Après une première semaine avec les nouvelles façons de faire à l’attaque, je suis déjà plus confiant. S’il y a un aspect qu’on a pu remarquer au cours des derniers jours à l’entraînement des Alouettes, c’est la préparation mentale amenée pour Doug Berry.

Au football, on remarque souvent les belles passes, les réceptions spectaculaires, les plaqués percutants et tout ce qui touche à la robustesse. Par contre, on ne doit jamais perdre de vue que c’est un jeu stratégique. Et pour être capable de profiter au maximum de la stratégie, il faut être prêt mentalement. Cette saison, on a rapidement réalisé que c’est quelque chose qui manquait aux Alouettes, surtout du côté de l’attaque.

Si tu n’es pas prêt mentalement, tu ne peux pas jouer à ta pleine vitesse, ni utiliser au maximum les qualités athlétiques de tes joueurs. Cette semaine, on a justement vu l’attaque revenir à la base en mettant l’emphase sur cette préparation mentale.

Concrètement, cela s’est traduit par davantage de séances de positionnement. En fait, il y en a eu plus cette semaine que durant toute la saison jusqu’à maintenant. Quand on parle de séances de positionnement, ce sont des jeux qu’on fait à la marche. Sans casque, ni équipement, les joueurs marchent leur affectation. Ça leur permet ainsi de voir les jeux au ralenti. C’est une autre façon de faire entrer les jeux dans la tête des joueurs. Ainsi, ils auront vu les jeux en classe au tableau, puis en vidéo, et maintenant sur le terrain au ralenti. Le principe derrière cela, c’est que tous les joueurs ne reçoivent pas l’information de la même façon. Il y a des auditifs, des visuels et il y a des tactiles. La séance de positionnement s’adresse surtout à ceux qui doivent vivre un jeu pour le comprendre.

Avant cette semaine, c’est quelque chose qu’on ne faisait plus chez les Alouettes, ce qui est absurde, car une grosse partie du football, c’est d’être prêt mentalement. Or, samedi dernier, on a assisté à une telle séance qui s’est déroulée sur 90 minutes.

Un plan de match livré beaucoup plus tôt

Anthony Calvillo a fait un commentaire très intéressant cette semaine en soulignant que le plan de match a été livré aux joueurs beaucoup plus tôt cette semaine. Il s’agit là d’une évidence : plus le plan de match est livré tardivement aux joueurs, moins ils auront le temps de se préparer. Je pense qu’on a enfin compris une chose chez les Alouettes : on a de très bons joueurs à l’attaque, mais si on veut profiter de leurs qualités athlétiques et de leur talent, ils doivent être prêts entre les deux oreilles.

La réalité, c’est que tu peux être le joueur le plus rapide au monde, mais si tu cours à cent mille à l’heure dans la mauvaise direction, tu n’es pas plus avancé. Si tu n’es pas prêt mentalement, tu as beau être le plus vite au monde, mais en y allant à demi-vitesse, tu ne seras jamais à la bonne place au bon moment pour le jeu. L’exécution et le synchronisme seront alors bousillés. Lorsqu’un athlète n’est pas prêt mentalement, c’est une succession de choses qui arrivent : le doute s’installe, car tu n’es pas certain. Le doute amène l’hésitation. L’hésitation amène souvent la confusion. La confusion mène alors à une mauvaise exécution.

Bref, c’est vraiment sur cette préparation mentale des joueurs que l’emphase a été mise chez les Alouettes cette semaine et lorsque les joueurs sont bien préparés, c’est seulement à ce moment qu’on arrive sur le terrain de pratique avec un tempo beaucoup plus rapide. Il y a alors moins de perte de temps. Par le fait même, pour le même nombre d’heures d’entraînement, il y a davantage de répétitions. On maximise chaque minute à notre disposition et c’est là une très bonne nouvelle.

Une séquence sans caucus en début d’entraînement

Autre chose à souligner, c’est que chaque pratique commence maintenant avec un exercice d’attaque sans caucus. L’attaque traverse tout le terrain avec une succession de jeux. Ce genre d’exercice permet à l’attaque de se rapprocher d’un tempo de match. Et non seulement le tempo était meilleur, mais les jeux étaient complétés. On a traversé le terrain. Je suis convaincu que si on posait la question aux joueurs défensifs à ce sujet, ils répondraient que l’attaque ne les a pas traversés comme ça depuis le début de la saison.

L’attaque doit trouver son identité

Pour les Alouettes, la prochaine étape, c’est que l’attaque trouve son identité. Depuis le début de la saison, mon impression était qu’il y avait trop de chefs. Comme si chaque entraîneur de position mettait son grain de sel et voulait absolument voir leurs concepts être implantés dans le plan de match. Bref, on faisait toutes sortes de choses et tout changeait d’une semaine à l’autre. En bout de ligne, ça donnait zéro exécution et l’attaque n’avait pas d’identité. Si on avait demandé aux joueurs des Alouettes : « quelle est votre identité, quels sont les jeux sur lesquels votre attaque repose, sur quelle série bâtissez-vous? », je ne suis pas sûr qu’on aurait pu nous répondre.

