J’ai l’impression de me répéter, mais c’est le même discours qui revient depuis trois semaines avec une troisième défaite de suite des Alouettes, cette fois à Toronto, face aux Argonauts.

Dans les dernières années, les Alouettes n’avaient pas de complexe lorsqu’ils se présentaient à Toronto. Ils avaient gagné leurs sept dernières rencontres dans la Ville Reine. Lundi, il s’agissait de leur premier revers depuis le 14 août 2010 à Toronto.

Pourtant, les Alouettes ont connu un début de match canon. On pouvait vraiment avoir de l’espoir. Mais au final, je ne me souviens pas d’avoir vu une équipe en faire autant pour tuer son propre momentum.

Le fameux momentum, c’est cliché dans le monde du sport. C’est une période de temps dans un match où ton équipe est en contrôle et que tout fonctionne pour elle. Et tout d’un coup, tu le perds. Lundi, c’était quand même particulier de voir les Alouettes tout faire pour perdre leur momentum, et ce, à plusieurs reprises au cours de la partie.

Nous avons juste à penser au début de match qui a été impressionnant. Les unités spéciales ont réussi un superbe botté d’envoi avec une bonne couverture pour refouler les Argos. L’attaque de Toronto a effectué deux jeux et a dû dégager. Stefan Logan a ensuite réussi un beau retour, son meilleur de la saison, et les Alouettes étaient déjà dans le territoire des Argos.

Vient le temps d’effectuer le botté de précision après la séquence de l’unité offensive, mais on tombe à plat avec un botté raté. Ce n’était pas un placement qui devait être stressant pour un botteur puisque c’était sur 40 verges avec le vent dans le dos. Ce jeu a bousillé l’élan de début de match.

Mais ce n’est pas grave!

Les Alouettes se reprennent. La défense force l’échappée sur une course de Brandon Whitaker et l’attaque en profite pour marquer un touché au sol avec Brandon Rutley. Les hommes de Jim Popp ont donc le vent dans les voiles en menant 8-0 au premier quart.

Jusqu’au moment où on décide de retourner un botté de précision raté... jusqu’à la ligne de 3.

Bon, évidemment, c’est toujours plus facile pour nous après les faits de parler de cela. C’est certain qu’un retourneur de la trempe de Logan va avoir le feu vert pour retourner les placements ratés la plupart du temps.

Là où Logan a toutefois erré, c’est que la tentative de botté de précision était très mauvaise. Lirim Hajrullahu bottait contre le vent et il a envoyé le ballon en hauteur. Le ballon est donc resté très longtemps dans les airs, comme s’il ne voulait jamais tomber. Quand Logan a attrapé le ballon dans sa zone de buts, la couverture de botté était déjà profondément dans le territoire puisque les joueurs avaient eu le temps de se rendre à lui.

Bref, il aurait dû donner le point. Le pointage aurait été de 8-1, rien de dramatique, et les Alouettes auraient recommencé à la ligne de 35. Au lieu de cela, l’attaque a commencé à la ligne de 3, a dû dégager et les Argos ont repris le ballon en milieu de terrain. Les Alouettes ont ensuite commencé leur festival de pénalités et Toronto en a profité pour marquer 21 points d’affilée.

Après le premier touché de Kenny Shaw qui rétrécissait l’écart à 8-7, l’attaque a repris le ballon et a réussi à le faire bouger. Les Alouettes préparaient une riposte avec un botté de précision. Encore une fois, c’est raté! Ça sape le moral ce genre de situation quand un jeu vient bousiller un élan.

Il faut noter que les Alouettes n’ont pas de bonds qui vont en leur faveur par les temps qui courent. Ils ne jouent pas bien et n’aident pas leur propre cause, mais au football, tu peux avoir un peu de chance parfois pour te donner confiance.

En fin de première demie, quand ils ont accordé le touché à Toronto, même si on est allé à la reprise vidéo, personnellement, je ne pensais pas qu’il était bon. Je trouvais que le ballon avait bougé et touché au sol. Pour moi, ce n’était pas un touché, mais la ligue en a décidé autrement. Bref, les Alouettes n’étaient pas dus pour avoir un bond en leur faveur.

