MONTRÉAL – Quand il arrive dans les quartiers généraux des Alouettes de Montréal, Samuel Thomassin ne crie pas sur tous les toits qu’il s’implique dans le football féminin. 

Après tout, avec sa charpente, ce serait dangereux pour lui de grimper sur la toile du Stade olympique. Plus sérieusement, même s'il ne s'en vante pas à tous, le rôle qu’il joue auprès des Capital Rebels – l’équipe de sa copine Laurie Verrault – est fascinant et essentiel. 

D’ailleurs, signe qui ne ment pas de son attachement, Thomassin utilise les termes « nous autres » pour parler des Rebels. 

Lancer une équipe de football féminin exige déjà beaucoup de cran, mais le plan devient nettement plus complexe quand une pandémie s’invite dans la mêlée. Le projet, lancé au printemps 2020, en a pris pour son rhume depuis deux ans, mais la persévérance des instigatrices le garde en vie. 

« Ce fut tout un défi (au cours des derniers mois) pour les entraîneurs et les administrateurs du club. Mais, durant plusieurs semaines, on a eu des entraînements en mode virtuel et, depuis quelques semaines, on s’entraîne enfin sur le terrain des Gee Gees à Ottawa. On reprend tranquillement et des joueuses s’ajoutent donc c’est le fun », a confié Verrault, au RDS.ca, lors d’une entrevue avec son conjoint. 

Après les opérations très limitées de 2020 et 2021, surtout des pratiques et quelques jeux simulés contre le Blitz de Montréal, les Rebels devraient enfin pouvoir disputer leurs premiers matchs en 2022, à partir du mois de juin. 

« Ce sera du football à neuf contre neuf. Évidemment, avec la COVID, ce fut dur pour le recrutement. Même le Blitz, qui existe depuis quelques années, a perdu des filles. Mais Québec essaie de s’ajouter et on vise d’avoir trois autres formations l’an prochain dont Toronto et peut-être Trois-Rivières. Tranquillement, pas vite, ça va prendre de l’expansion », a expliqué Thomassin qui supervise les joueuses de ligne offensive et de ligne défensive. 

Le chemin parcouru par Laurie et ses coéquipières engendre de la fierté chez l’athlète de 27 ans.  

« Surtout que l’équipe a été lancée dans le pire timing possible. Au début, tout de suite après la COVID, ce fut compliqué. Mais on aperçoit enfin la lumière au bout du tunnel avec une saison qui sera présentée et un engouement qui se fait plus sentir. En étant joueur professionnel, on a une plateforme que l’on peut utiliser pour donner une certaine visibilité. En m’impliquant, je veux les aider pour que ça décolle comme il faut », a-t-il reconnu. 

« Il y a beaucoup plus de femmes et de filles qui sont intéressées à jouer au football, et je ne parle pas de flag, que je pensais. Il y a plus d’engouement qu’on pourrait croire », a ajouté le colosse de six pieds six pouces et 330 livres. 

L’ambition ou le rêve de Laurie tourne justement autour de cet axe. 

« J’aimerais que ça se démocratise, que ce soit accessible. J’ai joué longtemps au soccer. J’ai commencé très jeune et il y a des ligues seniors très bien implantées partout au Québec. Ce serait bien que ça devienne quelque chose de semblable pour le football. Que les jeunes femmes puissent s’inscrire et jouer sans avoir à trop de poser de questions. Les acteurs principaux, Football Ontario et Football Québec sont intéressés par le projet, c’est le fun à voir. Comme ça, on ne verrait plus de jeunes filles qui, comme moi à 17 ans, veulent l’essayer sans que ce soit possible », a exprimé Verrault. 

Elle fait référence à son baptême du football. 

« C’est drôle parce que ça remonte à longtemps. Je faisais du soccer, rugby et du cheerleading. J’ai toujours préféré les sports d’impact et de haute intensité. Une fois, au secondaire, on a eu une activité dans laquelle les gars de football essayaient le cheer et nous, le foot. J’avais trouvé ça vraiment le fun. Mais c’était mort dans l’œuf, il n’y avait pas d’autres opportunités. Dix ans plus tard, il y a eu ce camp des Rebels en 2020. Samuel m’avait refilé l’information et j’avais adoré ça », a narré celle qui évolue sur la ligne offensive et défensive. 

