Les Alouettes de Montréal se sont fait lessiver par le Rouge et Noir d’Ottawa jeudi soir. Je pense que les joueurs ont tout dit, à commencer par Tyrell Sutton, qui a admis que les joueurs ont été pourris, puis Luc Brodeur-Jourdain, qui a qualifié le tout de désastreux. La vérité sort de la bouche des joueurs.

C’est sûr que c’est frustrant, mais ce qui l’est particulièrement, c’est que de semaine en semaine, c’est la même rengaine. Depuis le début du mois qu’on nous dit que tous les matchs sont importants et qu’on est en mode éliminatoires, qu’il faut être compétitif durant cette portion du calendrier, qu’il faut gagner. Et voilà qu’on ne se présente même pas.

Rouge et Noir 32 - Alouettes 4

Je pensais que le match à Toronto (une défaite de 38-6) était mauvais, mais personnellement, je ne me souviens pas d’avoir assisté à un match aussi désastreux des Alouettes à domicile dans ma carrière d’analyste. Le match était important parce que tu joues chez vous, parce que tu joues contre l’Est et à cause de son impact sur classement. Surtout qu’il fallait absolument gagner contre Ottawa, car cette victoire leur donne un avantage au niveau du bris d’égalité au classement en vue des éliminatoires. En plus, Ottawa avait seulement cinq jours pour récupérer et pour se préparer, mais ils ont tout de même écrasé Montréal. Quand tu regardes ça, c’est très décevant. En même temps, je suis conscient qu’aucun joueur n’a fait exprès de perdre et de mal jouer, ni l’entraîneur, ni qui que ce soit d’autre dans l’organisation.

Je comprends également que les Moineaux ne sont pas épargnés par les blessures, et ce, à des postes clés. Ça affecte la cohésion et la communication, en plus de tester la profondeur. D'ailleurs on est en train de s’apercevoir que l’équipe n’est pas aussi talentueuse qu’on l’espérait. Cependant, les blessures, c’est la réalité de toutes les équipes dans le football professionnel. Ça fait partie de l’équation. C’est clair que ça affecte un club, mais ça ne devrait jamais être une excuse. Tu dois avoir la mentalité « next man up », c'est-à-dire que le prochain sur la liste doit embarquer et faire le boulot.

Pour moi, l’étoile du match, c’est le front défensif du Rouge et Noir. Ce fut une domination totale. Par la bande, ça met en évidence la contreperformance de la ligne à l’attaque des Alouettes, qui s’est fait manger tout rond. Les porteurs de ballon des Als ont cumulé sept courses pour un total de six verges. Tyrell Sutton, qui est l’un des meilleurs porteurs de ballon de la ligue, a eu six courses pour quatre verges, ce qui veut dire qu’il y a aussi eu des courses qui ont mené à des pertes. C’est épouvantable.

Cinq sacs du quart alloués et dix pressions allouées par les Als, je n’avais jamais vu ça. Quand tu parles d’anomalies et de match bizarre… C’est quand la dernière fois que les Alouettes ont accordé un plus grand nombre de sacs du quart que le nombre de verges gagnées par Tyrell Sutton? C’est assez particulier.

« Un match désastreux »

C’est sûr que Darian Durant n’a pas joué son meilleur football, mais quand on a vu Drew Willy s’amener, ça n’a pas été mieux. Il y a eu autant de pression. Si tu n’as pas de ligne à l’attaque, tu ne peux pas faire le travail. Tout débute avec ça. La ligne à l’attaque en a eu plein les bras. Je comprends que le fait que Jovan Olafioyeait déclaré forfait a provoqué des changements au sein de l’effectif, mais le fait est que ce n’est pas nécessairement aux positions où il y a eu des changements qu’on a connu des ennuis. Brian Simmons et Luc Brodeur-Jourdain a connu des ennuis, et pourtant ils jouent à la même position depuis le début de l’année. Mais évidemment, la ligne à l’attaque, c’est l’unité qui a besoin le plus de cohésion, de communication et de travail collectif.

Depuis le voyage à Winnipeg, je pense qu’on a vu une ligne à l’attaque différente à tous les matchs. On ne se cachera pas que ça met un stress sur le système et sur toute l’attaque. Ça rend les quarts-arrières nerveux et ça fait que ceux-ci ne travaillent pas dans les meilleures conditions.

Comme si ce n’était pas assez, parlons des receveurs. On a encore vu des passes échappées. On n’a pas vu non plus de receveurs en mesure de créer beaucoup de séparation, ce qui met aussi un stress sur les quarts. Ottawa fait beaucoup de couverture homme à homme. J’ai toujours pensé que quand l’adversaire applique une couverture homme à homme, c’est pour tester la précision du quart, car les couvertures sont serrées. Tu défies aussi la capacité des receveurs à se démarquer. Quand tu joues du homme à homme, c’est parce que tu as identifié que tes demis défensifs sont capables de suivre les receveurs de l’autre équipe. Mis à part le long jeu de BJ Cunningham, il n’y avait pas beaucoup d’espace. Ça aussi ce n’est pas évident pour le quart. Les receveurs du Rouge et Noir, eux, ont été capables de créer de l’espace, notamment sur le touché de Joshua Stangby aux dépens de Chip Cox. Il devait y avoir 4-5 verges entre les deux sur une couverture homme à homme. On ne voit pas ça souvent en faveur des Moineaux.

Où est le rythme?

Restons dans la dynamique des receveurs. On a payé gros pour qu’Ernest Jackson soit le no 1, c’était une grosse prise sur le marché des joueurs autonomes. On lui a pourtant lancé le ballon seulement cinq fois et il a réussi deux réceptions pour 19 verges. Quand je regarde les autres équipes, je pense souvent aux Eskimos d’Edmonton. Je sais qu’Adarius Bowman est présentement blessé, mais en temps normal, il est toujours ciblé entre 10 et 15 fois par match en tant que no 1. On l’implique, on lui donne la chance de faire la différence. En même temps, je comprends qu’il n’y pas de rythme en attaque chez les Als et que c’est dur de lancer le ballon à un gars quand tu n’as que 47 jeux offensifs, mais on est allé chercher Jackson pour qu’il soit le no 1, il faut donc lui donner la chance de se faire valoir en tant que tel. On n’assiste pas aux réunions, est-ce que Jackson fait toujours les bons tracés? Fait-il des erreurs? Ça me chicote. Après 10 matchs en 2017, on voit encore des passes échappées et on entend des joueurs dire qu’il y a trop d’erreurs. C’est à se demander si ça prend un doctorat en sciences nucléaires pour jouer dans ce système, est-il si compliqué que ça? Faisons en sorte de le simplifier pour que les joueurs arrêtent de trop penser et jouent plus rapidement. C’est ce qui vient toujours rattraper les Alouettes. On n’a pas de rythme.

Le message de ma dernière chronique portait sur le manque de constance et d’opportunisme, et c’est encore vrai cette semaine. Mais en plus, cette semaine, le rythme est absent. Sept fois l’attaque a réalisé deux jeux suivi d’un botté de dégagement. Le rythme, tu vas le chercher quand ton attaque reste sur le terrain, mais aussi quand la défense sort du terrain rapidement et te redonne rapidement le ballon. Si on regarde le début de match, Ottawa a exécuté 10 jeux pour 68 verges en 5 min 17, alors que ç’a pris deux jeux pour sept verges en 1 min 23 avant que les Moineaux redonnent le ballon à l’adversaire. Lors du premier quart au complet, les Alouettes ont enchaîné 10 jeux, 53 verges et 5 min 37. En attaque, pour être capable d’établir ton plan de match, il faut rester sur le terrain et réussir des jeux sinon ça nuit à la production. Celle-ci a été de 235 verges de gains en 47 jeux. Enlevons le jeu de 56 verges de Cunningham et la course improvisée de 19 verges de Durant, et ça donne 75 verges. Ça veut dire que lors des 45 autres jeux, on a gagné 160 verges au total, soit en moyenne 3,5 verges par jeu. Pire encore, on a perdu 42 verges sur les cinq sacs du quart et on a concédé 138 verges en 11 pénalités. C’est assez spectaculaire. Il faut arrêter de se tirer dans le pied. Ça se peut des matchs où tu n’as pas beaucoup de rythme, où tu ne vas pas chercher beaucoup de premiers jeux, mais tu vas avoir beaucoup de gros jeux pour compenser. Quand tu n’as pas de rythme, quand tu as seulement 12 premiers jeux et que tu ne réussis qu’une longue passe et une seule grosse course, ce n’est pas une bonne combinaison.

