Lors des premières années de Marc Trestman à la barre des Alouettes, je me souviens qu’il avait appris c’était quoi une fin de match dans la Ligue canadienne justement dans une défaite en Saskatchewan. À la suite de ce revers, il avait sorti son slogan « 57 + 3 » pour terminer chaque partie en force. C’était son slogan pour dire que tout peut arriver en fin de match parce que trois minutes dans la LCF, c’est beaucoup de temps!

Je ne sais pas si Jim Popp va sortir son slogan « 58 + 2 » parce que c’est décevant, mais c’est ce qui est arrivé dans l’affrontement contre les Roughriders. Les Alouettes avaient leurs adversaires dans les câbles. Il restait moins de deux minutes. Malheureusement, on a eu droit à un effondrement de toutes les facettes de jeu.

Tout d’abord, la défense accorde un touché de 65 verges à Taj Smith qui créait l’égalité 21-21. Ensuite, il y a eu l’attaque qui n’a pas été en mesure de gagner un seul premier jeu. Non seulement cela, mais elle a fait deux passes incomplètes. L’unité offensive n’a pas brûlé beaucoup de secondes au cadran, ce qui a donné du temps supplémentaire aux Riders.

Si l’attaque avait réussi un premier jeu, elle aurait au moins eu l’option d’écouler le temps pour jouer pour la prolongation si elle était trop loin pour marquer des points. La pression aurait alors été sur les Roughriders parce qu’ils n’étaient pas censés perdre ce match et ils jouaient à domicile.

Au lieu d’écouler un peu de temps, Montréal a dû dégager. Sur le botté de dégagement de Sean Whyte, les unités spéciales ont donné un retour de 38 verges à Weston Dressler ce qui plaçait la Saskatchewan à la ligne de 38 des Alouettes avec 29 secondes à jouer.

C’est dommage parce que c’est arrivé dans les deux dernières minutes du match. Les Alouettes méritaient un meilleur sort. Ils ont eu à affronter énormément d’adversité. On le sait que c’est toujours physique jouer contre les Riders, particulièrement samedi alors que cinq joueurs sont tombés au combat et pas les moindres non plus. Des joueurs d’impact qui évoluent à des positions clés. Ce n’était pas évident.

J’ai trouvé que les Alouettes ont fait preuve de beaucoup de courage et de cran. Ils nous ont montré qu’ils avaient du cœur au ventre. C’est clair qu’avec la façon dont la saison à débuter, avec toutes les blessures pendant le match et dans un environnement hostile contre l’une des meilleures formations de la LCF, ils auraient eu toutes les excuses pour abandonner. Ils se seraient effoirés samedi et on aurait dit qu’ils sont moins bons et qu’ils avaient beaucoup de joueurs blessés. Mais au contraire, ils n’ont pas abandonné.

Néanmoins, il n’y a pas de victoire morale au football. Tu perds ou tu gagnes, tu as les deux points ou tu ne les as pas. Sauf, qu’il faut reconnaître que c’était le genre de performance où les joueurs se sont démenés. Ils se sont accrochés et ont donné tout ce qu’ils avaient. J’aime leur attitude. C’est grâce à cela que je pense que c’est une performance sur laquelle l’équipe peut bâtir. Les joueurs ont clairement démontré qu’ils y croient encore parce qu’ils n’ont jamais abandonné malgré le fait que toutes les excuses possibles étaient là pour qu’ils se disent « on plie bagage, on rentre chez nous et la saison 2013, on oublie ça ». Ça me fait croire que cette équipe a encore du cœur au ventre.

Un alignement chamboulé

Les multiples blessures ont testé la profondeur de l’équipe. Celle au bloqueur Josh Bourke a fait qu’il y a eu deux changements à la ligne à l’attaque. Michael Ola a changé de position et Kristian Matte est arrivé dans la mêlée.

Le spécialiste des longues remises Martin Bédard s’est lui aussi blessé. C’est une position qu’on tient toujours pour acquise. On n’en parle jamais tant qu’il n’y a pas une blessure ou une mauvaise remise. Bédard est l’un sinon le meilleur de la ligue à cette position. Il a fallu le remplacer par deux joueurs : Patrick Lavoie sur les bottés de dégagement et Ryan Bomben sur les bottés de précision. Une autre blessure qui entraîne deux changements.

La blessure à Bourke a probablement affecté le fait que les Alouettes n’ont pas pu jouer avec des formations à deux ailiers rapprochés aussi souvent qu’ils auraient voulu. La blessure à Bourke a changé la ligne et des concepts de jeu n’étaient plus disponibles. C’est la réalité du football canadien où on utilise des alignements de 42 joueurs. Ce n’est pas évident.

Le secondeur Kyries Hebert, qui est un leader dans l’unité défensive, a été remplacé de mains de maître par Marc-Olivier Brouillette. Le Québécois a réussi deux sacs du quart et a provoqué deux échappés. Il était partout sur le terrain. Il a été excellent.

