Il sourit.

 

Fringuant, on le sent en contrôle.

 

L’emblème du Saguenay s’approche de moi. Heureux, comblé, il me parlera de sa passion dans le mail de la Place Laurier à Québec.

 

Michel Voyer ne fait pas son âge. Alerte à 71 ans, je l’envie. Un total impressionnant de 152 marathons au compteur et 20 ultras, on sent toute sa fierté et avec raison.

 

Pourtant, j’ai devant moi un ex-gros fumeur, un gars de l’Alcan qui a donné 32 ans de sa vie à cette entreprise où il a adoré son travail. Il subit un examen médical routinier à l’usine. Ce qu’on lui dira changera sa perception. À 34 ans, il regrettera le cadeau de son beau-père qui lui avait offert des cigarettes à un certain moment de sa vie.

 

« Mon frère Jean-Paul possédait une vieille paire d’espadrilles et c’est comme ça que je suis parti ». Laborieux de faire disparaître les vieux vices qu’il disposait. De peine et de misère, il parviendra à courir 5km. « C’était le plus beau cadeau au monde que l’on pouvait m’offrir. J’étais tellement content. »

 

Patrick Monturo, un pionnier du Saguenay l’incitera à courir son premier marathon. « Je le voyais régulièrement courir devant chez moi. » Celui qui est né le 6 janvier 1948 devait composer avec un horaire de travail varié. « Quand je travaillais la nuit, je pouvais courir le jour », rappelle celui qui arborait la chevelure longue, fan d’Elvis Presley à une certaine époque.

 

À son premier marathon, il fait 3h17 en 1984 et sept ans plus tard, il obtiendra son meilleur temps à vie, 2h54 au tour de l’Île d’Orléans.

 

Marié à Andréna Gagnon, ils ont célébré leur 50e anniversaire de vie commune en juillet dernier. « Je l’ai connue à 18 ans. Elle a couru pendant 25 ans. Elle avait commencé sans m’en parler. Elle a participé à six marathons », dit-il avec fierté.

 

Toutefois, après avoir célébré son 150e marathon, Michel vivra une terrible catastrophe. Son fils, Michel jr., un ex-membre de l’armée, sera retrouvé mort, assis devant son ordinateur suite à une crise cardiaque. Il aurait eu 43 ans le 24 février, le jour de ses funérailles. « J’ai dû modifier mon entraînement pour seconder mon épouse. Elle avait besoin de ma présence. Heureusement que j’avais la course à pied pour traverser cette épreuve. J’ai du abandonner les marathons pendant deux ans », admet Michel, qui pour la première fois, présente un faciès sérieux.

 

Mais son sourire renaîtra rapidement lorsqu’il sera question de sa fille Sandra, 49 ans, qui réside à Waterloo en Ontario, la maman de Mickaël, 19 ans, qui ne court pas, trop passionné par ses études.

 

Michel se souvient qu’après son premier marathon, il pleurait comme une Madeleine tellement les émotions étaient fortes. « La course à pied, c’est mon ADN », tranche-t-il avec conviction. Son 50e marathon a été couru dans les Adirondacks, le 100e à Arvida et le 150e en 2017 à Chicoutimi. « Ma force, c’est l’endurance », poursuit celui qui a eu le privilège de courir avec Phil Latulippe.

 

À 71 ans, il a obtenu un 4h30 il y a quelques semaines à Québec. « Ça fait 37 ans que je cours et je suis encore nerveux avant un marathon. »

 

Michel a couru Boston à dix reprises dont le 100e anniversaire en 1996. Son unique blessure sérieuse est survenue en 2004, une hernie discale qui l’a obligé à arrêter pendant six mois. Même encore aujourd’hui, il doit jouer de prudence. Il a abandonné un seul marathon au cours de sa carrière, celui de Neuville en 2014.

 

Il estime avoir parcouru une distance de 145,000 km depuis ses débuts dont 2870 km cette année au moment où nous avons réalisé l’entrevue. « Je suis végétarien à 75%. Le reste, je me gâte. Je mange beaucoup de fruits. Je peux manger jusqu’à trois bananes par jour ! Le germe de blé joue un rôle important dans mon alimentation. Je suis discipliné à cette échelle et je crois que ma force mentale contribue à cette régularité que j’ai pu conserver. »

 

À la retraite depuis 2006, il rend hommage à son entreprise qui l’a supporté tout au long de sa carrière, dont pour ce fameux championnat du monde en France pour une distance de 100 km. « Je pense que je servais d’exemple chez Alcan et ils ont su le reconnaître. J’en suis très fier. »

 

Il ne se voit pas arrêter de courir. « Tu sais que je suis le seul du vieux gang qui court encore des marathons. » Mais qu’est-ce qu’il fera lorsqu’il prendra cinq heures pour courir un marathon ? À cette question, Michel a regardé vers le ciel, m’a fait un sourire et n’a dit mot !

 

J’avais saisi le message.