Tout a fonctionné pour les Alouettes dimanche contre les Lions de la Colombie-Britannique. À preuve, avec une douzaine de minutes à faire au quatrième quart, l’équipe menait 50-3. Ai-je besoin d’en rajouter?

Comme il n’y a pas de 4-de-7, c’est toujours un peu stressant, le football éliminatoire. En début de match, on sentait que les deux équipes s’étudiaient  en tentant d’éviter de commettre l’erreur majeure qui pourrait ouvrir une porte, créer l’étincelle.  

Chez les Alouettes, la nervosité était flagrante. On a vu des plaqués ratés – un par Jeffrey Finley, un autre par Brian Brikowski – qui auraient permis d’arrêter l’adversaire derrière la ligne de mêlée. On a vu des passes échappées par S.J. Green et Duron Carter. Dans chaque cas, les receveurs étaient complètement libérés. Et puis alors que l’équipe était en position pour aller chercher les trois premiers points du match, le bloqueur étoile Josh Bourke a eu une crampe au cerveau et s’est fait prendre sur une procédure inadmissible.

C’était un premier quart un peu bizarre, mais la bonne nouvelle, c’est qu’il mettait en scène des problèmes d’exécution. Les stratégies étaient bonnes et les jeux fonctionnaient, seule la finition faisait défaut. C’était encourageant parce qu’on se disait qu’une fois que les petits détails seraient fignolés, les Alouettes seraient en voiture.

Et finalement, ce fut encore une fois la défensive qui a mis l’équipe sur la bonne voie. Premier jeu du deuxième quart : interception de Jerald Brown. C’est souvent comme ça que ça a commencé pour les Alouettes cette année. C’était le premier revirement que commettaient les Lions et c’est ce qui a donné le ton au match. C’est vrai que Jonathan Crompton a fait la même erreur tout de suite après, mais éventuellement, les Als ont repris le ballon et sont allés ouvrir le pointage.

Au deuxième quart, l’indiscipline des Lions a ouvert la porte toute grande aux Alouettes. Une interception de Crompton a été annulée par une pénalité décernée aux visiteurs et immédiatement après, S.J. Green a visité la zone des buts. Sur la séquence suivante, les Alouettes ont pénétré le territoire des Lions et ont raté leur coup sur un deuxième essai, mais une pénalité pour rudesse appelée contre les Lions a procuré un premier jeu automatique à Montréal. L’arbitre avait à peine récupéré son mouchoir que Carter marquait à son tour un touché.  

Les Alouettes ont vraiment sauté sur les erreurs des Lions. C’est sûr que cette pénalité pour rudesse était douteuse. Personnellement, j’aurais toléré. Mais c’est toujours une question de jugement et dans ce cas précis, les Alouettes ne se plaindront certainement pas de la décision qui a été rendue. De toute façon, on a souvent tendance à dire qu’à la fin d’un match, ce genre de choses s’annule. Les Alouettes pourraient bien rappeler que lors des éliminatoires de 2013, sur le dernier jeu de la prolongation contre Hamilton, une pénalité d’obstruction aurait dû être appelée sur une passe incomplète à Carter, mais pourtant personne n’avait rien vu.

Dimanche, ils ont peut-être été récompensés pour leur bon karma. De toute façon, ce que je retiens, c’est qu’une chance leur a été donnée et qu’ils en ont profité. Cette chaîne d’événements portait la marque à 15-3 à la mi-temps. C’est tout ce qui importait.

L’instinct du tueur

C’est une phrase que l’on n’a pu prononcer bien souvent cette année au sujet de cette équipe, mais au troisième quart, les Alouettes ont eu l’instinct du tueur.

J’ignore pourquoi, mais c’est habituellement toujours serré avec les Alouettes! Ce qui est bien, c’est qu’on les sait à l’aise dans les matchs chaudement disputés, et Dieu sait qu’il risque d’y en avoir d’ici à la consécration espérée. Mais je dis toujours à la blague que ce n’est pas obligé d’être toujours dur sur les nerfs. C’est correct de donner une volée et de dominer, de régler la note au troisième quart! Et c’est exactement ce qu’ils ont fait avec 21 points à la troisième période contre les Lions.

Ça a fait toute la différence. À 36-3 après trois quarts, c’était terminé, les Lions avaient juste hâte de prendre l’avion et de rentrer à la maison. Aux niveaux stratégique, physique et émotif, ça a été une domination totale.

Je vais me répéter, mais on a encore une fois été témoins d’une performance étincelante de la défensive. Le slogan de cette unité, c’est « Cours et Frappe ». C’est simple et c’est exactement ce qu’elle a fait. Ce n’est pas la première fois que je vous parle de cet effet de meute, mais c’est incroyable de voir le nombre de chandails des Alouettes autour du ballon une fois qu’un jeu prend fin. Ce n’est vraiment pas reposant de joueur contre eux, parce que tu sais que tu devras souffrir et payer le prix. Et je vous avertis, tenez le ballon bien serré, parce qu’ils tenteront tous de vous l’arracher.

J’ai déjà glissé un mot sur l’interception de Brown, mais que dire de celle de Bear Woods? Tout simplement spectaculaire. De sa position de secondeur intérieur, Woods a d’abord dû réagir à la feinte de jeu au sol - parce qu’il s’agit là de sa tâche principale! – avant de retraiter en couverture de passe. C’est incroyable ce qu’il a réalisé sur cette séquence, un vrai bijou. Je vous le dis, il n’y a pas beaucoup de secondeurs qui sont capables d’en faire autant.

Et puis évidemment, il y a eu le touché de Brown sur un retour d’échappé de 103 verges, le troisième revirement provoqué par Montréal.

Je regarde les statistiques de Kevin Glenn et ça me rappelle un vieux dicton que j’ai entendu maintes et maintes fois au cours de ma carrière. Nombreux sont les entraîneurs qui répètent qu’il faut « forcer l’adversaire à jouer avec sa main gauche ». En d’autres mots, il faut rendre les gros joueurs adverses inconfortables. Glenn, donc, n’a complété que six passes en 18 tentatives, a gagné 64 verges par la voie des airs et a été victime de deux interceptions.

Et où était Emmanuel Arceneaux? Rappelez-vous le match de fou qu’il avait connu lorsque les Alouettes avaient rendu visite aux Lions en saison régulière : 8 attrapés, 145 verges de gains, trois touchés. Dimanche, il n’a capté aucune passe. Zéro. Pour moi, ça démontre bien que les Alouettes ont forcé les Lions à jouer avec leur main gauche.

Mais on ne s’éternisera pas sur le travail de la défensive. Après tout, l’histoire se répète de semaine en semaine. Ça ne serait pas normal de n’avoir rien de positif à rapporter sur son travail. D’ailleurs, la journée où ça arrivera, ça n’augurera rien de bon pour les Alouettes. Cette unité sévit à un rythme déchaîné cette année.

Les puristes, ceux qui cherchent des poux, diront que cette défensive a accordé deux touchés dans les trois dernières minutes du match. Aussi, au quatrième quart, les unités spéciales, qui avaient jusque-là été excellentes, ont alloué un retour de botté d’envoi de 74 verges et un retour de botté de dégagement de 75 verges.

Mais je le rappelle, c’était 50-3! C’est sûr que tu ne veux rien donner, mais ce n’est quand même pas la fin du monde.

Des autoroutes pour les porteurs

En attaque, j’ai aimé l’atteinte de l’équilibre. Avec à une récolte de 215 verges au sol et de 158 par la passe, on a su contrôler adéquatement le temps de possession. Et ce que j’ai encore plus aimé, c’est qu’on a fini nos séquences : cinq séjours dans la zone payante, cinq touchés. Ai-je besoin de préciser que c’est un excellent rendement?

Les petits nouveaux ont bien fait. L’inexpérimenté Brandon Rutley a été très bon. Même chose pour Mardy Gilyard, qui a bien jugé chaque botté envoyé en sa direction. On ne lui en demandait pas beaucoup : protéger le ballon, telle était sa principale mission. Toute verge obtenue par la suite était un agréable extra. Il a bien fait ça.   

J’ai hâte de voir comment l’entraîneur Tom Higgins utilisera les hommes à sa disposition en finale de l’Est. Advenant le cas où Tyrell Sutton était en santé, j’aurais tendance à imaginer un champ arrière qu’il partagerait avec Rutley. Surtout que la présence de Gilyard rend plus ou moins nécessaire la présence de Chris Rainey pour les quelques jeux spéciaux qu’on pourrait lui commander.

Mais assurons-nous de bien distribuer les tapes dans le dos. Au fil de l’année, Brandon Whitaker, Sutton et Rutley ont tous connu du succès. Quel est le dénominateur commun? Vous l’aurez deviné, c’est la ligne à l’attaque. Il faut en parler, parce que c’est là que tout commence et ça ne sera pas différent dimanche à Hamilton. Contre les Lions, ce quintette montréalais a été tout simplement superbe.

En 18 matchs de saison régulière, les Alouettes ont eu la chance de pouvoir envoyer leurs cinq joueurs de ligne réguliers dans la mêlée 17 fois. Seule brèche dans cette belle stabilité : la fois où Ryan White a dû remplacer Josh Bourke à l’extrémité gauche de la chaîne. En fin de semaine, la chimie qui découle de cet état de force crevait les yeux. La ligne offensive des Alouettes a servi une leçon à la ligne défensive des Lions.

Souvent, c’est à droite que les Alouettes déployaient leurs jeux de course. Jeff Perrett a été bon pour élargir le corridor de course et on le voyait toujours faire des blocs en tandem avec Luc Brodeur-Jourdain contre le plaqueur adverse. Ryan Bomben s’en allait ensuite chercher l’excellent secondeur Adam Bighill. Il y avait des autoroutes pour Rutley qui, bien souvent, ne se faisait pas toucher avant d’arriver dans la tertiaire.

La semaine précédente, contre Hamilton, la ligne avait bloqué pour un gars qui avait obtenu cinq verges en seulement cinq courses. Faut croire qu’elle l’avait pris personnel...

De la parole aux actes

Ça prendra une performance similaire lors du prochain match, sur la route, dans des conditions automnales difficiles. Dans le fond, c’est la clé à cette période de l’année. De la défensive coriace combinée avec un jeu au sol efficace, tout ça complémenté par quelques bonnes passes dans les bons moments, dans les endroits stratégiques. Crompton n’a tenté que 20 passes contre les Lions et s’il n’a pas à en faire davantage la semaine prochaine, c’est clair que les Alouettes gagneront.

Avec l’incertitude au niveau du personnel d’entraîneurs, les blessures et la situation à la position de quart-arrière, les Alouettes ont gaspillé un camp d’entraînement et les six premiers matchs de leur saison. C’est une équipe qui a encore besoin de pratiquer, de s’améliorer. Pour cette raison, le scénario actuel - une victoire convaincante de laquelle tout le monde est sorti en santé - en est un idéal.

Vous pouvez poser la question à n’importe quel entraîneur de foot, ils vous diront tous que s’ils pouvaient voir l’avenir dans une boule de cristal et savoir qu’aucun joueur ne serait blessé, ils préféreraient tous continuer de jouer plutôt que de prendre une semaine de congé. Et n’oubliez pas que les Tiger-Cats forment une équipe jeune. J’ai hâte de voir comment ils réagiront après une semaine de vacances.

Une chose est sûre, on a déjà hâte à cette finale de l’Est. D’ailleurs, les joueurs des Alouettes n’ont pas trop perdu de temps avant d’animer la semaine qui la précédera. Duron Carter a dit que les siens allaient botter le derrière des Ti-Cats. Bear Woods a garanti une victoire. Ce n’est pas la confiance qui manque dans le camp montréalais.

Je ne pense pas que les Tiger-Cats ont besoin de ça pour se motiver. Si c’est le cas, il y en a qui ne pratiquent pas le bon métier. Mais moi, vous me connaissez, je suis un gars de ligne à l’attaque. C’est tranquille, un gars de ligne à l’attaque. C’est sûr que ce n’est pas trop mon style, mais dans une équipe de football, tu ne peux pas seulement avoir des servants de messe...

Je peux vivre avec les déclarations publiques et les prédictions audacieuses... mais je ne veux pas juste les entendre. Je veux le voir dimanche prochain, sur le terrain.

Ma philosophie est simple : parlez si vous voulez, mais agissez quand c’est le temps.