Josh NeiswanderÉvidemment, nous avons eu l’entrée en scène de Josh Neiswander (photo à droite) à la suite de la commotion d’Anthony Calvillo. La beauté pour Neiswander est qu’il était dans un match qui était encore chaudement disputé grâce à la défense qui a tenu le fort pendant toute la rencontre. Ce n’était pas du football de rattrapage. Il n’y avait qu’une possession d’écart au pointage. On n’a pas eu à lui demander de faire seulement des passes. Le jeu au sol était encore disponible.

C’est clair qu’on a vu un joueur qui n’a pas beaucoup d’expérience et qui n’a pas joué énormément. Comme tous les jeunes quarts qui n’ont pas vu beaucoup d’action, ils n’ont pas l’anticipation. Ils attendent de voir le jeu se développer avant de prendre une décision. Souvent, ils prennent leur décision trop tard et la défense voit ce qui s’en vient. Alors, elle réagit. C’est pour cette raison que plusieurs fois, des receveurs étaient démarqués, mais le temps qu’il prenne sa décision et qu’il décide de lancer, il y avait un, deux ou trois gilets verts rendus au point de réception. Il a lancé deux interceptions et il aurait pu en avoir quelques-unes supplémentaires. Il ne fallait pas s’attendre à des miracles, surtout dans un environnement comme celui-là. On a vu une certaine progression et un peu plus de confiance. Il a complété quelques belles passes, surtout au quatrième quart.

Au deuxième quart, c’était quatre en neuf pour 26 verges. Au troisième quart, c’était trois en neuf pour 49 verges avec une interception. Au quatrième quart, c’était 5 en 12 pour 72 verges avec une autre interception. Il termine donc la rencontre avec 12 passes complétées en 30 tentatives avec des gains de 147 verges. On verra bien la suite des choses lorsqu’on saura ce qu’il va arriver dans le cas de Calvillo.

Pathétique dans la zone payante

Avant le match de samedi, l’attaque était bonne dernière dans la zone payante. Elle a été 0 en 3 dans cette zone contre les Riders, alors les problèmes se poursuivent. On n’est pas capable de capitaliser. Pourtant, les opportunités étaient là.

On se souviendra du premier botté de précision de Whyte qui a été effectué de la ligne de huit. Calvillo avait repéré S.J. Green qui était complètement seul. Par contre, le résultat n’a pas été un touché. Est-ce la passe qui était trop forte ou Green qui s’est mal ajusté au ballon? Peu importe, il fallait marquer un touché et ç’a n’a pas été le cas.

Quand tu fais un botté de précision de la ligne de 15 verges, ça veut dire que tu as été arrêté à la ligne de huit. Quand tu en fais un de 11 verges, ça veut dire que tu as été stoppé à la ligne de quatre et lorsque tu en fais un de la ligne de 25, ça veut dire que tu as été arrêté à la ligne de 18. Donc, 0 en 3 dans la zone payante pour les Alouettes et ils sont encore bons derniers dans cette statistique. L’attaque n’est pas capable de finir ses séquences.

C’est un gros manque d’opportunisme. C’est dommage parce qu’ils ont tellement travaillé fort et ils méritaient un meilleur sort. Mais quand les jeux sont là, il faut que tu les fasses. Et encore une fois, les Alouettes ne les ont pas faits du côté de l’attaque.

La défense sauve l’équipe

On ne peut pas passer sous le silence l’excellente performance de l’unité défensive. J’avais dit à la blague que c’est tellement physique jouer contre la Saskatchewan qu’il faut que tu sois prêt à payer le prix et à souffrir. Il faut que tu frappes tout ce qui bouge et être intense pour gagner la bataille de la robustesse.

C’est en plein ce que le front défensif de Montréal a fait. C’est celui-ci qui a brassé la ligne à l’attaque des Riders, qui est l’une des bonnes de la ligue. C’est l’une des meilleures en ce qui a trait à l’élément physique et à la hargne. Ce sont tous des malcommodes sur cette ligne à l’attaque et ils ont de l'attitude. C’est aussi pour cette raison qu’elle a beaucoup de succès.

Le front défensif m’a impressionné. Pour mettre cela en perspective, le porteur de ballon Kory Sheets avait six matchs de 130 verges ou plus depuis le début de la saison. Samedi, en première demie, il en avait récolté 38 et il a terminé la rencontre avec un total de 74 verges de gains au sol. Sa moyenne par course pendant la saison était de 6,1 verges et contre les Alouettes c’était 3,9. L’attaque des Riders est la plus explosive de la LCF. C’est elle qui a le plus grand nombre de passes de plus de 30 verges. Samedi, elle n’en a eu que deux, dont évidemment celle de 65 verges pour le touché qui a fait mal.

On a éliminé le jeu au sol. On a limité les longs jeux et ce sont des choses que les Roughriders aiment faire. En plus, on a dérangé, ébranlé et secoué Darian Durant. On l’a fait vraiment mal paraître. Il a connu son pire match depuis le début de la saison et ce n’est pas un hasard.

