de l’arrêt de la course, je me suis lancé.

 

C’est un sujet rarement abordé, celui de l’abandon, dans le monde du sport n’est-ce pas?

 

Je crois que oui. L’arrêt ou l’abandon est un sujet tabou. On a du mal à en parler. Donc lorsque j’ai commencé à le faire, j’ai vu que j’obtenais beaucoup de commentaires positifs sur ce sujet et que je n’étais pas le seul, évidemment, à abandonner. Ça touchait une corde sensible. Je trouvais donc intéressant de parler de l’arrêt de ma course puis de ma reprise.  Je devais expliquer ce qui s’était passé entre les deux livres. Je traite également des changements dans ma vie sportive et personnelle. J’ai vécu une rupture puis ma rencontre avec Anne qui me soutient à fond et participe à mes aventures. Il fallait que j’en parle car tout cela est indissociable et ne serait pas arrivé si j’étais resté dans mon couple précédent ou si j’étais tombé sur quelqu’un qui ne partageait pas ma passion à ce point-là!

 

Que remarqueront les lecteurs ayant déjà lu ton premier livre (Journal d’un coureur) il y a cinq ans après la lecture du second bouquin? Jusqu’à quel point découvriront-ils un homme différent?

 

Je dirais que j’ai progressé. Mon approche dans mon premier livre était plus désinvolte du point de vue de la course à pied. Je continue dans cette même veine puisque je raconte mon périple entre Percé et Montréal, un défi dans lequel je me suis lancé sans trop réfléchir pour cause de pandémie et d’annulation à droite Joan Roch 2et à gauche. J’avais très peu de préparation et de plans puisque les plans que je fais en général tournent mal (rire). J’avais déjà touché beaucoup à cette improvisation-là dans le premier livre, mais je vais encore plus loin dans ce nouvel ouvrage. Même que d’une certaine manière, l’enseignement qu’on peut tirer de ce nouveau livre c’est que lorsqu’on essaie de trop prévoir on est souvent déçu et on ne vit pas de grandes choses! Alors que lorsqu’on ne prévoit rien, on se lance dans l’inconnu et moi j’adore ça. 

 

Justement, je t’avais parlé quelques jours avant ton départ pour la Gaspésie l’été dernier. Tu étais encore plein d’incertitudes sur ton trajet vers le Mont Royal. Cela te plait de ne pas savoir ce qui risque de se passer? 

 

Oui! Plutôt que d’avoir peur de ce qui pourrait arriver, j’accueille ce qui va arriver avec enthousiasme. Si je fais ce genre d’aventures, ce n’est certainement pas pour qu’il ne m’arrive rien. J’aime être surpris! Et j’avoue que je n’ai pas été déçu lors de cette longue course. Ni dans les cinq ans qui ont séparé la publication de mes deux livres d’ailleurs. Il m’est arrivé plein de choses en cours de route, comme ma séparation, la pandémie, l’arrêt de la course et une infection bactérienne.  Tout cela rend l’histoire pour le livre encore plus intéressante.

 

C’est bien beau courir et prendre de belles photos, mais encore faut-il ensuite s’assoir et écrire un livre. Comment s’est passée la rédaction? Sentais-tu une certaine pression de livrer rapidement tes histoires et de profiter de la publicité entourant ta course Percé-Montréal?

 

C’est un gigantesque concours de circonstance. J’ai signé le contrat pour le deuxième livre en décembre 2019. À l’époque, il n’y avait pas de pandémie et j’avais toujours le projet de faire trois ultras dans l’ouest américain à l’été 2020. C’était déjà prévu que je parle de mon arrêt de la course à pied et de ma reprise. J’avais comme plan de terminer le livre avec le récit de mes trois ultras. Mais lorsque les frontières ont été fermées en raison de la pandémie et que les courses ont été annulées, j’ai reçu un coup de téléphone de mon éditrice pour me demander ce que je comptais faire. Je n’ai pas voulu repousser de quelques années la publication car j’ignorais si je serais capable de courir en 2021 ou 2022. Une blessure est si vite arrivée! De plus, j’ignorais si j’aurais l’argent pour refaire ses trois ultras plus tard. Alors j’ai trouvé une solution avec le projet de Percé à Montréal en longeant le fleuve. Je suis donc parti pour Percé en sachant que je devais remettre le manuscrit à la mi-octobre. Cela me laissait deux mois et demi pour écrire l’ensemble du livre. Ce fut un méchant marathon d’écriture!

 

Encore une fois, on retrouve de magnifiques photos dans ton livre. Des photos que tu prends, pour la plupart, toi-même lors de tes courses. Comment fais-tu pour savoir que c’est le bon endroit pour faire une pause et installer ton appareil ou même utiliser un drone!

 

Il y a beaucoup d’essais et d’erreurs! Bien sûr, les photos que je publie sont celles qui sont réussies. Sinon, à force de sortir à tous les jours, matin et soir, j’ai fini par développer des techniques et des habitudes. Je sais à quelle heure le soleil se lève et se couche et à quel moment les ombres vont être intéressantes. L’hiver, la lumière sur et sous la neige est magnifique et je commence à avoir un flair pour deviner les moments où tout est parfait pour de belles photos.  80% des photos du livre sont les miennes. Mais il a fallu trois ans d’efforts et de photographies pour ne finalement sélectionner que les meilleures.

 

Lors d’une rencontre récente, je t’ai demandé quel serait ton prochain défi. Tu m’avais répondu: « traverser un continent à la course ». Tu étais sérieux?

 

C’est sérieux! Je l’évoque dans mon livre. Lorsque j’ai arrêté la course, c’était en partie parce que j’avais peur de la surenchère. Je venais de courir six ultras en quelques mois et je pensais à sérieusement en abandonner quelques’uns là-dedans. Mais, à ma grande surprise, je les ai tous terminés. Je me suis alors sérieusement demandé ce qu’il fallait pour me ralentir ou m’arrêter si courir entre Québec et Montréal, faire le Mont Blanc et la Diagonale des fous ne suffisaient Joan Roch 3pas. Je me suis fait peur. Avec ce livre on voit que cinq ans plus tard, j’ai eu le courage de le faire et en cours de route j’ai découvert que j’adorais ce genre d’épreuves au très long cours. Le défi Percé-Mont Royal je l’ai créé pour moi-même! Maintenant, plutôt que d’avoir peur, je fonce! Je déteste me répéter, alors je ne vais pas refaire Percé-Mont Royal  à tous les ans. J’aime découvrir de nouvelles choses dans l’environnement, mais à mon sujet également. Logiquement si je veux passer de mille kilomètres à autre chose alors je dois faire quelques milliers de kilomètres. Ça veut dire que je dois traverser des continents. C’est la suite logique.

 

Il y aura un troisième livre?

Oui! J’ai déjà réfléchi à la forme. Le premier livre était un assemblage de textes très courts et il y avait déjà beaucoup de photos, mais ça ne se lisait pas comme une histoire du début à la fin. Le deuxième raconte une histoire et le troisième sera encore différent. C’est toujours embryonnaire et je ne peux pas vraiment en parler car ce n’est pas encore très clair dans ma tête. Mais je sais que ce sera une suite avec une approche différente et une mise en page identique comprenant beaucoup de photos. 

 

Ultra-ordinaire 2 : Odyssée d’un coureur. En vente maintenant.

 

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