L'homme avant les statistiques
Montréal Alouettes mardi, 21 janv. 2014. 20:59 dimanche, 15 déc. 2024. 10:01La conférence de presse a été à l'image du personnage et j'ai adoré parce que le tout a été fait avec beaucoup de classe. Anthony Calvillo était ému quand est venu le temps de dire la phrase « Je prends ma retraite. » C'est toute une page de sa vie qu'il tourne. Il a joué 20 ans dans les rangs professionnels sans compter ses années universitaires. Encore une fois, il a été humble et reconnaissant.
Anthony a pris le temps de remercier les gens qui ont fait la différence dans son cheminement.
Si vous avez suivi l'annonce, vous avez constaté qu'on a parlé de l'homme et presque pas de ses statistiques ou de ses records. Ça veut dire qu'il a eu un impact sur la vie des gens. Ce sont les qualités de l'être humain qui ont refait surface plutôt que celles de joueurs et Dieu sait qu'il a été tout un joueur.
J'ai joué quatre ans avec Anthony, mais les deux premières années il était le réserviste à Tracy Ham. J'ai véritablement joué avec lui au moment où il donnait un second souffle à sa carrière alors que moi, j'étais à la fin de la mienne. Je n'ai pas donc partagé ses meilleures années, mais mon rôle d'observateur depuis que j'ai cessé de jouer m'a permis d'apprécier son cheminement.
Anthony a joué une année à Las Vegas au moment où la LCF tentait une expansion aux États-Unis. Quand les formations américaines ont été dissoutes, Calvillo a été le premier joueur sélectionné lors du repêchage pour disperser les joueurs, ce qui veut dire qu'on avait déjà remarqué son talent. Il s'est retrouvé à Hamilton où il ne l'a pas eu facile. Il était mal entouré et tous les succès de l'équipe reposaient sur ses épaules avec le résultat qu'il s'est carrément fait démolir physiquement et mentalement.
La plus grande décision de sa carrière a été de venir jouer à Montréal. J'ai l'impression qu'il aimait se retrouver momentanément dans un rôle de second à Tracy Ham, ce qui lui permettait de se développer à son rythme. Ça lui a aussi donné le temps de se refaire une santé physique et mentale. À l'époque, le système offensif des Alouettes reposait sur les épaules du porteur de ballon Mike Pringle.
En fin de compte, il a appris comme réserviste à Ham et sans le savoir, il a pris la décision la plus importante de sa vie. Quand il a obtenu la place à Ham, on a vite constaté qu'il était un meilleur passeur que son prédécesseur, qui était un quart athlétique qui avait besoin d'un jeu au sol pour avoir du succès. Calvillo lui, était un passeur plus naturel.
C'est avec l'arrivée de Don Matthews à la barre des Alouettes que la version 2.0 d'Anthony Calvillo est née. Pringle a été tassé et on a immédiatement établi que c'était l'équipe de Calvillo et que l'attaque allait désormais reposer majoritairement sur le jeu aérien. Le nouveau quart a répondu à l'appel et il a bien affronté la pression. Si on l'avait lancé dans la mêlée dès son arrivée en 1998, je ne pense pas qu'il aurait eu la carrière que nous saluons aujourd'hui. Matthews l'a amené à un autre niveau.
Quand j'étais sur la ligne offensive avec lui, ce n'était pas encore le quart confiant et en contrôle que nous avons connu. Il était plus nerveux et il remplaçait Ham, qui avait eu une belle carrière. Il était le jeune qui n'avait pas encore gagné la confiance du vestiaire et de l'unité offensive. C'est avec ses performances qu'il a su gagner cette confiance, mais ça ne s'est pas fait instantanément.
Il mérite plus de respect
Contrairement à d'autres grandes vedettes qui sont passées par Montréal dans d'autres sports, Anthony Calvillo n'a pas récolté tout le mérite qui devrait lui revenir. Il est le plus grand passeur de l'histoire et personne ne peut le lui enlever, mais je ne pense pas qu'il ait été apprécié à sa juste valeur.
Ses chiffres prouvent qu'il a accompli de grandes choses, mais Anthony est un homme humble sans style flamboyant et sans être très charismatique, ce qui peut-être nuit à sa notoriété. Il était un passeur qui dégainait rapidement, mais qui n'exécutait pas de courses spectaculaires. Il est par contre toute une tête de football et son talent permettait de mettre les autres en évidence.
Si on n'a pas reconnu tout son talent ici, je peux vous dire qu'à travers le circuit, c'est tout le contraire. Avec RDS, j'ai la chance de suivre les Alouettes sur la route et je peux affirmer qu'il n'y a pas une ville dans le circuit où des partisans, des commentateurs ou des entraîneurs ne me parlaient pas d'Anthony. Je ne sais plus combien d'entraîneurs m'ont dit combien ils aimeraient pouvoir compter sur un quart comme lui. Quand on parlait de plan de match, les entraîneurs me disaient que ce serait tellement plus facile d'affronter les Alouettes si le numéro 13 n'était pas là.
Parce que j'ai joué avec lui à Toronto, Doug Flutie est le plus grand quart de l'histoire de la LCF à mes yeux. Calvillo est le plus grand passeur, mais Flutie était plus mobile et plus complet. Il offrait une dimension qu'Anthony n'offrait pas. Certains me diront que Flutie n'a joué que sept ans contre plus de 20 ans pour le nouveau retraité. L'argument est bon alors la porte est ouverte aux discussions, mais juste le fait que le nom de Calvillo revienne dans les conversations quand on pose la question, c'est le signe qu'il est parmi les grands.
Dans les années 1980, c'était Warren Moon. Dans les années 1990,Doug Flutie et dans les années 2000, Anthony Calvillo. Faites le débat si vous le désirez à savoir qui a été le plus grand.
Ce sont peut-être les prochaines années chez les Alouettes qui vont permettre aux gens d'apprécier Calvillo à sa juste valeur. On verra ce que la relève aura à offrir et on pourrait trouver qu'on était bien avec Anthony!
Troy Smith me fait penser à Tracy Ham, ce qui pourrait inciter les Alouettes à modifier leur schéma en attaque. Calvillo avait une qualité importante et c'était celle de toujours donner la chance de gagner à son club. Vous n'avez pas idée combien de joueurs autonomes ont voulu venir jouer à Montréal pour avoir la chance de jouer avec Calvillo et d'être un prétendant à la coupe Grey chaque année. L'effet Calvillo était très large.
*Propos recueillis par Robert Latendresse