Elle est sourde et c’est comme si elle voyait au travers de deux rouleaux de papier de toilette ! Que cela ne tienne, Virginie Savaria vit normalement…ou presque et ce handicap ne l’empêchera sûrement pas de courir.

Car cette sensation de bien-être que l’on ressent après un entraînement ou une course, elle ne peut plus s’en passer. C’est en présence de sa mère Carole et de son conjoint Alexandre Émond Virginie Savaria#3qui servaient d’interprètes, que j’ai pu réaliser cette entrevue assez spéciale, une première pour moi dans de telles conditions.

Mère de quatre enfants, Zachary, 19 ans, Annabelle, 14 ans et Vincent, 11 ans d’une première union puis de Maximilien, 17 mois avec Alexandre qu’elle a rencontré grâce à la course à pied. Alexandre avait déjà deux enfants lorsqu’il l’a croisée il y a cinq ans, soit Elisabeth, 25 ans et Olivier, 23 ans.

Née à Saint-Hyacinthe, Virginie, 41 ans, travaille à Montréal à titre de fonctionnaire pour l’agence de revenu du Canada. Elle voulait s’améliorer en CrossFit et croyait que la course à pied pouvait l’aider. Elle joint le club de course à pied Titane, qui n’existe plus aujourd’hui. Alexandre l’avait créé et à distance, il a commencé à coacher Virginie. Il faut savoir que Virginie ne conduit pas. Elle voyage via les transports en commun car elle réside à Saint-Jean.

Victime du syndrome d’Usher, elle a subi une opération il y a quelques années et depuis, sa vue reste stable. Toutefois, les gens atteints de ce syndrome se dirigent souvent vers une cécité complète.

Pratiquer la course à pied pour Virginie comprend son lot d’inconvénients. Régulièrement, elle se fait couper par d’autres coureurs, elle trébuche, elle accroche les pieds des autres coureurs, les cyclistes lui crient souvent de se tasser mais elle ne réagit pas puisqu’elle ne les entend pas.

Pour les compétitions, elle porte un chandail qui signale son handicap, tout comme son guide Alexandre. Elle se souvient de cette chute, gracieuseté d’un nid de poule lors d’un 10km. Blessée, elle se relèvera et obtiendra son meilleur temps sur cette distance.

Il y a trois ans, elle s’était inscrite au marathon de Montréal. Malheureusement, elle a dû abandonner à mi-parcours, victime d’une incommodité causée par son nerf sciatique. Ce fut une grande déception à ses yeux et elle promettait qu’un jour, elle allait tenter sa chance de nouveau. Dimanche, elle a participera au marathon de Montréal avec Alexandre.

Quand on la regarde courir, elle semble ivre car elle perd parfois l’équilibre. Voilà ce qui explique sa présence derrière la masse des participants lors d’un événement, question d’éviter des collisions. Virginie Savaria #2Lorsqu’Alexandre la guide, il doit lui tenir le bras, surtout quand il y a beaucoup de coureurs. Pour les courses avec moins de participation, ils se tiennent main dans la main. Ce dernier reconnaît que ces deux situations deviennent épuisantes après un certain moment.

En novembre prochain, elle prendra part au 60km de la course Trans-Montréal planifiée par Alexandre depuis quelques années déjà. Il lui a promis qu’elle disposera du temps qu’elle voudra pour traverser la distance, sinon, il pourrait dormir sur le divan à la maison ! C’est un groupe d’amis qui guideront Virginie dans cet accomplissement.

Elle profite grandement de cette période de l’année car lorsqu’il fait noir à l’extérieur, comme par exemple à l’automne et surtout en hiver, elle doit être sélective dans ses choix de sortie pour les entraînements. Elle ne voit absolument rien à la noirceur. S’il vient de neiger et que c’est le soir, le reflet de la neige avec l’éclairage dans les rues lui permet de pratiquer son hobby.

Souvent, les gens viennent la féliciter pour son courage et sa détermination. Ils veulent lui serrer la main mais Virginie ne s’en aperçoit pas car elle ne les voit tout simplement pas. Elle s’inquiète de ce qu’ils peuvent penser mais ça reste incontrôlable de sa part.

Elle constitue un bel exemple de volonté, la preuve qu’il ne faut pas s’arrêter devant l’adversité pour vivre sa vie à 100%.  Elle a été nommée ambassadrice de la première édition du marathon de Granby, un choix judicieux de la part de Jean Joly et Éric Fleury.