Commençons d'abord par un coup de baguette… sur les doigts du Gounelle.

De ce Groupe A, il avait annoncé qu'il serait pas mal pauvre en buts. Seulement deux matches mais déjà sept buts plus tard, il peut aller ranger sa prédiction. Bien fait!

Sept buts, c'est la première stat' de l'Euro, qui démarre à ce niveau sur de bien meilleures bases que le Mondial 2010. Attendons confirmation, mais c'est assez encourageant.

Encourageant, comme le fait que les quatre équipes du Groupe A aient toutes marqué - non seulement marqué, mais «au cœur du jeu», c'est-à-dire à des moments où le but compte vraiment (à la différence de réduire le score de 0-4 à 1-4 à deux minutes de la fin). Comme quoi, quand ils le veulent…

Autre enseignement intéressant, le «coaching» pro-actif des sélectionneurs. Des décisions prises dès la mi-temps (en particulier dans le cas de la Grèce, avec un déficit lourd à gérer sur les 45 premières minutes) qui ont eu un effet quasi-immédiat sur le jeu, ou des changements résolument offensifs là où la prudence aurait pu être de mise auparavant.

À l'évidence du résultat, la Russie a fait la plus belle impression. C'était un peu attendu. Le groupe possède des automatismes à deux niveaux - noyau de partenaires en club, le Zenit, et expérience en sélection depuis cinq ou six ans. Advocaat a régulièrement dans sa carrière repris des équipes entraînées auparavant par Guus Hiddink: Pays-Bas, Corée, PSV Eindhoven ou Russie… Et a toujours choisi de maintenir l'héritage, la continuité. Pas par paresse ou mesquinerie. Comme Hiddink et beaucoup d'autres (Beenhaker, Liebregts, De Mos, Jol, Adriaanse, Ten Caate ou Van Marwijk), il appartient à cette formidable école d'entraîneurs néerlandais, capables d'analyser automatiquement les forces et faiblesses d'un groupe, d'une équipe et d'agir en conséquence (maximiser les uns, limiter les autres). Comme Hiddink, il est avant tout pragmatique: le résultat est essentiel, il conditionne la vie du groupe, les rapports de l'entraîneur avec ses employeurs, les rapports des joueurs entre eux et avec l'entraîneur. Et c'est dans cette logique qu'il s'inscrit dans les traces d'Hiddink.

Il a apporté d'autres choses, tout de même. Une aisance retrouvée dans les phases de possession, une fluidité dans un jeu qui ne dépend plus uniquement des phases de contre-attaques. Dans ce registre, le «jeu sans ballon» des Russes a été exemplaire. Courses, appels, déploiements, tout a été fait pour étirer, secouer et renverser la défense tchèque. La capacité à trouver le partenaire entre les lignes adverses (donc à trouver l'espace entre ces lignes), la qualité des relais vers l'avant, incisifs, décisifs, est remarquable. Kerzhakov est un attaquant atypique - pas le genre à marquer beaucoup, mais à créer les espaces pour que viennent s'engouffrer les fusées arrivant derrière lui. Un problème constant et insoluble pour la défense tchèque, comme il le sera sans doute pour d'autres défenses.

Sur ce premier match, Arshavin a joué un football comme il ne l'a quasiment jamais fait à Arsenal, comme s'il semblait libéré. Ou peut-être tout simplement à l'aise… Toujours est-il que dans ces dispositions, il peut redevenir le joueur décisif d'il y a quatre ans. Dzagoev confirme en sélection qu'il est effectivement la perle entrevue avec le CSKA Moscou en Ligue des Champions. Son bagage est déjà impressionnant: mouvement, vision, qualité de passe… Et voilà maintenant qu'il s'affirme finisseur (deux buts)!

Et puis il y a cette «salle des machines», le triangle Denisov - Shirokov - Zyrianov au milieu qui tisse, échange, donne l'impulsion, le mouvement vers l'avant. Et qui s'implique! On a régulièrement vu l'un des trois (voire deux) entrer dans les mouvements offensifs russes, utilisant les ouvertures créées par Kerzhakov pour jaillir de l'arrière et gagner l'espace et la position libre.

Ajoutons Pavlyuchenko, dont le rôle comme «deuxième lame» (entré une fois la défense adverse usée par Kerzhakov) est intelligent et efficace. «Efficace», c'est sans doute le mot qui caractérise la Russie sur ce premier match. Et c'est fondamental…

Du match d'ouverture, on gardera sans doute en mémoire les «faits de match», ces événements qui s'invitent dans une rencontre, imprévus et bouleversants. Les deux expulsions - Sokratis pour la Grèce, Szczesny pour la Pologne - , la blessure d'Avraam qui, avec l'expulsion de Sokratis, enlève à la Grèce sa défense centrale. Le penalty manqué par Karagounis - Karagounis, le symbole de cette équipe, l'immuable, le métronome… On retiendra que les Polonais, logiquement plus appliqués vers l'attaque, on sans doute gâché leurs chances en première mi-temps, manquant deux ou trois occasions de solidifier leur avance à 2-0. Et sans doute empêcher un retour grec.

On pourra aussi se demander comment cette équipe n'a pas su continuer à mettre à profit son énorme domination sur son flanc droit (Piszcznek, Blaszczykowski voire Obraniak en meneur excentré) en deuxième mi-temps. On en revient aux deux moments cruciaux de la deuxième mi-temps. L'entrée de Salpingidis, dès la reprise, et terriblement pénible pour les défenseurs polonais. Toujours tourné vers le but, moins «créateur» que Ninis, mais dont l'approche directe a bouleversé la défense polonaise. Preuve, son but «de renard» sur un ballon perdu devant la cage de Szczesny. L'autre moment décisif est bien entendu la faute de Szczesny sur… Salpingidis (pourquoi continuer à jouer une défense haute à ce moment-là, le problème était ailleurs…). Expulsion (il manquera donc le prochain match) et penalty. Sur lequel Tyton fait tout simplement l'arrêt de sa carrière. Pour son importance plus que sur sa qualité, la frappe de Karagounis (franchement en-dessous des attentes sur ce match) manquant nettement d'intention.

Au bout du compte et de la journée, ce nul n'est pas sans faire l'affaire des Tchèques qui se sont montrés plus intéressants que leur score contre la Russie ne laisse paraître. Des idées, du talent, et un seul point à reprendre sur les deux autres «adversaires directs». Le tableau aurait pu être pire