Tous les observateurs vous diront que la partie contre les Eskimos d'Edmonton vendredi s'annonçait comme une grosse commande parce qu'ils jouent de l'excellent football comme en témoigne leur dossier de 5-1. Au moins, Montréal peut se consoler en se disant que malgré la défaite, il y a plus de points positifs que lors des revers précédents.

Les Alouettes n'avaient pas de marge d'erreur contre une équipe qui arrivait d'une semaine de repos et qui avait eu le temps en masse de se préparer, mais la défensive montréalaise n'était pas au rendez-vous en première demie. Quand ton attaque a du mal à prendre son envol comme c'est le cas à Montréal depuis le début de la saison, il faut que la défense et les unités spéciales donnent le ton dans l'espoir que les choses débloquent offensivement. Et quand la défense connaît des ratés, ça rend les choses encore plus difficiles comme on l'a vu vendredi.

Avec huit séquences à l'attaque en première demie, les Eskimos ont marqué trois touchés et trois placements pour 30 points avec 313 verges. Ils ont bien été victimes d'une interception, qui n'a pas eu de grosses conséquences, et n'ont dégagé qu'une seule fois. Avec une attaque qui se cherche, voir l'unité défensive accorder autant de points après deux quarts a un effet dévastateur, qui sape une confiance déjà très fragile. Ça devient pratiquement insurmontable.

Sur la première séquence, une erreur de communication de la défense a semblé être à l'origine d'un touché des Eskimos. Sur la deuxième séquence, une série de mauvais plaqués des Alouettes a permis une course de 29 verges, qui ont ultimement donné un placement à Edmonton. Sur la cinquième séquence les visiteurs ont franchi 75 verges en seulement trois jeux, dont la course de 58 verges de John White pour un touché. On a pu voir des erreurs de base de la défense comme des mauvais angles de poursuite par exemple.

En deuxième demie, la défense des Alouettes a fait amende honorable, mais il faut mettre les choses en perspectives avant de sauter à des conclusions trop favorables. S'il est vrai qu'Edmonton a eu le ballon sept fois pour 78 verges, a dégagé à cinq reprises et a réussi qu'un placement, l'équipe de Chris Jones n'a pas cherché à ouvrir la porte aux Alouettes. Les Eskimos menaient alors 30-8 et ils sont demeurés conservateurs en ne jouant pas du football trop agressif. En plus, le porteur de ballon John White était blessé et il n'a pas pris part à la deuxième demie.

Avec 30 points marqués en première demie, il ne fallait pas s'attendre à voir les Eskimos en marquer 30 autres dans les deux derniers quarts. Il faut bien avouer que 30 points dans une demie est un grand accomplissement et pour bien des clubs, ça représente un gros match. Loin de moi l'idée d'enlever du crédit à la défense des Alouettes en deuxième demie, mais les Eskimos avaient le luxe de se placer dans la position du conducteur.

Sur une note positive, les Alouettes ont exploré de nouvelles stratégies intéressantes. On a vu des pressions à deux et à trois ainsi que Winston Venable et Dominique Ellis espionner le quart Mike Riley, qui a été limité à quatre courses et 22 verges. Certaines des nouvelles tactiques ont fonctionné par moment, mais le début catastrophique de la défensive a placé toute l'équipe sur les talons. Quand un club n'a pas de touché en trois parties, la confiance est fragile et le moral ne vole pas haut.

Les armes de Troy Smith

Je pense que si Troy Smith a joué tout le match, c'est que dans l'évaluation de l'entraîneur Tom Higgins, le quart a respecté les critères d'évaluation du club. Bien sûr, les Alouettes se gardent bien de dévoiler quels sont leurs critères. À mon humble avis, Higgins a aimé les lectures faites par Smith et il a estimé que l'athlète avait pris les bonnes décisions.

Bien sûr, Smith n'a pas démontré une grande précision avec seulement 44% de ses passes complétées. À sa défense, on peut dire que certaines passes auraient dû être captées. L'équipe est dans un bourbier et il faut que les attrapées moins faciles se concrétisent. Il faut que tout le monde réussisse le gros jeu qui va faire une différente et faire avancer l'attaque.

Smith, dans l'optique de Higgins, a fait de bonnes lectures et il n'a pas eu de crampes au cerveau, mais il y a deux choses qui m'ont déplu. Premièrement, il n'est pas un assez bon passeur à l'état pur pour rester continuellement dans sa pochette et espérer imiter Anthony Calvillo. J'ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi il ne court pas. S'il est blessé, personne ne l'a dit. Ce quart doit courir et ce n'est pas la première fois que je le dis. Je le répète, la course doit faire partie de son arsenal.

Face aux Eskimos, Smith a eu des chances d'utiliser ses jambes et il ne l'a pas fait. Au moins à deux occasions, une autoroute s'est ouverte devant lui. De plus, on n'a pas vu les Alouettes bouger la pochette et changer l'endroit d'où partent les passes. Ça doit faire partie de l'arsenal de Smith, qui n'est pas Calvillo. J'ai beau me gratter la tête, je ne comprends pas.

À un certain moment, Smith m'a fait plaisir quand il a évité un sac. On l'a alors vu se déplacer vers la droite avant de rejoindre Brandon London avec une superbe passe en mouvement. J'ai été impressionné par ce jeu que j'aimerais revoir à nouveau.

