Pandémie et santé mentale : ce sentiment de découragement
En forme mercredi, 22 déc. 2021. 08:12 jeudi, 12 déc. 2024. 16:39Ça fait maintenant presque deux ans que nos vies tournent autour de la pandémie de COVID-19. Comment vous sentez-vous? Alors qu'on s'attendait à un retour à la normale (ou presque), le variant Omicron s'invite inconfortablement pour le temps des Fêtes et une nouvelle flambée des cas engendre de nouvelles restrictions et fermetures. La situation est tellement décourageante, et encore plus avec le temps froid, le manque de lumière, l'attente de la 3e dose de vaccination et le climat souvent toxique sur les réseaux sociaux!
Étiez-vous, comme moi, beaucoup plus optimiste et « dans l’action » durant les premiers temps de cette crise? Et maintenant, vous ressentez une immense fatigue de tout ça et vous ne voyez pas le bout?
Bienvenue dans le club! Il semblerait que nous sommes vraiment nombreux dans cet état d'esprit. Ça fait plusieurs mois qu'elle s'est installée, la « pandemic fatigue » est bien réelle. Je vous l’explique à mon tour ici de manière bien terre-à-terre.
Notre capacité de « surtension » est à plat
Ce qui explique pourquoi nous avons beaucoup plus de mal à nous accrocher à quelque chose ces temps-ci est que notre capacité de fonctionner en « surtension » n’arrive plus à fournir. Ce fonctionnement particulier, appelé surge capacity en anglais, est un réflexe vieux comme le monde et très utile en temps de crise. Pour survivre lors d’une catastrophe, nos sens doivent être aiguisés, notre niveau d’énergie doit rester élevé et tous nos réflexes doivent être justes malgré le stress important.
Au début de la pandémie, énormément de choses se sont passées très rapidement : la vie s’est réorganisée à la maison, on a navigué pour faire face à certaines pénuries ou difficultés de se procurer ce dont on avait besoin, on s’est ajusté à mille et une nouvelles réalités… On a même vu des initiatives hors de l’ordinaire et très positives, comme des gens qui sont allés d’eux-mêmes donner un coup de main au système de santé, ou bien des entreprises qui ont changé leur production du jour au lendemain pour fabriquer ce qui manquait collectivement (masques, gel désinfectant, équipements de protection, outils pour les tests, etc.).
Tout ceci s’explique par notre capacité de fonctionner en surtension. Alors qu’on vit une période difficile, nous avons en tant qu'être humain cette habileté à non seulement survivre, mais parfois même à se dépasser. La capacité de surtension consisterait en un ensemble de systèmes adaptatifs, mentaux comme physiques, qui se mettent automatiquement en place dans certaines situations, comme des désastres naturels par exemple.
Mais voici le hic : cet automatisme est fait pour fonctionner à court terme. Les effets les plus aïgus d’un tremblement de terre, par exemple, ne durent que quelques jours à peine. Aucun être humain n’est capable de fonctionner là-dessus à long terme.
Et voilà où on se retrouve présentement. Selon la psychologue Ann Masten, « la pandémie a démontré à la fois tout ce qu’on peut faire sous l’effet de notre fonctionnement en surtension, mais aussi les limites de la capacité de surtension. Quand cette capacité tombe à plat, elle doit être renouvelée ou rechargée. Mais qu’arrive-t-il lorsque ce n’est pas possible de la renouveler parce que la phase d’urgence s’étire et devient chronique? »
La capacité de surtension n’est pas la même pour tous
Personne n’a la même capacité de surtension : certaines personnes vont la « décharger » beaucoup plus vite que d’autres, et certaines personnes, pour X raisons, l’avaient déjà presque épuisée au début de la pandémie. C’est pourquoi on a vu tellement de disparité dans les réactions dans la dernière année, avec des gens qui sombraient dans l’anxiété et la paralysie mentale, tandis que d’autres se lançaient dans des projets qui épuisaient leur entourage juste à y penser. Tout ça est parfaitement normal.
Saviez-vous que les astronautes ayant été pour la première fois sur la Lune avaient été choisis pour une seule et unique raison? Ce n’était pas parce qu’ils étaient incroyablement meilleurs ou plus intelligents que leurs collègues, mais bien simplement parce qu’ils étaient capables de rester complètement calmes et focusés dans l’action en situation de crise. Cette aptitude est un trait de personnalité comme un autre; on peut travailler à l'améliorer, mais à la base, on l’a ou on ne l’a pas. Pas besoin de se sentir mal parce qu’on n’arrive pas à suivre le rythme des autres (ou plutôt ce qu’ils laissent paraître sur les réseaux sociaux) en plein milieu d’une pandémie!
Et petit rappel : CE N’EST PAS UNE COMPÉTITION. Durant un désastre naturel d’ailleurs, il y a toujours deux types de gens : ceux qui au début sont sous le choc et incapables de bouger, puis ceux qui sont déjà en train de trouver des vivres et du matériel de survie. Les deux types ont leurs forces qui sont utiles : ceux qui sont initialement sous le choc, une fois remis, pourront prendre la relève de ceux qui se sont activés au début. Il ne faut pas oublier ça.
Et on fait quoi maintenant?
Comment va-t-on réussir à survivre mentalement face à tout ceci... ENCORE? Il n’existe malheureusement pas de manuel d'instructions pour ça. À tous celles et ceux qui vont moyennement bien et se blâment en se disant « qu’à ce point-ci, ils devraient être rendus habitués », la Dre Masten répond : « mais qu'est-ce qui vous pousse à croire que vous devriez être habitués à ça? Il s’agit vraiment d’une situation qui se produit une seule fois dans une vie. Nos attentes ne sont pas réalistes si on pense qu’on peut continuer à fonctionner très bien à long terme là-dedans… »
Voici quelques pistes de solution provenant du Dr. Michael Maddaus, un éminent médecin devenu dépendant aux narcotiques après avoir subi une suite de chirurgies due à une mauvaise blessure. Maintenant sobre, il donne des conférences sur la motivation, qui traitent beaucoup du concept de « compte de banque de résilience ». Selon lui, la résilience, ou la capacité de se relever face à l’adversité, fonctionne par « dépôts » et par « retraits » dans nos actions quotidiennes, ainsi que notre manière de penser et nos valeurs. Et en règle générale, comme dans un compte de banque, le plus important c'est d’essayer de rester dans le positif.
1. Admettre que la vie a changé
Et que la normalité telle qu’on la définissait avant ne reviendra peut-être plus. Il faut se tenir prêts à vivre des périodes de restrictions où les contacts et activités sont à l'arrêt, et des périodes où la pandémie est moins virulente.
2. Ajuster ses attentes face à soi-même
En gros, en ce moment, la bonne chose à faire est de ne pas s’en mettre trop sur les épaules. Et de réaliser que c’est correct si on est moins capable qu’avant d’accomplir des choses, ou d’avoir plus besoin de pauses et de ressourcement.
3. Reconnaître les différents stades du deuil
Il y en a plusieurs : le déni, la colère, la dépression et l’acceptation. Souvent, ils ne surviennent pas de manière linéaire et ce n’est pas tout le monde qui les vivra tous.
4. Mettre l’accent sur les relations fondamentales
Comme celles avec notre famille, nos amis proches ou notre amoureux(se). En gros, on revient à l’essentiel et on est doux envers soi-même.
Bon courage à toutes et tous!
Auteure : Marie-Ève Laforte pour NoovoMoi