C’est tout simplement fou ! Dans ma capsule web d’après-match jeudi, j’ai ressorti le vieux dicton qu’utilisait Marc Trestman avec les Alouettes : 57 + 3. Il venait de réaliser à sa première année qu’une avance peut vite s’évaporer lors des trois dernières minutes de jeu dans la Ligue canadienne. Les Alouettes avaient vu les Roughriders de la Saskatchewan remonter au pointage et l’emporter et de là est apparu son dicton de 57 minutes + 3 minutes.

Jacques Chapdelaine pourra maintenant dire à ses troupes : 58 + 2. C’est un effondrement total dans les deux dernières minutes de jeu. C’est un cliché au football, mais il faut véritablement jouer durant 60 minutes. Les Alouettes avaient connu un bon match jusque-là, ils s’apprêtaient à partir en semaine de congé sur une bonne note avec une fiche de 3-3, mais ça leur glisse sous les pieds et après le tiers de la saison, ils ont un dossier de 2-4 en raison de cette défaite de 41-40. Ils devaient terminer en force, ils ne l’ont pas fait et ils ont finalement été rattrapés.

À travers tout ça, les entraîneurs vont devoir creuser sous la surface, car il y a quand même des éléments positifs à tirer de ce match. Si on regarde depuis la deuxième semaine d’activités, l’attaque augmente son nombre de premiers essais, de verges amassées, de minutes en possession du ballon. On voit donc une progression. Jeudi, c’est la cerise sur le sundae alors que les Alouettes ont inscrit 40 points. Ce sont des points positifs que les entraîneurs vont devoir relever, malgré le résultat.

De nombreuses anomalies

Tout n'est pas perdu pour les Alouettes

C’est certain cependant que c’est frustrant, car pour une fois que l’attaque marque 40 points, la défense en alloue 41. Ce match a été parsemé de plusieurs anomalies. Celui-ci en est un. La défense allouait en moyenne 21,8 points par rencontre depuis le début de la campagne, hier 41. C’est dommage puisque pour une fois, l’attaque s’est fait plaisir, mais la défense n’est pas parvenue à tenir le fort.

Le premier mot qui me vient en tête au terme de ce match lorsque je regarde l’unité défensive c’est « ouch ». Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie parce que c’est déjà une défaite qui est difficile à avaler pour tout le monde, mais il faut réaliser que c’est extraordinaire ce que les Bombers ont accompli.

En quatre matchs, ils avaient inscrit seulement neuf points au quatrième quart. Jeudi, ils en ont marqué 13 en 1 min 45 secondes. Les Bombers n’avaient aucune réussite au quatrième quart depuis le début de la campagne, mais hier ils sont parvenus à compléter cette remontée. Matt Nichols avait des allures d’Anthony Calvillo sur les deux dernières séquences. Il dégainait rapidement et distribuait bien le ballon à ses receveurs. Il a été 9/10 pour 92 verges et une passe de touché. Il a aussi réalisé une course de 15 verges sur laquelle il avait des airs de Doug Flutie.

C’était spectaculaire et c’est pourquoi je ne veux rien enlever aux Bombers. Ils ont joué avec un sentiment d’urgence exceptionnel. Leur avant-dernière séquence était de huit jeux et 69 verges en 51 secondes. Il faut le faire. Celle pour prendre les devants était de six jeux et 58 verges en 43 secondes. C’est le cas de le dire, ils n’ont pas perdu une seule seconde entre les jeux. Toutes les simulations à l’entraînement du côté des Bombers avec l’attaque sans caucus ont porté leurs fruits.

Ce qui ressort aussi du côté défensif chez les Alouettes c’est leur approche préventive pour ne pas accorder le long jeu. C’est bien comme stratégie, car il ne faut pas laisser l’adversaire marquer des points rapidement. Ils veulent faire travailler chèrement l’adversaire pour chacune des verges à aller chercher. C’est bien de limiter les longs gains et l’unité défensive le fait bien cette saison. Elle n’a alloué qu’un jeu de plus de 30 verges jeudi et huit depuis le début de la saison, ce qui est exceptionnel. On force l’adversaire à faire de petites passes et à courir.

Il y a cependant une condition essentielle et non négociable pour que cette stratégie soit payante : il ne faut pas rater des plaqués. Si tu veux jouer ce style-là, il faut une qualité irréprochable sur les plaqués qui car, sinon, un petit gain peut se transformer en long jeu. Une course de quatre verges peut soudainement devenir une course de neuf verges si un plaqué est raté. Celle de 15 verges de Nichols en fin de match en est un bon exemple. Il en a récolté 10 après le premier plaqué raté et sur la séquence, quatre joueurs n’ont pu le jeter au sol.Matt Nichols

Le football est un sport de stratégies, mais il ne faut pas négliger les fondamentaux et parmi ceux-ci, il faut réussir les plaqués. Sur les deux dernières séquences, il y a eu un total de 53 verges amassées par les joueurs des Bombers après l’attrapé. Si on additionne ses verges à ceux récoltés par Nichols sur sa course après le premier contact, c’est 63 verges sur 127 qui ont été gagnées après le contact ou l’attrapé en raison des plaqués ratés.

Si je regarde depuis le début de la saison, sur les gains aériens accordés par la défense des Alouettes, 38 % de ses gains étaient amassés après l’attrapé. Jeudi, ce nombre est monté à 58 %. C'est donc dire que sur les 358 verges amassées par la voie des airs par Nichols, il y a eu 205 verges après l’attrapé. Le problème c’est que ce sont de petites passes faciles à compléter et elles deviennent de longs jeux.

C’est certain que ce style de « plier sans casser » peut fonctionner, mais la condition essentielle est de réussir les plaqués. C’est ce qui a rattrapé les Alouettes en fin de match.

Une autre anomalie dans ce match se traduit par la pression exercée sur Nichols. Les Alouettes ont réussi trois sacs du quart et ils en avaient réussi autant lors des cinq premiers matchs. À cette statistique, on ajoute les sept jeux où ils ont mis le quart des Bombers sous pression. Lors des deux dernières séquences, là où ça comptait vraiment, il n’y a eu qu’une seule pression sur le quart.

Je me garde une petite gêne lorsque vient le temps de critiquer la défense, car elle a rendu de fiers services aux Alouettes lors des derniers matchs et même des dernières saisons, mais en même temps, force est d'avouer qu'elle ne crée pas le gros jeu. Le seul que j’ai noté est survenu contre les Stampeders de Calgary lorsque Branden Dozier a ramené un échappé dans la zone des buts. Ça fait deux matchs qu’il n’y a aucun revirement et les hommes de Noel Thorpe en ont enregistré qu’un à leurs quatre derniers. La défense a un total de cinq revirements en six matchs cette saison. Il va falloir trouver une façon de provoquer une étincelle pour changer l’allure d’un match.

Une autre anomalie sur le plan défensif concerne le ratio dans la zone payante. Depuis le début de l’année, l’adversaire inscrivait un touché une fois sur deux, hier c’était cinq en six. Au lieu d’accorder des placements, l’unité défensive permettait à l’adversaire de répliquer avec des touchés.

Un dernier petit point que j’ai relevé sur le plan défensif jeudi est le nombre de substitutions. J’en ai rarement vu autant dans un match. On en effectue parfois pour obtenir des confrontations avantageuses, mais c’était le festival de la navette. J’aurais aimé que les joueurs de la ligne défensive aient un GPS pour voir combien de kilomètres ils ont parcourus. On parle des plus gros joueurs en défense qui ont gaspillé plus d’énergie en faisant la navette qu’à jouer. Je ne me souviens pas d’avoir vu autant de fois ce phénomène.

Non seulement tu fatigues les joueurs, mais ça engendre aussi des pénalités. De plus, les joueurs arrivent en panique et n’ont pas le temps de discuter entre eux, d’analyser la structure offensive et d'apporter les ajustements nécessaires. Il fut un temps où les Alouettes voulaient des joueurs polyvalents afin justement d’éviter de tels scénarios. Au final, ces permutations créent beaucoup de confusion sur la ligne. C’est évident que ça n’a pas été la meilleure performance de l’unité défensive, mais je ne pense pas que ça lui arrivera souvent de connaître de tel match, mais c’est arrivé.

Un coup de maître de O’Shea

L’un des gros jeux hier c’est évidemment le botté court réussi par les Bombers en fin de rencontre. Je n’ai pas la statistique, mais je présume que le taux de réussite ne doit pas être plus élevé que 10%, lorsque tout le monde dans le stade s’attend à un botté court. Je dois dire bravo aux Bombers et à Mike O’Shea, un magicien sur les unités spéciales. Ce qui est intéressant sur le botté, c’est qu’ils ont fait croire aux Alouettes qu’ils effectuaient un botté court classique vers les lignes de côté. Au dernier instant, les joueurs ont bifurqué vers le centre et les Alouettes ont été surpris. Le mouvement avant le botté a permis de créer un surnombre de 8-7 en faveur de Winnipeg. Le septième Alouette était B.J. Cunningham qui s’attendait à un botté sur les lignes de côté. Il est donc arrivé en retard au point de réception. Le jeu a été bien structuré, bien exécuté et il faut féliciter les Bombers.