Un bon début de deuxième demie

C’était donc 21-9 à la mi-temps. En commençant le troisième quart, on a bon botté de Bede qui refoule les Argos à leur ligne de 15. La défense embarque et force une série de deux jeux suivie d’un dégagement. Les Alouettes enchaînent avec le touché de 61 verges de Duron Carter. Après, une autre excellente couverture sur le botté d’envoi pour refouler l’adversaire. L’unité défensive force l’échappée d’Anthony Coombs et c’est récupéré par Vaughn Martin. L’attaque arrive à la porte des buts et on croit qu’elle va capitaliser en prenant les devants pour la première fois depuis le début du deuxième quart. Mais Kevin Glenn est intercepté dans la zone des buts.

Ouch! Encore une fois, les Alouettes perdent le momentum. Néanmoins, c’était seulement 22-16 après trois quarts et les Alouettes étaient encore dans le coup. Malheureusement, les Argos inscrivent un majeur au début du quatrième quart.

C’est à ce moment qu’on voit une lueur d’espoir. Aaron Lavarias effectue une superbe interception sur le quart réserviste Logan Kilgore. On voit un peu renaître les Alouettes avec cette chance de revenir.

Et qu’est-ce qui arrive? Une autre tentative de botté de précision ratée.

Encore une fois, ça affecte le moral des troupes. Le match des Alouettes se résume à cela. Il y a eu plusieurs bons jeux, mais de mauvais jeux à de mauvais moments de la rencontre sont venus carrément aider la cause de l’autre équipe.

Kevin GlennNous n’avons pas de boule de cristal, mais si on fait le calcul, les Alouettes ont perdu par 13 points. On s’en va trois fois dans la zone payante. On marque un touché, on lance une interception dans la zone des buts et on se fait arrêter à la ligne de 3 sur un troisième essai. Ajoutez à cela les trois bottés de précision ratés qui ont coûté six points puisqu’il y a eu trois simples. L’interception et le troisième essai qui n’a pas été converti, si ce sont des touchés, c’est 14 points de plus. Bref, ce sont 20 points faciles que les Alouettes auraient pu avoir.

Évidemment, c’est une grande source de frustration pour les joueurs, les entraîneurs, les partisans, finalement pour tout le monde!

Avec des « si » on peut aller loin, mais les Alouettes auraient pu gagner ce match, et ils auraient même probablement dû le gagner. Mais il y avait toujours des performances de certains joueurs qui venaient freiner l’élan que l’équipe tentait de prendre.

Par contre, j’ai vu de l’effort. J’ai vu une équipe se battre et tout donner. Je n’ai pas vu de joueurs abandonner. À mon point de vue, cette défaite n’est pas comme les deux dernières bien que ce soit le même résultat en fin de compte.

L’équipe n’avait pas fait grand-chose de bon dans les deux dernières rencontres. Mais lundi, il y a eu de bonnes choses qui ont été faites dans chacune des facettes. Sauf, ça en prenait plus pour espérer gagner.

C’est une troisième défaite d’affilée pour les Alouettes. Pour connaître plus de succès en 2016, on avait identifié deux points à corriger contrairement à la précédente saison : gagner les matchs contre les rivaux de division et à domicile. L’an dernier, les Alouettes ont terminé avec une fiche de 3-5 face aux formations de l’Est. En 2016, c’est maintenant un dossier de 0-3.

Ce n’est guère mieux à domicile. Les Alouettes ont perdu leurs deux matchs au Stade Percival-Molson cette saison, ce qui veut donc dire qu’ils devront aligner les victoires pour espérer améliorer leur fiche de 3-6 de l’an dernier. Ce qui a nui aux Alouettes en 2015 se reproduit encore cette année. Ils ne peuvent pas continuer comme cela parce que le résultat sera le même à la fin de la saison.

Les « m » de Bede

Malgré les bottés ratés, il y a eu beaucoup de positif sur les unités spéciales. On a eu droit à la meilleure performance de Stefan Logan depuis le début de l’année. Il a eu deux retours explosifs de 40 verges et plus.

À un certain point, les Argos ont commencé à botter le ballon à tout le monde sauf Logan. C’était une preuve que les retours avaient un impact positif sur le match et que Toronto voulait éviter le retourneur des Alouettes.

Les couvertures de botté ont été excellentes. Le retourneur des Argos, Larry Taylor, connaissait un bon début de saison. Il a effectué trois retours de dégagement pour 18 verges et deux sur des bottés d’envoi pour un maigre total de 38 verges.

Mais, évidemment, ce qui ressort du lot, ce sont les trois bottés de précision ratés de Boris Bede et la décision de Logan de sortir le ballon de la zone des buts à la suite du placement raté. Cela fait ombrage sur les points positifs des unités spéciales. C’est dommage, mais au moins il y a de quoi sur lequel on peut bâtir. C’est encourageant.

Dans le cas de Bede, on est tous déçus parce que c’est un ancien du Rouge et Or et il a une personnalité attachante. Il a beaucoup de talent et de potentiel, mais il passe à travers sa première tempête. On va en apprendre un peu plus sur lui durant cette épreuve. Ce sont des situations comme celle-là qui permette de voir si un joueur a du caractère.

Pour les botteurs, lorsqu’il y a des problèmes, ça commence généralement par la lettre « m ». C’est soit mental ou mécanique. Des fois, ce sont les deux!

La bonne nouvelle, c’est que Bede a du talent et une bonne éthique de travail. Il va tout faire pour essayer de retrouver le droit chemin. Au niveau du mental, il doit se regrouper. Du côté mécanique, sûrement que les entraîneurs et lui vont pouvoir faire de l’étude vidéo pour voir où est le problème.

Autre point qui peut expliquer ses problèmes, et ça peut paraître banal, mais il a un nouveau teneur en Kyle Graves cette saison. Ce n’est plus Tanner Marsh. Le rôle du teneur n’est pas simplement que de tenir le ballon. Il doit savoir comment et dans quel angle le botteur aime que le ballon soit placé, et ce selon les distances.

De plus, les teneurs sont là pour aider le botteur à se préparer mentalement. C’est d’avoir les mots justes avant les bottés. Ce n’est jamais évident de changer de teneur, mais ce n’est pas simplement que ce point qui peut expliquer les déboires de Bede.

Bede doit donc travailler avec Graves et le spécialiste des longues remises, Martin Bédard. Je peux vous dire que lorsque je vais voir les entraînements des Alouettes, je les vois s’exercer ensemble très souvent.

Par contre, il n’est pas le seul dans la LCF à éprouver des ennuis sur les bottés de précision cette année. Je regardais récemment Rene Paredes, le botteur des Stampeders de Calgary. C’est un botteur vedette qui a été membre des équipes d’étoiles dans la LCF. Il a déjà raté quatre bottés de précision cette saison et cinq transformations d’un point. C’est une drôle d’année pour les botteurs!

Les transformations d’un point ne sont plus automatiques étant donné qu’elles sont faites de la ligne de 32 et je me demande si cela peut apporter plus de stress sur les épaules des botteurs. Auparavant, au début d’un match, quand tu avais la chance d’effectuer une transformation de 12 verges, c’était garanti et ça mettait en confiance. Je ne sais pas si ça peut être une explication, mais je voulais vous partager l’observation.

Paredes est une ancienne étoile, donc j’imagine que les Stampeders seront plus patients dans son cas.

Du côté de Bede, les Alouettes vont tenter de créer une compétition à l’entraînement en amenant d’autres botteurs. Bede a très bien fait l’an dernier quand il a gagné sa bataille contre Sean Whyte. Il ne devrait pas avoir peur de la compétition.

Bede doit donc trouver ce qui cloche, peu importe que ce soit psychologique ou dans sa technique, pour éviter une autre performance décevante du côté des bottés de précision. Ce sera une situation à suivre, mais il faut absolument que ce soit corrigé.

Dans ma chronique de demain, j’aborderai les performances de l’attaque et de la défense ainsi que l’indiscipline chronique des Alouettes.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne