Voici cinq constats en lien avec la saison des Alouettes de Montréal qui s’est conclue dimanche avec une défaite en demi-finale de l’Est face aux Eskimos d’Edmonton.

Une saison très positive

Après leur dernière participation aux éliminatoires en 2014, les Alouettes avaient affiché un dossier de 21-51 au cours des quatre années suivantes. C’était une équipe qui semblait ne pas avoir de direction ni d’identité et qui n’était pas compétitive, particulièrement en attaque. Je me souviens il y a deux ans quand on avait perdu les 11 derniers matchs de la saison par une moyenne de 25 points, cette équipe était l’une des pires que j’avais vue dans l’histoire de la Ligue canadienne de football.

Ç’a longtemps été la chaise musicale au poste de quart-arrière et du côté des entraîneurs. Quand la présente saison a débuté, on avait déjà perdu notre propriétaire et on avait congédié notre entraîneur-chef Mike Sherman juste avant l'ouverture, puis en cours de route on a congédié notre directeur général Kavis Reed. Tout pointait vers une autre saison difficile, mais au contraire, il semble que tous ces éléments aient servi à galvaniser l’équipe. On s’est débarrassé de cette culture perdante qu’on avait établie pendant plusieurs années.

Il faut évidemment souligner le travail de l’actuel entraîneur-chef Khari Jones, qui a donné de l’espoir et de la confiance à ses joueurs pour leur permettre de croire qu’ils sont en mesure de gagner chaque match. Il leur a fait croire qu’ils avaient du talent et qu’on jouait pour gagner au lieu de jouer pour ne pas perdre. C’est une équipe qui n’a jamais abandonné et qui a fini la saison avec un dossier de 10-8. C’est surtout une équipe qui a donné un bon spectacle aux partisans qui étaient sur place ou devant leur écran. Des partisans qui étaient d’ailleurs de plus en plus nombreux au fil des semaines et c’est vraiment le fun de voir que c’est de retour.

Bref, malgré le fait qu’on a perdu le premier duel éliminatoire, c’est pour moi une saison qui a été marquée par un revirement de situation complet et une saison très positive pour les Alouettes.

Khari Jones doit demeurer en poste

Tout ce que je viens d’énumérer plus haut, ça part de Khari Jones. Si cette saison a été positive, c’est pour plusieurs raisons, mais la raison principale, c'est lui. Il a ramené de la crédibilité à cette équipe et c’était clairement lui le chef. En raison des nombreux départs qu’il y a eu, de l’absence de proprios et de DG, c’est vraiment lui qui menait la barque, c’était le capitaine de toute cette histoire.

Khari Jones louangé par ses joueurs

Les deux choses importantes qu’il a amenées selon moi, c’est de l’honnêteté et du respect. Kavis Reed a assemblé cette équipe qui a tout de même connu du succès, il faut le reconnaître, mais il avait malheureusement le défaut de ne pas toujours être honnête. Il cachait des histoires, ne disait pas toujours la vérité et ça se sentait dans l’équipe. Les joueurs ne faisaient pas nécessairement confiance aux gens autour d’eux et Khari Jones a rétabli cela quand on s’est débarrassé de Kavis Reed. L’autre chose, c’est le respect. L’ex-entraîneur Mike Sherman n’avait pas tout à fait cette qualité. Il ne respectait pas nécessairement notre ligue, ne respectait pas nécessairement tous les joueurs ou tous les gens dans le giron de l’organisation. Il ne faisait pas preuve de respect de plusieurs façons, tant dans ses paroles que dans ses actions ou dans sa façon de diriger, car il brûlait les gars. Il menait des pratiques comme si on était en 1980, comme si on pouvait brûler les gars et qu’on avait des ressources inépuisables dans notre formation alors que ce n’était pas le cas. Les gars étaient tannés. Khari Jones, lui, a déjà été joueur et entraîneur dans la LCF. Il respecte cette ligue-là et comprend les joueurs, tant les recrues qui tentent de s’établir que les vétérans qui sont là et qui tentent de rester en forme et de poursuivre leur carrière.  

Jones a amené une attitude positive, et au niveau stratégique, il a permis à notre attaque d’enfin se mettre en marche. Son contrat arrive à échéance le 31 décembre. On dit qu’il y a déjà des négociations de prolongation de contrat en cours et j’espère qu’on va le garder en poste pour les années à venir.

On a enfin un quart-arrière

Depuis 2013, pas moins de 15 quarts-arrières différents ont obtenu des départs dans l’uniforme des Moineaux, sans succès.

« Un moment spécial » avec Kristian Matte

Du lot, mentionnons des vétérans comme Kevin Glenn et Darian Durant ou des jeunes comme Rakeem Cato et Tanner Marsh. Ça n’a toutefois jamais fonctionné, on n’a pas trouvé quelqu’un qui semblait prêt à prendre les rênes.

Le 16e quart, c’est Vernon Adams. Ce dernier a déjà obtenu des départs en 2016, mais il n’était pas prêt à ce moment. La version 2019 de Vernon Adams était beaucoup plus convaincante. Il s’est promené depuis son premier passage à Montréal en 2016, dont en Saskatchewan et à Hamilton, puis il est revenu. De son propre aveu, il est devenu plus mature, il avait compris que la ligue ne lui donnerait rien gratuitement, qu’il devait travailler pour aller chercher ce qui lui revient. Il était reconnaissant d’avoir une deuxième chance de jouer ici en 2019. Il s’est investi dans le projet des Alouettes et y a mis du temps. Il était toujours le premier arrivé à l’entraînement à 6 h 30 et le dernier parti.

Contrairement à tous les autres quarts qui sont passés ici dans les dernières années sans s’établir, il a trouvé le moyen de gagner, comme le démontre sa fiche de 13-6 en saison régulière. C’est sans compter le dynamisme et l’excitation qu’il amène sur le terrain quand il improvise des jeux. Il a même révélé qu’il a déjà regardé des bandes vidéo le lendemain de la défaite et qu’il a dressé une liste de ses objectifs pour l’an prochain. C’est quand même le fun de voir ça. Il est plutôt mature et on voit qu’il réalise qu’il a la chance de s’imposer comme le quart no 1 pour plusieurs années.

Vernon Adams est encore sous contrat pour une autre saison et c’est une bonne nouvelle car on va avoir la chance de le revoir à l’oeuvre. Je pense qu’on est en selle avec lui pour les prochaines années.

La priorité des Alouettes

Le besoin le plus urgent chez les Alouettes, c’est de dénicher des ailiers défensifs. C’est un problème qui persiste depuis quelques années et cela a été très apparent dans la demi-finale de l’Est.

La LCF, c’est une ligue de passeur. On passe le ballon 65-70 % du temps. Toute stratégie ou tout système de jeu part du fait que tu dois attaquer le quart adverse et protéger le tien. On s’est amélioré en attaque en protégeant beaucoup mieux Vernon Adams, en améliorant nos systèmes et nos joueurs, mais le problème défensif demeure toujours. Pour déranger le quart adverse, il fallait soit amener un blitz avec plusieurs joueurs et dépenser des ressources en couverture, soit on exposait notre tertiaire qui cette année a accordé le plus haut pourcentage de passes complétées dans la LCF (74 %). Ç’a même été pire en demi-finale de l’Est (92 %). C’est hallucinant! On n’a pourtant pas une mauvaise tertiaire même si on la pointe du doigt, qu’on dit qu’elle a de la difficulté à couvrir et qu’il y a des trous béants.

Ça m’amène à parler du coordonnateur défensif Bob Slowik et des ajustements au système de jeu. Slowik est un gars franchement très sympathique, les gars l’adorent et le trouvent inspirant. C’est un bon pédagogue et un homme pour qui les joueurs ont envie de se battre. Il m’a impressionné à ma première rencontre avec lui et ç’a été répété par les joueurs tout au long de la saison. Ça me désole de dire ça, mais malgré les améliorations qu’on a vues cette année à certains moments, Slowik n’est clairement pas l’homme de la situation à ce poste. On peut peut-être le garder dans un rôle secondaire comme entraîneur de la tertiaire ou entraîneur de position quelconque, mais comme coordonnateur défensif, ç’a été difficile.

Le club aspire à aller plus loin l’année prochaine donc il va falloir amener du renfort au niveau du coaching défensif. On ne peut pas continuer à faire ce qu’on a fait et ne pas s’ajuster dans les matchs parce qu’on va avoir le même résultat que la fin de semaine dernière. Il faut clairement aller voir à l’extérieur, et un nom qui me vient en tête rapidement, c’est celui de l’ancien entraîneur-chef des Lions de la Colombie-Britannique qui a été congédié le 6 novembre, DeVone Claybrooks. Ç’a été le coordonnateur défensif des Stampeders de Calgary pendant quelques saisons, un ancien Alouette, une bonne tête de football, alors je le verrais très bien remplir ces fonctions à Montréal s’il le désire.

Il faut trouver les nouveaux proprios

Le dernier point et non le moindre : il faut absolument trouver les nouveaux propriétaires rapidement.

C’est un dossier urgent rendu au moment où on se parle. On apprenait en février que l’équipe était en vente, et qui sait si elle ne l’était pas depuis encore plus longtemps. En mai, la LCF a confirmé qu’elle l’avait achetée aux Wetenhall. Ça fait donc environ 10 mois que l’équipe est à vendre et environ 6 mois que la ligue est propriétaire.

Je comprends que ce type de processus peut être long et qu’il y a peut-être plusieurs subtilités qui nous échappent, mais ça commence à être long et on est en droit de se demander ce qui se passe. Surtout que tous les groupes qu’on connaît qui ont approché la ligue ont critiqué le processus. On a émis de la frustration par rapport à comment le tout avait été géré. Je comprends qu’on peut avoir des frustrations quand notre candidature n’est pas retenue, mais c’est une drôle de coïncidence quand tous les acteurs impliqués ont trouvé le processus de vente ridicule. On nous dit sans arrêt que c’est plus important de bien faire les choses que de les faire vite, mais à un moment donné, il faut aboutir. On ne parle pas d’une transaction de plusieurs milliards de dollars, mais bien de quelques millions. Plusieurs groupes sont intéressés, plusieurs avaient l’argent nécessaire en banque, mais rien n’a quand même été conclu. On semble s’obstiner à vouloir les Lenkov. Si c’est bel et bien le groupe favori, je ne comprends pas pourtant pas pourquoi ce n’est pas réglé.

La LCF et les Alouettes sont chanceux que la saison s’est bien déroulée sur le terrain, parce que sinon, ça aurait été catastrophique pour toutes les parties impliquées. Il faut arrêter de jouer avec le feu. On est déjà en train de préparer la saison 2020, il y a plein de choses à faire; il y a des contrats à renouveler, des contrats de commandites à compléter, des complexes de pratique à acheter ou construire. Il y a beaucoup de pain sur la planche. Ce n’est pas parce que l’équipe a eu du succès cette saison que tout est au beau fixe. On a quand même perçu une équipe un peu déconnectée du public et on veut rétablir cette connexion. On veut reprendre le momentum engendré par la dernière saison et on risque de le perdre si on fait encore traîner ce dossier en longueur. Vendons l’équipe et allons de l’avant parce que ça commence à être ridicule.

 

*Propos recueillis par Audrey Roy

« Difficile de prendre une décision »
Les Alouettes laissent Harris faire ce qu'il veut