Les Alouettes l’ont frappé du début à la fin. Ils l’ont malmené et c’est clair que l’effet cumulatif de tous les coups s’est fait sentir malgré que les Alouettes ont seulement réussi deux sacs du quart. Mais j’ai toujours dit que les sacs c’est bien beau, mais ce que je veux c’est l’effet cumulatif. Le nombre de fois que tu frappes le quart. Je n’ai pas le chiffre exact, mais les Alouettes ont facilement frappé Durant une quinzaine de fois que ce soit au moment de décocher sa passe ou juste après. Ça affecte le moral et le courage d’un quart-arrière. Je ne connais pas un quart qui aime se faire frapper. C’est une réaction qui est humaine et à un moment donné, tu l’as à l’usure. C’est ce que les Alouettes ont réussi à faire.

Au fil des ans, les Alouettes ont souvent frustré le 13e joueur en Saskatchewan, la fameuse « Riders Nation ». On se souviendra des Coupes Grey de 2009 et 2010. Mais encore une fois samedi, la défense a su frustrer la foule. Les Alouettes ont rendu le 13e joueur très tranquille. Ce n’était pas très bruyant. La foule a même hué son propre quart-arrière.

Après le touché de Gerald Brown, il y a beaucoup de spectateurs qui se sont levés et qui ont quitté le stade. Bref, même le 13e joueur était ébranlé! La foule ne s’attendait pas à ce genre de performance des Alouettes de Montréal.

C’est grâce à la défense si ce match a été chaudement disputé. C’est elle qui a permis à l’attaque d’aller chercher des points par-ci par-là. Si la défense n’avait pas tenu le fort, avec un quart réserviste dans la mêlée, on aurait pu oublier le match. Jouer du football de rattrapage avec le quart réserviste à Regina avec la foule en délire, ça n’aurait même pas été proche. L’unité défensive a été vraiment spectaculaire.

Mais, elle n’a fait qu’un mauvais jeu. Le touché de Dressler, c’était une belle passe et un bel ajustement du receveur. L’autre équipe a le droit de faire de bons jeux aussi.

Par contre, le touché de Taj Smith a vraiment fait mal parce que pour moi, au-delà de l'erreur physique et de l'erreur technique, c’était une erreur mentale. Au football, il faut toujours que tu sois conscient de ce qui se passe. Il y a des questions que tu dois te poser en défense. Quelle est la situation? L’essai et la distance, le moment dans le match. Est-ce que l’adversaire a besoin d’un touché ou d’un botté de précision? Il faut que tu sois au courant de ce que ton opposant tente de faire et de ce qu’il a besoin de faire pour revenir ou gagner le match.

C’est clair que les Riders avaient besoin d’un touché. Je ne peux pas croire que les Alouettes ont mordu à cette feinte de passe rapide du côté gauche de la formation. Il y a des demis défensifs qui ont voulu joueur aux héros. Ils ont mordu à l’hameçon. Ils ont arrêté de bouger et ils sont partis vers l’avant. Avec la qualité des receveurs de passe dans le football professionnel, tu pars par en avant d’un pas et tu te fais prendre les pieds plats. Les pieds arrêtent et tout ce que tu peux espérer, c’est que le receveur passe près de toi pour lui faire une clé de bras pour prendre une pénalité d’obstruction. Ces gars-là sont trop bons. Si la passe est moindrement précise, comme ce fut le cas, c’est terminé, car c’est un touché.

Je trouve ça dommage parce que c’est venu entacher cette bonne performance de la défense. Je ne sais pas qui était le joueur fautif parce que plusieurs demis défensifs étaient dans le coin et qu’on n’était pas dans le caucus. On n’est pas sûr de qui devait s’occuper de la zone profonde. Je ne suis pas là pour trouver le coupable, mais je suis capable de dire que c’était une erreur mentale puisqu’on n’a pas réalisé dans quelle situation on se trouvait. C’est clair qu’une passe de huit verges ne va pas te battre. Donc, qu’est-ce que tu as à te précipiter sur un tracé court pendant que tu as tout à perdre si tu te fais battre par une longue passe?

Voilà mon raisonnement. C’est pour cette raison que je dis un peu à la blague « jouer au héros ». Ces jeux courts, on va leur donner et on va faire les plaqués. C’est comme l’analogie du gros et du petit poisson. Ils sont allés sur le petit poisson et le gros poisson est passé derrière. En défense, tu veux généralement attraper les gros poissons. C’est bien frustrant.

J’ai hâte de voir comment les Alouettes vont réagir après cette défaite crève-cœur. Je pense qu’il y a quelque chose sur lequel construire, mais en même temps, ça fait mal. De plus, on ne connaît pas encore l’état de santé de tous les joueurs blessés. On ne sait pas quelle formation va se présenter, jeudi, contre les Lions de la Colombie-Britannique.

C’est une semaine de préparation courte. Probablement qu’il y aura un seul vrai entraînement, mardi, avec des réunions pour compléter la préparation mentale. C’est un très gros défi qui s’en vient et il sera intéressant de voir comment les Alouettes vont répondre.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne