MONTRÉAL – Adarius Bowman est-il un joueur « fini »? Les Alouettes de Montréal n’ont cédé qu’un choix conditionnel de huitième ronde pour acquérir cet ailier rapproché qui a cumulé des gains aériens de 1456, 1304 et 1761 verges de 2014 à 2016.

Le prix à payer a chuté drastiquement après que sa production ait dégringolé à 534 verges en 2017 (en 12 parties) avec Edmonton et à 95 verges en 2018 (en 6 parties) avec Winnipeg.

C’est donc le mot qui revient le plus souvent quand son nom est évoqué. À 33 ans, l’Américain de six pieds trois pouces veut bien prouver que ses dénigreurs le sous-estiment.

« Je n’ai pas tant de choses à dire (comme réplique), je dois plus le prouver. Quand ma chance viendra, je devrai le montrer. Les paroles n’ont pas trop d’influence dans ce genre de situation », a conclu Bowman avec justesse.

Mike Reilly, le quart-arrière avec lequel il a brillé de tous ses feux à Edmonton, a confié à TSN qu’il est d’avis que Bowman peut encore se situer parmi l’élite de la LCF.  

« Je suis d’accord avec lui, je me sens encore très bien. Même si j’ai capté une tonne de passes et que j’ai marqué plusieurs touchés, les victoires demeurent la chose la plus importante à mes yeux. Je veux être dans un environnement dans lequel je peux aider mon équipe à gagner », a réagi Bowman, lundi, au terme de son premier entraînement avec les Alouettes.

Le receveur a déjà trouvé quelques alliés à Montréal. Parmi eux, il y a Patrick Lavoie.

« D’abord, c’est un gars exceptionnel. C’est vraiment une bonne personne et ce sera toujours positif dans un vestiaire. Je suis de l’avis de plusieurs gars, je ne crois pas qu’il est fini. Il a montré encore aujourd’hui (lundi) qu’il est capable de faire des jeux. Ça fait longtemps qu’il joue dans la LCF et ça se sent quand tu parles avec lui. Il sait de quoi il parle », a résumé Lavoie. 

Bowman ne veut pas trop déblatérer contre l’organisation des Blue Bombers, mais ce deuxième passage au Manitoba n’a pas été un succès.

« Rien n’est arrivé à Adarius Bowman, je suis encore bien présent. Je présume que le football, c’est un ensemble de plusieurs éléments. Je ne suis pas le directeur général ni l’entraîneur, je ne suis qu’un joueur. En espérant que les choses soient un peu différentes ici et que j’obtienne plus d’opportunités », a-t-il avoué.  

À regarder les matchs des Blue Bombers, on pouvait presque croire que Bowman était superflu dans leur déploiement offensif.

« Je faisais partie du plan de match, mais ça n’a pas trop cliqué. Malgré cela, il y avait un bon groupe de joueurs là-bas. Je vais laisser cette expérience derrière moi maintenant. Je ne connais pas la vraie réponse, mais je suis reconnaissant de pouvoir continuer de jouer », a expliqué Bowman de son mieux.

Le nouveau numéro 19 des Oiseaux n’est pas tombé en bas de ses crampons quand il a été échangé. Lucide, il préfère voir le côté positif du ballon.

« Je suis somme toute excité d’être ici parce que de se retrouver sans emploi, c’est une toute autre histoire. Avec une transaction, j’ai la chance que ma carrière se poursuive », a mentionné l’athlète du Tennessee qui s’entraîne avec le deuxième groupe de receveurs pour l’instant.

Au cours des prochains jours, il continuera d'apprivoiser cette nouvelle offensive. Il sait bien que les ennuis perdurent à Montréal sur cette unité.

« Je n’ai jamais joué dans l’Est, mais j’ai joué contre ces équipes. Les choses ne vont pas dans la même direction dans les deux divisions, mais on se retrouve encore bien près de la deuxième position même si ça peut sembler un peu fou », a évoqué Bowman qui a été rejoint par sa copine et sa petite fille de quatre mois à l’hôtel.

Sutton reste, les autres ne font que passer
 

À travers tous ces changements du côté offensif, il y a une pierre indélogeable : Tyrell Sutton. Le porteur de ballon doit pratiquement être étourdi à voir tous les noms qui défilent autour de lui.

Imaginez, il doit s’ajuster sans cesse à de nouveaux quarts et de nouveaux joueurs de ligne offensive. Pas évident quand la réussite de notre travail est basé sur la précision et l’exécution.

Sutton se démène dans cette galère depuis six ans. Son tempérament bouillant de compétiteur a fini par s’habituer à cette réalité.

« La constance est ce qui produit le succès et on a été inconstants à la position de quart-arrière et sur la ligne offensive avec plusieurs changements. On doit prendre les choses en main pour établir cette constance. Quand on aura figuré ça, les choses vont tomber en place et tout deviendra plus simple », a-t-il fait remarquer.

Prenons d’abord l’exemple du front offensif. Sutton doit synchroniser ses actions à ces hommes forts qui traversent une période de chaise musicale provoquée par des blessures et des performances sous les exigences.

« Je suis correct avec ces changements, j’ai passé à travers une panoplie de choses sur cette unité et dans cette organisation. Peu importe ce qui arrive, je suis capable de m’ajuster. Je vais toujours faire de mon mieux et leur donner un coup de main », a assuré le numéro 20 qui a dû se contenter de 58 portées en six matchs.

Le tourniquet au poste de quart-arrière provoque un impact encore plus grand. La symbiose doit être au rendez-vous entre un porteur de ballon numéro un de l’équipe et son quart-arrière. Sutton doit maintenant s’habituer à des athlètes dont le jeu est basé sur la mobilité en Johnny Manziel et Vernon Adams fils.

Sutton doit être un habile « danseur » sur le terrain pour changer de partenaire aussi souvent sans que ça ne paraisse trop.

« Pour l’aspect des blocs, ça peut devenir un peu plus difficile puisque ces joueurs peuvent faire fi de la protection devant eux pour se déplacer. Tu ne veux pas devenir coupable de punition dans de telles circonstances. Mais, dans un rôle de receveur, c’est plus facile puisque ça te donne plus de possibilités de compléter des jeux », a soupesé Sutton.

Lorsque l’athlète de 31 ans regarde la scène avec ses yeux d’observateur, il ne peut s’empêcher de se dire que le football professionnel n’a aucune pitié. Il se sent mal pour tous ces quarts qui se succèdent chez les Alouettes et ailleurs dans le circuit canadien.

« C’est parce que personne n’a de patience dans la LCF. Personne ne veut mouler ces gars et leur enseigner toutes les nuances du football canadien. Si tu n’arrives pas avec un canon comme bras et cette compréhension du jeu, tu n’obtiens pas beaucoup de chances pour faire tes preuves et je dirais même survivre comme quart-arrière. Rapidement, tu es relégué comme le spécialiste des courts gains ou même poussé hors de la Ligue canadienne. La patience est souvent très éphémère », a conclu Sutton qui s’est lié d’amitié avec plusieurs de ces candidats qui sont passés en coup de vent.