Avez-vous l’impression comme moi ces jours-ci en regardant les matchs des Alouettes de vous retrouver dans la peau de Phil Connors, le personnage interprété par Bill Murray dans le film « Le jour de la marmotte » (Groundhog Day)?

Vendredi à Vancouver, les Alouettes nous ont servi une autre performance navrante – une quatrième défaite de suite – alors qu’ils se sont encore fait lessiver. Le pointage cumulatif des dernières rencontres ne ment pas : 145-59 à l’avantage des adversaires des Montréalais, c’est-à-dire un différentiel de moins-86!

Je n’ai pas particulièrement envie de répéter ce qui a été écrit dans mes chroniques des dernières semaines, mais le problème demeure entier : il y a un grand manque de constance et d’opportunisme, et les débuts de matchs sont encore aussi mauvais d’un match à l’autre. Pour la quatrième fois de suite, ils ont été incapables d’inscrire un seul point au premier quart.

Pendant ce temps, les Lions traversaient méticuleusement le terrain sur leur première séquence offensive et concrétisaient avec un touché. La semaine précédente, le Rouge et Noir d’Ottawa avait fait pareil, et avant, les Blue Bombers de Winnipeg avaient aussi assommé les Als avec un majeur dès le départ.

Les débuts de rencontres au football sont des indices du degré de préparation. Rien n’est censé être laissé au hasard : la première série offensive est scriptée, et elle est utilisée pour donner le ton en plus de récolter de l’information sur les stratégies de la formation adverse. Comment aller chercher du rythme et de la confiance quand les rivaux partent toujours sur les chapeaux de roue, tandis qu’à l'opposé, on sort complètement amorphes?

L’un des côtés les plus néfastes de ces débuts de matchs désastreux est que la défense est surtaxée. Nul besoin de regarder plus loin que les 22 minutes de possession du ballon en première mi-temps pour saisir cette réalité. N’importe quelle défense devient vulnérable en deuxième moitié de match après avoir consacré autant d’énergie à garder son offensive dans la rencontre. Oui, ce sont des athlètes en excellente condition physique, mais il n’y a pas de réservoir de carburant illimité...

Une autre constante des quatre dernières sorties des Alouettes : les fameux passages à vide. On a entendu Jacques Chapdelaine durant son discours de motivation d’avant-match rappeler à ses joueurs l’importance capitale d’exécuter pendant 60 minutes. Les Oiseaux n’appliquent pas cette notion.

Les bonnes équipes de football ne passent pas une demie complète sans inscrire de points au tableau ou sans obtenir un premier essai à l’attaque. On ne les voit pas non plus être les victimes de deux revirements durant un même quart.

Vendredi, ce fut au deuxième quart que cette baisse de régime s’est manifestée. Et pour boucler la boucle, celui-ci s’est conclu par un botté de placement bloqué et ramené jusque dans la zone des buts des Alouettes. Ça venait de leur scier les jambes pour de bon.

En évaluant froidement les forces en présence avant le match, on avait tiré la conclusion que les meilleurs éléments offensifs des Alouettes devaient tenir tête, voire même surpasser ceux des Lions. On avait émis le constat que les meilleurs joueurs d’Ottawa la semaine dernière avaient damé le pion à ceux des Als au dernier match. À Vancouver, Jonathon Jennings a lessivé Dariant Durant, Jeremiah Johnson a eu un impact plus important sur la rencontre que son vis-à-vis Tyrell Sutton, et Emmanuel Arceneaux a éclipsé Ernest Jackson.

L'état-major doit prendre sa partie du blâme

À mon avis, on a atteint une étape à laquelle chacun doit remettre en question sa part de responsabilités. Je le concède, au final, les joueurs sont ceux qu’il faut pointer du doigt puisqu’ils sont sur le terrain. Ce sont eux qui commettent les erreurs et qui n’appliquent pas le plan de match. Ce sont aussi eux qui peuvent démontrer un manque de caractère.

Vient toutefois un moment où il faut élargir la réflexion; est-ce qu’on arrive bien préparés? Le plan de match est-il à la hauteur? Va-t-on chercher le maximum des joueurs en les plaçant dans des positions pour obtenir des succès?

On a tout de même affaire à un groupe de joueurs talentueux. Qu’on ne me fasse pas croire qu’ils ont soudainement oublié comment jouer.

Cela part selon moi de l’état-major. Et je ne suis pas en train de clamer qu’il faut apporter des changements administratifs. Après tout, c’est la première année d’un nouveau régime. Parfois, une équipe, comme un gros navire, met un certain temps à mettre le cap vers une nouvelle direction.

Le constat qui m’apparaît clair est que l’ensemble des paliers de l’équipe doit s’appliquer à trouver des solutions pour se sortir de ce grand trou noir.

Je ne prétends pas écouter la totalité des entrevues accordées par Kavis Reed et Jacques Chapdelaine ou les messages transmis aux joueurs dans les réunions à l’interne. J’aimerais toutefois entendre publiquement les décideurs affirmer avec transparence qu’ils doivent eux-mêmes travailler d’arrache-pied pour faire bouger les choses. Quitte à rappeler, dans le cas de Reed, que c’est son mandat de fournir à ses entraîneurs le talent nécessaire pour gagner.

Pour Chapdelaine, c’est de reconnaître que son attaque sort à plat à chaque rencontre depuis un mois, et qu’il en va de sa responsabilité de trouver les façons d’y remédier. Peut-être les stratégies employées sont-elles trop complexes? Doivent-elles être simplifiées pour éviter que les joueurs s’y perdent? On dit souvent que c’est difficile de performer dans le sport lorsqu’on pense trop... Est-ce une piste de solution?

Car depuis le début de cette descente, on entend « c’est la faute des joueurs » ici et là, mais puis-je vous rappeler que de tous les sports professionnels majeurs joués en Amérique du Nord, le football est celui où le groupe d’entraîneurs a les plus grandes répercussions sur les résultats? C’est lui qui sélectionne les jeux et apportent les ajustements. C’est lui qui dit au joueur : « Voici ce que tu dois faire pour soutirer le meilleur de tes habiletés ». Visiblement, ça ne fonctionne pas en ce moment.

Bref, il faut un message d’unité. Pour l’instant, on ne l’a pas encore entendu. Et pour que ça ne devienne pas une dualité entre les joueurs et l’état-major, c’est devenu une nécessité de le faire publiquement. Ça passe du DG à l’entraîneur-chef, en passant par les adjoints jusqu’aux joueurs.

Par le passé, on a souvent trouvé des victoires morales dans les moments ardus chez Alouettes. On soulignait les progrès réalisés malgré le résultat décevant. Depuis quatre matchs, on ne peut pas utiliser cette béquille. Il n’y a pas un semblant d’amélioration.

On peut toujours essayer de se motiver en faisant référence à l’édition 2011 des Lions, qui avaient débuté la saison en perdant cinq matchs avant de finalement remporter la coupe Grey. Mais la différence – plutôt notable – est qu’à un certain point la courbe d’apprentissage des Lions a pointé vers le haut, tout comme le niveau de confiance de l’équipe.

 Chacun devra donc y mettre du sien pour renverser cette longue et gênante descente aux enfers. Et vite, à part ça!

* propos recueillis par Maxime Desroches