La deuxième chose qui m'a déçu a été le manque d'opportunisme de l'offensive. C'est incroyable comme statistique, mais avant la partie de vendredi, les Alouettes n'avaient été que cinq fois dans la zone payante depuis le début de la saison, alors que vendredi seulement, ils s'y sont retrouvés à cinq reprises. Malheureusement, ça s'est soldé que par cinq placements. En aucun moment, Smith et son attaque n'ont été capables de profiter de leur présence près de la zone des buts pour marquer un touché. À force de voir les adversaires marquer des touchés, il est difficile de rester dans la partie avec seulement des placements. C'est mathématique et c'est cruel à la fois. L'exécution doit être meilleure à la porte des buts. Sean Whyte a été parfait sur ses bottés de précision, mais c'était sur de courtes distances.Eric Samuels et Duron Carter

Une mince consolation

Les Alouettes peuvent trouver un certain réconfort en se disant qu'ils ont gagné la deuxième demie 15-3. On ne le criera pas trop fort, mais les Eskimos ont joué une défensive pour plier, mais pas pour casser, histoire de s'assurer de ne pas commettre de bévues qui menaceraient leur victoire. Comme de fait, les Alouettes ont manqué de temps pour revenir dans la rencontre.

Montréal a montré de belles choses comme deux séquences de 14 jeux. Généralement quand tu colles de belles séquences du genre, c'est positif, mais dans le cas qui nous occupe, ça s'est terminé que par des placements.

Bon, si les Alouettes peuvent s'accrocher à ces petits éléments positifs tout en corrigeant leurs erreurs, ça pourrait permettre de construire sur des bases plus solides.

J'ai aimé l'effort des joueurs, qui se sont battus même quand l'écart au tableau était grand. On a vu London qui aurait pu facilement quitter le terrain après avoir capté une passe, mais il a plutôt choisi de rester sur la surface pour gagner trois ou quatre verges de plus. Je vois cet effort comme un message direct à ses coéquipiers qu'il faut se battre.

Quand Troy Smith a été intercepté, on a vu Luc Brodeur-Jourdain et Ryan White foncer comme des missiles pour faire perdre le ballon du demi défensif des Eskimos. Le ballon a finalement été récupéré par Brandon Whitaker en fin de partie. Même si les carottes étaient pas mal cuites, j'ai vu des gars se défoncer et je les félicite de ne pas avoir abandonné.

Whitaker a connu un très bon match. On a vu son effort sur la passe piège pour le seul touché des Alouettes en fin de partie alors que les dés étaient joués. J'ai vu un gars se débattre et démontrer son leadership. Il a tout fait sur le terrain avec des courses, des passes captées et des protections de passes. On l'a aussi vu avoir une escarmouche avec un adversaire. Whitaker est allé à la guerre. Si tout le monde avait son attitude, les choses changeraient peut-être.

Duron Carter a aussi montré de belles choses avec dix passes captées pour des gains de 112 verges. Tant qu'il va rester concentré sur les bonnes affaires, il va aider l'attaque.

Ironiquement, malgré la défaite, les Alouettes ont gagné le temps de possession 33-27 et la bataille des revirements avec plus un. Ils ont obtenu plus de premiers essais que les Eskimos, ce qui veut dire que Montréal n'a pas fait que de mauvaises choses. Le pointage de 33-23 est plus flatteur pour les Alouettes que lors des défaites précédentes, mais ça ne représente toutefois pas l'allure de la partie.

La prochaine étape que les Alouettes doivent réaliser est de voir les unités se compléter en enchaînant les beaux jeux sur le terrain. C'est de cette façon qu'on va construire cet élan qui est nécessaire pour avoir du succès. Si la défense fait le travail, mais que l'attaque ne parvient à rien, il n'y a aucune suite.

Sur la tentative de jeu truqué de Sean Whyte, qui n'a pas fonctionné, mais qui a finalement permis aux Alouettes de conserver le ballon en raison d'une pénalité pour rudesse aux Eskimos, l'attaque n'a pas été en mesure de capitaliser par la suite.

Au moment où les Alouettes tiraient de l'arrière 10-2, Geoff Tisdale a réussi une interception pour ramener le ballon à la ligne de 23 d'Edmonton. Il fallait que Montréal marque un touché. On était en début de partie et il ne fallait pas bousiller une occasion comme celle-là qui était servie sur un plateau d'argent. Malheureusement, les Alouettes n'ont obtenu que trois points.

À un autre moment, les Alouettes avaient arrêté l'hémorragie et le pointage était 10-8 pour Edmonton. On sentait que les hommes de Tom Higgins étaient dans la partie et que l'attaque retrouvait ses repères, mais la défense n'a pas appuyé l'équipe en concédant un touché sur une course de 58 verges de White, ce qui a accentué l'écart à 17-8 et la première chose que l'on a su, c'est que la demie s'est terminée 30-8. Qui sait quelle allure le match aurait prise si la défensive avait empêché Edmonton d'inscrire ce majeur.

C'est pour cette raison qu'il faut mieux se compléter. Actuellement, on n'est pas capable de profiter d'un beau jeu d'une unité. Il faut arriver à empiler les beaux jeux des différentes unités pour faire une différence et créer un momentum. Il faut une succession de bons jeux, c'est là qu'on est rendu.

Les Alouettes vont entreprendre un voyage de deux matchs en Saskatchewan et à Winnipeg. Je serai plus attentif à la façon de jouer de l'équipe qu'aux résultats. En plus, les gars vont rester dans l'Ouest pour ces deux rencontres et advenant de bonnes performances, ça pourrait galvaniser l'esprit d'équipe et relancer la formation.

*propos recueillis par Robert Latendresse