Une défaite difficile à avaler pour les Alouettes

J’en viens à dire, un peu à la blague, que pour l’instant les unités spéciales chez les Alouettes vont être appelées « unités ordinaires », car ils n’ont rien de spécial jusqu’ici cette saison. J’enlève de l’équation Boris Bede qui connaît tout un début de campagne. Ils n’ont pas de bons retours et ils avaient la chance hier contre l’unité qui figurait au dernier rang pour les retours accordés sur les bottés de dégagement et ceux d’envoi. C’est décevant qu’il n’y ait eu aucun gros retour.

L’attaque a aussi ses torts

Même s’il y a une progression du côté de l’attaque, ce n’est pas encore parfait et la ligne à l'attaque a connu quelques difficultés. Lors des cinq premiers matchs de la saison, elle avait alloué trois sacs du quart contre cinq jeudi. De surcroit contre une équipe qui n’en avait réussi que sept en quatre rencontres. Les Bombers ont appliqué beaucoup de pression sur Darian Durant. Il a d’ailleurs lancé une interception lors d’un cinquième match de suite. La beauté avec lui c’est que ça ne semble pas l’affecter alors qu’il a rebondi. À la blague, je lui dirais qu’il devrait la lancer dès le début du match pour la sortir du système comme il l’a fait à Winnipeg. C’est intéressant de voir qu’il n’est pas ébranlé, mais sur une note plus sérieuse, il doit mettre fin à cette séquence.Darian Durant

Le dernier jeu du troisième quart est aussi une preuve qu'il reste des éléments à corriger à l'attaque. C’est un jeu cocasse, mais il faut le dire chanceux. Eugene Lewis ramène le ballon dans le terrain comme au basketball et il est chanceux que ce soit Cunningham qui l’ait récupéré. Il a amené le ballon à la ligne d’une verge, mais les Alouettes n’ont pu faire mieux qu’un placement sur une distance de neuf verges. L’écart aurait pu être de 16 points, donc deux touchés et deux transformations de deux points pour créer l’égalité. La tâche aurait été nettement plus ardue du côté de Winnipeg.

Je veux revenir aussi sur la dernière séquence offensive des Alouettes. Ils ont repris le ballon alors qu’il restait un peu plus de trois minutes à faire au match. À ce moment, il faut écouler toutes les minutes ou en écouler le plus possible et inscrire un touché pour changer la dynamique de la rencontre. Ils ont été dominants, alors qu’ils ont franchi la zone des buts grâce à l’efficacité de leur jeu au sol.

Il y a eu un problème alors que les Alouettes n’ont pas fait attention aux détails et ils ont mal géré le cadran. Il y a eu tout d’abord une pénalité à Lewis ce qui a arrêté le cadran. Stefan Logan a ensuite quitté le terrain au terme d’une course au lieu de se jeter au sol. Ce sont deux 20 secondes qui n’ont pu être écoulées. Les Bombers ont récupéré le ballon une dernière fois alors qu’il restait 44 secondes. Ce n’est pas automatique, mais on s’entend que le degré de difficulté aurait été plus élevé. Si le touché à la porte des buts avait été marqué et que plus de temps avait été écoulé au cadran, la tâche aurait été beaucoup plus ardue pour les locaux. L’attaque n’a donc pas été sans reproche.

C’est malheureux qu’on voit le même refrain depuis quelques matchs alors qu’il y a une progression, mais le résultat n’est pas encore positif. Il va falloir une contribution des trois unités en même temps afin de signer la victoire, ce qui n’est pas le cas en ce moment.

Au final, les Alouettes bénéficient d’une semaine de congé pour recharger les batteries, mais ils ne doivent pas s’apitoyer sur leur sort et s’assurer de revenir avec le couteau entre les dents.

Les Alouettes ont plusieurs matchs au mois d’août contre des rivaux de l’Est et ils reprennent l’action avec une série aller-retour contre les Argonauts de Toronto. Si vous suivez les activités de la Ligue canadienne, je n’ai pas besoin de vous dire que Toronto compte dans ses rangs, Jim Popp, Marc Trestman, S.J. Green et Bear Woods ce qui ajoutera un peu de piquant en vue de cet affrontement. En plus, ce sont des matchs de section qui ont une valeur de quatre points.

Propos recueillis par Maxime Tousignant