COLLABORATION SPÉCIALE

Le mot « déception » a été l’un des premiers qu’a prononcés le directeur général Danny Maciocia lors du bilan des Alouettes jeudi. Je dois dire que ce mot cadre bien avec ma propre évaluation de la saison 2021 de l’équipe.

Dans plusieurs aspects, ç’a été une année frustrante pour nos Alouettes. Une année qui a été parsemée de hauts, mais aussi de trop nombreux bas. Bref, une année marquée par l’inconstance dans les performances.

J’étais parmi ceux qui s’attendaient à ce que les Oiseaux s’améliorent par rapport à leur saison 2019. Je me disais qu’en ayant conservé les mêmes armes à l’attaque, il y allait y avoir un élément de continuité, de stabilité qui allait s’installer.

Une déception évidente chez les Alouettes

Il y a deux ans, la grande faiblesse était évidemment le rendement de la ligne défensive. On avait consenti les efforts et mis les sommes nécessaires afin de régler ce problème.

En gros, je voyais un groupe avec du talent, une ligne défensive améliorée et une attaque capable de se montrer explosive.

Je m’attendais donc à un dossier final beaucoup plus intéressant que celui de 7-8 (j’inclus la défaite éliminatoire à Hamilton dans l’équation) avec lequel l’équipe a terminé son année.

Combien de fois ces derniers mois avons-nous entendu les joueurs répéter : « Nous avons le club pour gagner »  ou « Nous avons le talent nécessaire pour tenir tête à n’importe qui ». En principe, j’étais d’accord avec ces énoncés. Mais aujourd’hui, je suis certain que ces joueurs sont déçus de leurs performances et de celles du groupe en général. 

Ça devait être d’autant plus difficile à avaler, sachant que l’année n’a pas été facile, avec le protocole de la COVID-19, les tests quotidiens, le camp d’entraînement modifié, l’absence d’un calendrier préparatoire, et j’en passe. Donc si je vous témoigne aujourd’hui de ma déception que ça se soit terminé aussi vite pour les Als, je m’imagine que le sentiment devait être encore plus fort dimanche chez les joueurs et entraîneurs.

Je ne suis pas en train de nier qu’il y a eu du bon. Si on se met à consulter strictement les statistiques sans les mettre en contexte, on s’aperçoit que les Alouettes ont mené plusieurs catégories dans la LCF, tant du côté offensif que défensif.

Mais en bout de ligne, il y a eu plus de défaites que de victoires. Ce que ça me dit, c’est que l’équipe n’a pas été à la hauteur dans les moments importants d’un match. L’attaque n’a pas été assez bonne quand ça comptait dans la zone payante. À l’inverse, la défense a été trop permissive lorsque l’équipe adverse menaçait profondément dans le territoire de Montréal.
Même son de cloche pour les débuts et les fins de rencontres, ou les débuts de troisième quart par exemple.

L’une des conclusions qu’on a pu tirer de la conférence de presse de jeudi est le fait que Maciocia est en encore en train de figurer ce qu’il fera avec son personnel d’entraîneurs. C’est la prochaine étape qui l’attend; après les rencontres individuelles avec les joueurs, ce sera au tour des instructeurs de passer devant leur patron. Il y a des discussions importantes qui s’en viennent afin de mettre les choses au clair, notamment sur les grandes orientations philosophiques de l’équipe.

Je ne dois pas être le seul à avoir trouvé particulier le fait que Khari Jones était présent jeudi pour répondre aux questions des journalistes en dépit du fait que le DG s’est refusé à confirmer son retour en 2022 (on lui a ouvert la porte à quelques reprises, mais il ne voulait pas se compromettre). Ça avait pratiquement l’air d’une façon détournée pour Jones de passer son entrevue de fin d’année, alors qu’il plaidait sa cause, affirmant qu’il peut s’améliorer et changer certaines façons de faire. Bref, c’était vraiment une drôle de dynamique!

Jones peut-il aller à l'encontre de sa personnalité?

Ce qu’on lit entre les lignes, c’est qu’ils doivent se parler, et que si Jones veut conserver ses fonctions, il y a des choses qui devront changer.

Et ce changement, à mon sens, concerne un aspect bien particulier : celui de la gestion du code de discipline avec ses joueurs. On veut certainement voir un Khari Jones plus autoritaire, plus rigide, des traits de personnalité qui de toute évidence vont à l’encontre de sa personnalité telle qu’on la connaît, puisqu’il s’agit d’un individu jovial, souriant. Un vrai « players’ coach » comme on le dit dans le jargon du sport.

« On a le désir que Khari Jones soit de retour »

Fréquemment cette année, on entendait les joueurs nous dire : « Vous savez, c’est une question de détails, de discipline » en lien avec le trop grand nombre de pénalités chaque match. C’est l’affaire de qui, fondamentalement, cette discipline? Celle des instructeurs.

Je ne suis pas psychologue, mais je me questionne à savoir si Jones peut maintenir sa personnalité tout en se montrant plus intransigeant du côté de la discipline et l’attention aux détails? Paraîtra-il authentique à travers tout ça? 

Jones mentionnait qu’il voulait être non pas un « players’ coach », mais un « winning coach ». J’en ai connu un qui appartenait à cette deuxième catégorie, et c’était Don Matthews, un maître de la discipline au sein d’une équipe de football. Matthews était un dur qui envoyait par ses décisions des messages rapidement à des joueurs ciblés - mais à l’équipe au complet par la bande. Au final, c’est un peu ça aussi le job d’entraîneur-chef au niveau professionnel. Tu ne peux pas être seulement le bon gars; tu dois aussi prendre des décisions qui ne feront pas le bonheur de certains, mais qui sont justes.

L’une des choses qui jouent en sa faveur pour un retour dans ses fonctions, c’est le budget limité dont disposent les opérations football pour leur groupe d’entraîneurs. Et mine de rien, Jones porte trois chapeaux, ceux d’entraîneur-chef, de coordonnateur offensif et d’entraîneur des quarts-arrières. Si tu décides de passer à un autre appel, tu dois d’une part avoir un excellent candidat pour le remplacer, mais il est possible également que tu doives amener deux instructeurs supplémentaires dans sa structure. L’état-major des Alouettes aurait-il les mains liées au point de vue monétaire si tel était le cas? D’autant plus que même en laissant partir Jones, son contrat viendrait quand même combler une certaine partie de la masse salariale. C’est un pensez-y bien.

N’oublions pas non plus que Khari Jones a réussi à mener son club à la victoire avec trois quarts différents durant une saison vraiment pas comme les autres, qui était sa première complète dans la LCF. Il n’y a pas que du mauvais, et ce sera à la haute direction de figurer si Jones peut être un acteur principal de la vision que l’on souhaite donner à l’équipe pour 2022.

Maciocia a beau affirmer qu’il a « le désir » de ramener tout son monde l’an prochain, on sent que c’est conditionnel à ce que chacun change certaines choses. Dans le cas de Jones, c’est d’être plus ferme auprès de ses joueurs pour que ceux-ci soient plus redevables. 

Par ailleurs, il ne faudrait pas s’étonner si Maciocia amène Jones à changer au moins un de ses adjoints. Il y en a un en particulier qui est une cible assez facile, et c’est le coordonnateur aux unités spéciales Mickey Donovan. À l’exception des botteurs, qui ont fait un travail admirable, ç’a été un désastre sur les unités spéciales en 2021, des couvertures de bottés aux retours de bottés en passant par la bataille du positionnement sur le terrain. Ç’a été l’équipe la plus punie sur les unités spéciales, les retours explosifs n’y étaient pas, beaucoup de pénalités pour non-respect de l’immunité. La ligne de ce qui a fait défaut est longue!

Sachant qu’on a apporté un changement en pleine saison afin de rehausser le rendement de la ligne défensive, comment se fait-il que Jones a accepté autant de médiocrité semaine après semaine au sein des unités spéciales?

Mon souhait le plus cher pour l’entre-saison

Tandis que Danny Maciocia se prépare à dresser sa liste d’épicerie en vue de la prochaine saison, je vous avouerai mon souhait pour Alouettes, si je me limite à un seul, est une amélioration de la profondeur de la ligne à l’attaque. En ce sens, j’ai bien aimé entendre le DG rappeler l’importance qu’il accorde à la guerre des tranchées. 

Qui sera le quart-arrière des Alouettes en 2022?

C’est difficile parfois de cibler le rendement d’un joueur en particulier, mais je me dois de souligner que le travail de Tony Washington comme bloqueur à gauche laissait énormément à désirer. Je veux faire attention cependant, car je n’ai pas toute l’information, et probablement qu’il jouait en dépit d’une blessure, alors c’est délicat. Mais c’est une position qui doit mieux performer, et qui se doit d’être solidifiée. De mont point de vue d’ancien « gars de ligne », des réservistes de qualité doivent s’ajouter à l’effectif.

Les blessures sont venues mettre au grand jour le manque de profondeur des Als de ce côté, et les Tiger-Cats, avec leur front défensif menaçant, en ont profité tout l’après-midi durant la demi-finale de l’Est. En fin de saison, ce qui était quelques mois plus tôt l’une des belles révélations chez Alouettes n’était plus l’ombre d’elle-même.

Du côté de la position de quart-arrière, il faudra bien entendu figurer quels entraîneurs resteront en 2022 avant de passer à autre chose.

Personnellement, j’ai de la difficulté à croire que les Alouettes ne retourneront pas vers le vétéran Trevor Harris. C’est malheureux pour Vernon Adams fils, mais la magie de 2019 n’a simplement pas opéré. On a vu un Adams inconstant et trop émotif. Sa gestion des hauts et des bas d’un match de football n’était pas satisfaisante, et Dieu sait qu’il y en a durant une rencontre de 60 minutes. 

Il y a déjà une tonne de pression qui vient avec le fait de jouer à la position de quart, et on dirait qu’Adams vient qu’à s’en ajouter une couche supplémentaire. Je me dis qu’à quelque part, il doit être difficile pour un entraîneur de confier les rênes d’une attaque à une véritable boîte à surprises. Ainsi, je crois que les Alouettes pencheront plus vers Harris et la régularité qu’il peut offrir, d’une séquence offensive à la suivante.

Ce n’est toutefois que ma perception des choses. Nous verrons au cours des prochains mois si c’est aussi celle de la haute direction de l’équipe!

* propos recueillis par Maxime Desroches