Un collègue dans les médias m’a fait remarquer qu’après 10 matchs l’an dernier, les Alouettes avaient marqué 205 points, et cette année, on en est à 203. C’est ce qui est décevant et qui nous laisse sur notre appétit. L’an passé, c’était Anthony Calvillo le sélectionneur de jeux, un gars inexpérimenté (jusqu’à ce qu’il soit remplacé par Jacques Chapdelaine). On avait des ennuis à la position de quart et Jacob Ruby ne faisait pas le travail comme bloqueur à gauche. Voilà qu’on va chercher un bon bloqueur à gauche en Olafioye, on a un sélectionneur plus expérimenté en Chapdelaine, on va chercher un quart expérimenté en Durant… Tout indiquait qu’on avait palier des carences de l’année précédente, mais malgré tout ça, on n’est pas plus avancé.

Il y a un diction qui dit au football : « tes meilleurs doivent être meilleurs que les meilleurs de l’autre équipe ». Hier, les meilleurs d’Ottawa ont été bien meilleurs que les meilleurs de Montréal. Que ce soit les vétérans, les positions clés, les gros salariés, les playmakers… Ottawa a fait les jeux contrairement à Montréal.

Durant n’a pas livré la marchandise, mais je sais qu’il n’était pas tout seul : on n’a pas vu Ernest Jackson, un vétéran comme Samuel Giguère a échappé des ballons. Chip Cox et John Bowman ont pris de mauvaises pénalités, puis Brodeur-Jourdain a raté des blocs. Ce sont pourtant des leaders, pas juste des recrues ou des nouveaux.

Il y a un gros travail à faire pour Chapdelaine et Kavis Reed. Ce qui est frustrant pour les Alouettes, c’est qu’on ne connaît jamais de bons débuts de match. On est mauvais au premier quart et on est mauvais sur les premières séquences. Lors de la première séquence de chacun des 10 premiers matchs de la campagne, il y a eu trois interceptions, cinq bottés de dégagement, un botté de précision raté et un botté de précision pour trois points. On est incapable de commencer le match sur les chapeaux de roue et incapable de donner le ton à la partie. J’ai toujours pensé qu’au football, les débuts de match viennent confirmer ta préparation et ta semaine de pratique. Ça vient confirmer que tu as le bon plan de match, ça donne de la confiance.

L’entraîneur-chef doit s’occuper de la préparation physique, mentale et émotive, ainsi que de la discipline. Quant au manque d’attaque, au manque de rythme et aux mauvais débuts de match, ça repose sur le coordonnateur à l’attaque. Ça adonne que c’est le même gars qui est en charge. Chapdelaine et son personnel ont du pain sur la planche et quand on regarde le calendrier, il n’y en aura pas de facile.

Après le match à Toronto, on avait hâte de voir ressortir la fierté, le leadership et le caractère des troupes. On avait un peu rebondi contre Winnipeg, mais on s’est écroulé à nouveau. Avec huit rencontres devant nous, ce sera tout un test pour cette équipe. Il faut commencer à coller les victoires. Je comprends que personne ne fait exprès, j’ai moi-même joué au football et mon but n’est pas de marteler le clou et d’être négatif, mais il ne faut pas se leurrer non plus.