Bref, l’idée est maintenant de se bâtir une fondation, de se trouver une série de jeux qui reviendra semaine après semaine. C’est à partir de ces jeux qu’on pourra établir une stratégie. J’ai impression qu’on voudra revenir à des jeux où l’on verra Calvillo remettre le ballon à Whitaker – ou faire une feinte de remise avant de décocher une passe – la fameuse zone « read » (jeu d'options). Ce genre de jeux reviendra dans le plan de match de base et on pourra faire d’autres choses par la suite.

L’attaque, ce n’est pas compliqué : c’est une question de synchronisme. Tu as 12 joueurs qui font quelque chose de différent. Tout doit être fait dans l’ordre et au bon moment pour qu’un jeu fonctionne. Le synchronisme, c’est tout ce qui touche à la notion d’espace et de temps. Les joueurs doivent être à la bonne place au bon moment et c’est quelque chose qu’on doit retrouver chez les Alouettes. À l’inverse, le rôle d’une défense est de casser ce synchronisme, c’est-à-dire d’empêcher les receveurs de décoller rapidement pour arriver à l’endroit où ils veulent aller.

Moins de concepts pour une meilleure exécution

J’espère qu’on va revenir à un bon vieux principe du football : moins de concepts pour une meilleure exécution. Lorsqu’une équipe a un million de jeux dans son plan de match, elle ne peut les répéter plus qu’une fois ou deux dans la semaine. Le temps est limité et les journées sont courtes. Plus tu as de jeux à pratiquer, moins tu pourras pratiquer chaque jeu, c’est la base. Pour ma part, je préfère voir un haut niveau d’exécution, quitte à ce que l’adversaire sache quel jeu s’en vient. L’idée, c’est que tu es tellement bon dans ton exécution que l’adversaire aura quand même de la misère à l’arrêter. D’une semaine à l’autre, ces jeux seront répétés constamment.

Tout ce que tu as à faire, c’est changer la présentation, changer l’enrobage. Tu maquilles tes jeux. C’est souvent le pain et le beurre d’un bon stratège offensif; ils ont un certain de nombre de concepts et de jeux, mais semaine après semaine, ils vont les présenter de façon différente. Que ce soit à partir d’une autre formation, d’un groupe de joueurs différent ou de mouvements différents. Parfois, la position des receveurs change, d’autres fois tu auras deux porteurs, ou trois receveurs, un ailier rapproché et deux porteurs. Souvent, il suffit de jouer avec ça.

Tu arrives alors à créer une illusion; l’illusion que tu arrives avec un jeu différent alors qu’en bout de ligne, c’est le même. Quand un jeu est terminé et que la défense regarde ce qui vient de se passer et se dit « ben voyons donc, je viens de me faire passer le même jeu...», c’est parfait car à la fin, les receveurs sont rendus au même endroit, même si le jeu a commencé d’une façon différente. Dans la Ligue canadienne, tu as trois entraînements par semaine et 4 heures et demie par entraînement. Tu n’as tout simplement pas le luxe d’arriver avec 50 nouveaux jeux par semaine.

Simple pour tes joueurs, complexe pour l’adversaire

Il y a un principe important au football que j’approuve entièrement : ton attaque doit être simple pour tes joueurs, mais avoir l’air complexe pour la défense adverse. Si ta stratégie offensive est trop compliquée pour tes propres joueurs, l’exécution ne sera pas là. Les gars auront alors un doute et ne pourront jouer à cent mille à l’heure. C’est exactement ce qu’on voyait depuis le début de la saison. Exécuter des jeux simples en les maquillant de différentes façons, ça rend les choses compliquées pour l’adversaire.

À la blague, j’aime dire que l’ingrédient principal, c’est du poulet. Match après match, tu sers du poulet à la défense adverse, sauf qu’une semaine, c’est du poulet rôti, la semaine suivante c’est un club sandwich et ensuite ce sont des vol-au-vent. Les bons coordonnateurs ont compris cela. 

Du plaisir à l’entraînement

Est-ce que tous ces changements garantissent des victoires? Je ne peux le dire. Chose certaine, ça va amener de meilleures performances. Et c’est en performant mieux qu’on se donne des chances de gagner des matchs. Je terminerais en disant que juste en me fermant les yeux et en écoutant ce qui se disait lors des entraînements cette semaine, je savais que ces entraînement étaient meilleurs. Il y avait davantage de tempo, davantage de bruit, de farces, de sourires, de joie et d’énergie. Il y avait plus de communication et de coopération. C’était franchement le jour et la nuit avec ce qu’on voyait plus tôt cette saison. Je suis convaincu que cela se traduira par de meilleures performances.

Propos recueillis par Samuel Thibault