Entraîneur dans l'âme

Ça faisait déjà quelques années que Thomassin savait que le coaching existait en lui. À Québec, il aimait s’impliquer dans le volet du mini-football Rouge et Or, cette transmission de son savoir se faisait naturellement.

Samuel Thomassin« C’est drôle parce que la première fois, j’y suis allé uniquement pour voir Laurie. On m’a dit, ‘Si tu veux aider, tu es le bienvenu’. Les filles ont des bagages différents, certaines ont joué au flag, d’autres un peu au football et d’autres pas pantoute, ça varie beaucoup. J’aide à gauche et à droite comme je peux et ça me fait vraiment plaisir », a-t-il raconté. 

Sans trop s’en apercevoir, Laurie, qui est avocate, avait assimilé une partie des techniques peu orthodoxes de la ligne offensive en observant de près son copain. 

« Le football, ça fait partie de nos vies. Tout ce qui concerne les enseignements de ses entraîneurs, il me le racontait avec beaucoup de passion. Mais le faire, c’est complètement différent, avoue Verrault en riant. Ce fut très difficile de mettre ça en application. Vraiment, tout le mérite leur revient, aux joueurs de haut niveau. »

Elle se considère privilégiée de partager ce sport, encore peu commun chez les femmes, avec son amoureux. Ça l’allume aussi de penser à ses partenaires qui sont notamment des policières, des futures pompières et des filles impliquées dans plusieurs sports. Elle insiste aussi pour lever son chapeau à Sonia Rodi, qui dirige ce club et le tient à bout de bras. 

L'occasion idéale pour se reprendre avec les Alouettes

Au niveau personnel, Thomassin entamera sous peu une saison cruciale dans son développement. L’annulation de la campagne 2020 a retardé son évolution et il a été victime d’une blessure dès le quatrième jour du camp d’entraînement de 2021. 

À peine rétabli, des blessures à des coéquipiers ont précipité ses premiers pas dans la LCF et il n’a pas été en mesure de colmater les brèches suffisamment. 

« Pour moi, c’est tout simplement un nouveau départ. Avec ma blessure, j’ai manqué presque toute l’année et mon élan a été coupé assez vite. J’ai hâte de pouvoir repartir à zéro », a déclaré celui qui s’entraîne avec son coéquipier Philippe Gagnon. 

« J’ai été lancé là-dedans après peu de pratiques et une longue absence. Je ne me sentais pas à 100% avec mon poignet après une grosse blessure. Tout a été trop vite, pour moi, à la première partie, sur la route, à Winnipeg, contre la meilleure équipe. Phil s’était blessé et Luc (Brodeur-Jourdain, son entraîneur de position) me regarde ‘Allez, tu rentres dans le match’. J’étais comme ‘Oh, ok’. Ça faisait un gros baptême disons. Les matchs préparatoires avaient été rayés aussi, ça faisait beaucoup de choses en même temps », a admis le sympathique garde. 

Brodeur-Jourdain apprécie que Thomassin, malgré les embûches, soit extrêmement travaillant et motivé afin de progresser. 

« J’arrive à 27 ans et j’ai encore beaucoup de choses à apprendre. À cause de la COVID, j’ai perdu des années dans la LCF », a réagi l’athlète originaire de Québec. 

Les Alouettes sont parvenus à conserver une grande stabilité sur la ligne offensive alors que Tony Washington est le seul partant à avoir quitté et Chris Schleuger devrait le remplacer. Par conséquent, Thomassin vise avant tout un rôle de remplaçant qui est habillé pour les matchs. 

Le départ de David Foucault lui ouvre une porte. 

« Il occupait le rôle que j’aimerais avoir, mais il était vraiment apprécié dans notre groupe. C’est un bon (et drôle) coéquipier qui part, mais ça me procure une belle opportunité », a conclu Thomassin.